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1. Chapitre 1: Introduction

1.2 Le complexe TIP60/NuA4: un acteur essentiel de la dynamique chromatinienne

1.2.3 Les domaines de lecture de la chromatine

1.2.3.1 Chromodomaine de Tip60/KAT5

Tip60/KAT5 possède également un domaine de lecture de la chromatine en N-teminal de structure similaire à son homologue Esa1. Initialement identifié comme un CHD, il a été proposé qu'Esa1 possèderait un domaine de type Tudor ou chromobarrel dû à la présence en N-terminal d'une extension (ou noeud) (Huang and Tan, 2013; Shimojo et al., 2008). Le domaine ne semble pas impliqué dans la reconnaissance de marques (Selleck et al., 2005) et serait spécifique de la queue non-modifiée d'H3 (Jacobs et al., 2001). De plus, la liaison du domaine à la chromatine semble impacter l'activité HAT, puisque des mutants ponctuels ont une perte d'activité. Ceci pourrait aussi avoir un effet sur le repliement du domaine catalytique MYST. Cet effet a aussi été observé pour Tip60 (Sun et al., 2009).

Le CHD de Tip60 serait spécifique de H3K4me1 et jouerait un rôle dans la liaison du complexe aux enhancers pour l'activation de la transcription. Ceci passerait par l'acétylation de la chromatine et notamment H2AK5ac (Jeong et al., 2011). Une autre étude a montré une interaction spécifique in vitro du CHD avec H3K9me3 (Sun et al., 2009). Les cellules double KO Suv39H1/H2 semblent montrer une perte d'activité de Tip60 in vitro après purification. De plus, les auteurs argumentent que la liaison de H3K9me3 participerait au ciblage du complexe à l'hétérochromatine notamment pendant la réparation des CDBs (partie 3). Ils observent aussi une interaction avec H3K36me3. Enfin, une dernière étude observerait une interaction du CHD avec H3K4me3 qui ciblerait le complexe au promoteur de gènes (Kim et al., 2015). De plus, le CHD de Tip60 serait capable d'interagir avec les acides nucléiques aussi bien l'ARN (Shimojo et al., 2008) que l'ADN (Huang and Tan, 2013). Récemment, un lien entre les R-loops et le complexe TIP60 a été établi (Chen et al., 2015). Les R-loops sont des structures hybrides constituées de l'ADN matrice et d'ARN provenant des transcrits naissants pendant la transcription au niveau des promoteurs. La présence de TIP60 au promoteur de gènes semble dépendante de la formation des R-loops, suggérant en fait que le CHD de Tip60 pourrait participer au ciblage du complexe TIP60 à travers la liaison de ces structures. Il existe donc une importante controverse concernant la spécificité de ce domaine.

Tip60 est le substrat de nombreuses PTM au sein de ses domaines fonctionnels et de façon intéressante au sein même de son CHD. La phosphorylation de Tip60 dans son CHD sur la tyrosine 44 par C-Abl semble affecter sa liaison à H3K9me3 (Kaidi and Jackson, 2013). De plus, le CHD est aussi acétylé sur plusieurs résidus sous la dépendance de SIRT1 (Peng et al., 2012). L'acétylation dans le

CHD sur un résidu conservé chez Esa1 est à l'origine d'un projet annexe que j'ai mené lors de mon doctorat (voir chapitre 4).

1.2.3.2 Domaines CHD et MRG des protéines MRG15 et MRGX

MRG15 appartient à la famille des protéines à domaine MRG (Morf related gene) qui contient MRGX, MRG15 et MRGBP. Le domaine MRG est hautement conservé et ces protéines présentent environ 96% d'identité de séquence pour ce domaine (Bowman et al., 2006). MRG15 est la seule à posséder un domaine de lecture de type CHD. De façon intéressante, il existe 2 isoformes d'épissage dont l'un d'eux présente une insertion au sein de ce même domaine. Cet isoforme minoritaire plus long ressemble plus à l'homologue EAF3 chez la levure.

La spécificité d'EAF3 a été clairement établie pour H3K36me2/3 (Carrozza et al., 2005b; Joshi and Struhl, 2005; Keogh et al., 2005). Sa fonction de ciblage à la chromatine a été démontrée au sein du complexe Rpd3S au niveau du corps des gènes transcrits et en lien avec la régulation de la transcription cryptique (Carrozza et al., 2005b; Keogh et al., 2005; Li et al., 2007). Le CHD de MRG15 reconnait H3K36me2/3 de la même manière et participe au ciblage de TIP60 et Sin3B à la chromatine (Hayakawa et al., 2007; Kumar et al., 2012; Zhang et al., 2006). De plus, MRG15 a également été retrouvée dans le complexe MAF2 associé à MOF (Pardo et al., 2002).

MRGX est le paralogue de MRG15 mais ne contient pas de domaine CHD. Les 2 protéines semblent former des complexes TIP60 distincts (Hayakawa et al., 2007). Elles sont toutes les deux présentes retrouvée dans Sin3B, l'homologue de Rpd3S. MRG15 oscillerait donc entre 2 fonctions opposées d'activation et d'inhibition de la transcription à travers ces 2 complexes. Le domaine MRG de MRG15 est responsable de la liaison de Pf1, la reliant au complexe Sin3B (Kumar et al., 2012). Il serait également structurellement homologue à un domaine de liaison à l'ADN, mais cette fonction n'a pas été démontrée expérimentalement (Bowman et al., 2006). Finalement, le domaine MRG de MRG15 serait aussi capable de lier H2BK119ubi ce qui ciblerait l'acétylation de H4K16 durant la réparation par recombinaison homologue ((Wu et al., 2011); voir partie 2 et 3). La dynamique de MRGX vs MRG15 au

sein du complexe TIP60 et les fonctions différentielles de ces 2 protéines sont à l'origine d'un projet qui ne sera pas présenté ici.

1.2.3.3 Bromodomaine de BRD8

Bdf1 est l'homologue de BRD8 et possède 2 bromodomaines qui reconnaissent H4 acétylée. Il participe à la fonction d'échange de H2AZ par le complexe SWR1 et au recrutement du facteur de transcription TFIID au niveau des promoteurs (Altaf et al., 2010; Ladurner et al., 2003; Matangkasombut et al., 2000). De plus, Bdf1 n'est pas stoechiométrique avec le reste de SWR1 et semble représenter un sous complexe qui sans Bdf1 serait plus similaire à SRCAP. BRD8 n'a pas d'homologue dans NuA4 à proprement parler mais prend la place de EAF5 structurellement au sein du complexe. Toutefois, il existe une interaction génétique entre Esa1 et Bdf1 donc un lien fonctionnel évolutif conservé (Matangkasombut et al., 2000).

BRD8 possède 2 isoformes d'épissage contenant 1 ou 2 bromodomaines qui pourraient avoir des fonctions différentes. Il est intéressant de noter que l'espacement entre les lysines acétylées dans certaines queues d'histones, comme celle de H4, est régulier. Cette disposition pourrait donc faire partie d'un motif de reconnaissance. En effet, beaucoup de protéines à bromodomaine comme TAFII250 contiennent des BRD adjacents qui pourraient en fait fonctionner de façon synergique (Strahl and Allis, 2000). Le variant court ou p120 a été montré pour interagir avec les récepteurs TR (thyroid receptor) et RXR (9-cis-retinoic acid receptor) et les activer (Monden et al). On peut donc penser que les 2 isoformes de BRD8 pourraient avoir des rôles différentiels au sein du complexe TIP60.

1.2.3.4 PHD d'ING3

ING3 fait partie de la famille des protéines ING (Inhibitor of Growth) qui compte 5 membres (pour revue (Avvakumov and Cote, 2007; Tallen and Riabowol, 2014)). Les protéines ING sont des suppresseurs de tumeurs présents dans les complexes de la famille MYST (Doyon et al., 2006). ING3 est le plus divergent de la famille des ING. C'est l'homologue d'Yng2 chez la levure et les 2 protéines présentent 48% de similarité de séquence au niveau des 2 domaines fonctionnels. Le domaine N-terminal est responsable de l'interaction d'Yng2 avec le reste du complexe NuA4. Le domaine C-terminal contient un domaine PHD spécifique à H3K4me3 nécessaire à l'acétylation de la chromatine par NuA4 (Boudreault et al., 2003). De plus, le domaine C-terminal d'Yng2 serait capable d'interagir avec les phosphatidylinositol-phosphates ou PIP (Steunou, Cramet et al en préparation). Son homologue ING3 est une sous-unité unique au

complexe TIP60 et semble aussi jouer un rôle majeur dans le ciblage du complexe. Elle participe notamment à la régulation de la transcription dépendante de la voie p53, l'activation de l'apoptose en réponse à des dommages de l'ADN (Luo et al., 2009; Wang and Li, 2006) et l'arrêt du cycle cellulaire dépendant de p53 (Nagashima et al., 2003).

1.2.3.5 Les autres domaines fonctionnels au sein du complexe: TRRAP, DMAP1, YL1/VPS72, EPC1

TRRAP est la plus imposante sous-unité du complexe TIP60. Elle appartient à la famille des PIKK (PI3K

related kinases) qui comprend ATM, ATR, mTor et DNA-PKcs (voir partie 3). Contrairement aux autres

membres, elle ne possède pas d'activité kinase car son domaine kinase serait dépourvu des résidus essentiels au domaine catalytique (McMahon et al., 1998). Cette absence d'activité a été confirmée in

vitro via des essais biochimiques (Saleh et al., 1998). C'est aussi une sous-unité des complexes SAGA et

PCAF où elle joue également un rôle structural important. TRRAP est essentielle à la cellule et fonctionne comme un co-régulateur transcriptionnel (Murr et al., 2006).

TRRAP et son homologue chez la levure Tra1 sont structurellement très proches (Knutson and Hahn, 2011). Les 2 protéines contiennent des domaines FAT (Focal Adhesion kinase Targeting), FRB (FKBP12 Rapamycin Binding) et FATC (FAT C-terminal) qui sont des domaines d'interaction protéiques. Leur domaine FAT a une structure en hélice formée d'une cinquantaine de répétitions de type HEAT (Huntingtin, elongation factor 3, PR65/A and TOR) et une quinzaine de TPR (tetratricopeptid) et recouvre plus de la moitié amino-terminale de la protéine. Le domaine FBR adjacent au domaine PI3K est formé de 4 hélices anti-parallèles de type coiled coil. Le domaine FATC est un petit domaine formé de 2 hélices-  reliées par un pont disulfure. Les domaines PI3K, FATC et FRB sont indispensables à sa fonction. TRRAP ne contient pas de domaine liant directement la chromatine. Cependant TRRAP interagit avec de nombreux partenaires comme Myc pendant la transcription ou le complexe MRN pendant la réparation (Chailleux et al., 2010; Park et al., 2001; Robert et al., 2006).

DMAP1 (DNA methyltransferase 1-associated protein 1) a été initialement identifiée comme étant associé à DNMT1 et à HDAC2 pour réprimer la transcription au cours de la réplication (Rountree et al., 2000). Elle est aussi retrouvée au sein du complexe SRCAP (Ruhl et al., 2006). DMAP1 possède un potentiel domaine de lecture de queue d'histones de type SANT (Boyer et al., 2004). Son homologue chez la levure, Eaf2 (ou Swc4) est essentiel et également retrouvé au sein du complexe SWR1. La fonction de son domaine SANT est cruciale puisque l'expression du domaine SANT rétablit la viabilité

dans un eaf2 (Auger et al., 2008). Un siRNA dirigé contre DMAP1 induit des cassures double-brin

spontanées de l'ADN et une activation du point de contrôle du cycle dépendant de p53 (Negishi et al., 2009). Il jouerait un rôle dans la régulation des points de contrôle du cycle cellulaire, la réparation de l'ADN et l'activation de l'apoptose.

YL1/Vps72 est l'homologue de Swc2 chez la levure. Swc2 est connue pour interagir directement avec Htz1 au sein de SWR1 (Wu et al., 2005). Chez l'humain, YL1 est aussi retrouvée dans TIP60 et SRCAP et aurait la même fonction de liaison à H2AZ (Cai et al., 2005; Latrick et al., 2016). La protéine possède un domaine acidique en N-terminal et un domaine riche en proline en carboxy-terminal. La sur- expression de YL1 a un effet suppresseur de tumeur sur les cellules infectées par un virus, mais sa fonction serait liée à la transformation cellulaire indépendamment de la croissance (Horikawa et al., 1995).

YEATS4 est l'homologue de Yaf9 chez la levure. Yaf9 interagirait directement avec Swc4 (EAF2) via son domaine coiled-coil C-terminal et le rattacherait au reste du complexe NuA4 (Cairns et al 2005). De plus, un mutant de Yaf9 perdant l'interaction avec Swc4 phénocopie la délétion de yaf9 lors du traitement à certaines drogues comme les inhibiteurs des microtubules (Le Masson et al., 2003). Yaf9 est impliqué dans l'acétylation d'H4, l'expression des gènes et l'incorporation de Htz1 aux télomères à travers SWR1 et NuA4 (Wang et al., 2009; Zhang et al., 2004). YEATS4 contient un domaine YEAST en N- terminal qui aurait la fonction de lier H4 ou H3 acétylées comme cela a été démontré pour son homologue AF9 (YEATS3) envers H3ac (Li et al., 2014; Schulze et al., 2009). Ce même domaine interagirait également avec le facteur de transcription TFIIF (Heisel et al., 2010). YEATS4 ou GAS41 (Glioma-amplified sequence 41) est surexprimée dans certains cancers comme les gliomes (Schmitt et al., 2012).

EPC1 (Enhancer of Polycomb 1) interagit avec la queue N-terminale de H2A via son domaine amino-terminale. Ainsi, l'étude de l'interaction de piccolo-NuA4 avec la chromatine a révélé qu'Epl1, l’homologue d’EPC1, joue un rôle essentiel dans le ciblage et l'interaction avec le nucléosome (Chittuluru et al., 2011). De manière intéressante, la délétion de la queue N-terminale de H2A bloque l'acétylation de la chromatine par NuA4 (Huang and Tan, 2013). Plus précisément, les résidus 51 à 72 d'Epl1 sont nécessaires pour l'interaction in vitro. Ceci a été confirmé avec EPC1 où la délétion d'un domaine N- terminal de 13 acides aminés bloque spécifiquement l'acétylation de H4 par piccolo-TIP60 (Lalonde et al.). Ce domaine serait donc impliqué dans la présentation du substrat au complexe pour le ciblage de

H4. H2A ne semble pas affectée ce qui suggèrerait que son acétylation est régulée à travers une autre sous-unité et/ou une autre interaction avec la chromatine. EPC1 possède un paralogue EPC2 qui est retrouvé dans le complexe TIP60 mais dont la fonction semble reste indéterminée (Doyon and Cote, 2004). Les 2 protéines sont très proches et diffèrent seulement sur leur extrémité C-terminale. On s'attend donc à ce qu'EPC2 interagisse avec H2A de manière similaire. On ne sait pas si les 2 paralogues ont des fonctions différentes mais une étude montre que les 2 protéines ont une fonction similaire dans l'oncogenèse des leucémies myéloïdes aigües (Huang et al., 2014b).