pro-cédés conventionnels
Nous allons nous intéresser à la conséquence de l’utilisation de trois procédés de
fabrication conventionnels, sur la conception de produits. Leurs contraintes de fabrication
ont abouti à l’expression de règles de conception qui permettent de concevoir des pièces
fabricables. Les procédés que nous allons considérer sont l’usinage, principal procédé de
fabrication soustractif, la fonderie, procédé additif traditionnel, et la forge, procédé de
mise en forme par déformation plastique dans une empreinte.
2.2.1 Usinage
L’usinage consiste à fabriquer des pièces par l’enlèvement de matière à l’aide d’outils
coupants, à partir d’un volume brut. L’ensemble outils de coupe, machine et matière
détermine les limites en termes de dimensions réalisables mais aussi d’accessibilité aux
zones à usiner qui est un facteur essentiel de la fabricabilité des pièces.
Entités géométriques réalisables par usinage Les surfaces réalisées par usinage
sont élaborées soit par travail de forme, soit par travail d’enveloppe. Le travail de forme
consiste à fabriquer un volume par le travail de l’arête de coupe de l’outil. Les volumes
obtenus sont alors généralement simples : cylindres, cylindres étagés, filetages, gorges,
etc. Le travail d’enveloppe est la réalisation de surfaces par l’action de l’arête de coupe
ou d’un point de l’arête de coupe, associé à un déplacement de l’outil. Il est alors possible
de fabriquer des volumes prismatiques en fraisage, des poches, des volumes coniques, etc.
La réalisation de volumes composés de surfaces planes ou axi-symétriques est possible
par contact direct entre la pièce et l’arête de coupe ou par déplacement simple de celle-ci,
par rapport à la pièce. La réalisation de surfaces non-développables (telles les pales de
la turbine de la figure 2.4) demande la génération de trajectoires sophistiquées. Ce type
de surfaces est d’ailleurs qualifié de "complexe" à cause de la complexité des stratégies de
balayage.
Figure 2.1 – Possibilités d’usinage à l’aide d’un centre 4 axes [ACMV97]
Les pièces réalisées en usinage sont donc en grande partie composées de plans et de
cylindres (Figure 2.1). Si nécessaire, des surfaces complexes peuvent être obtenues mais
dans ce cas, les temps de fabrication et les coûts augmentent considérablement.
Accessibilité et orientation des entités à usiner Les opérations d’usinage, qu’il
s’agisse de travail de forme ou d’enveloppe, nécessitent que les surfaces ou volumes soient
accessibles aux outils de coupe, c’est-à-dire que les outils puissent réaliser les opérations
sans entrer en collision avec d’autres parties de la pièce (ou avec le posage et la structure
de la machine). L’utilisation de machines disposant de cinématiques 5 axes peut permettre
de réaliser des opérations complexes comme des balayages de surfaces gauches. Il n’est
cependant pas possible de fabriquer des treillis fins par exemple (Figure 2.6), car les outils
ne peuvent atteindre toutes les surfaces à usiner. Afin d’améliorer la productivité et de
baisser le coût de fabrication, il est également recommandé que les surfaces réalisées par
usinage aient la même orientation et se trouvent à la même hauteur (exemple de règles
métiers pour le fraisage [PBFG07], figure 2.2).
Figure 2.2 – Règles de conception pour la fabrication de pièces en fraisage [PBFG07]
Dimensions réalisables Les dimensions minimales obtenues par travail de forme, tels
les diamètres de trous cylindriques, dépendent directement des dimensions de l’outil
choisi. La réalisation de micro-usinages demande des outillages spécifiques, ainsi que
des machines ayant des broches avec des vitesses de rotation très élevées (pour avoir une
vitesse de coupe correcte malgré des diamètres d’outils faibles) [BLO05]. La réalisation
de voiles minces ou d’autres volumes de faible épaisseur, est rendue complexe par les
vibrations et par les déformations élastiques qui ont lieu lors des opérations d’usinage. Si
l’utilisation de moyens UGV (Ultra Grande Vitesse) permet de réduire ces phénomènes,
il reste très difficile de réaliser des géométries avec des épaisseurs fines [ST97].
2.2.2 Fonderie
La fonderie est le principal procédé de mise en forme par fusion et coulée. Les
contraintes de ce procédé proviennent de celles liées à la réalisation du moule, à la forme
des noyaux utilisés pour réaliser les formes creuses intérieures, au remplissage du moule
et à la phase de refroidissement.
Fabrication du moule Les coquilles et les plaques modèles qui servent à réaliser des
moules en sable sont principalement fabriquées par usinage. Elles sont donc tributaires des
contraintes de ce procédé, notamment en ce qui concerne l’accessibilité des surfaces. La
présence de volumes creux nécessite l’utilisation de noyaux. Dans la mesure du possible,
cette utilisation est à éviter. Si les noyaux sont indispensables, ils doivent avoir des formes
simples (pavés rectangulaires ou trapézoïdaux, cylindres).
Remplissage du moule Lors de la coulée, le moule doit se remplir de la façon la plus
homogène possible pour éviter les accélérations et décélérations du fluide qui peuvent
provoquer des défauts. Les variations de sections doivent être douces, les arêtes doivent
être remplacées par des congés et les épaisseurs doivent permettre le bon remplissage du
moule.
Démoulage des pièces Mis à part le moulage à la cire perdue qui nécessite la
des-truction du moule, le démoulage des pièces implique que toutes les surfaces du moule
permettent cette opération. Il faut donc proscrire les surfaces en contre-dépouilles et
don-ner une pente aux surfaces perpendiculaires au plan de démoulage. Les formes doivent
d’autre part, tenir compte de la position du plan de joint afin de minimiser les défauts
en cas de mauvais alignement des deux parties du moule.
Gradient de refroidissement Lors du refroidissement, le phénomène de retrait doit
être homogène sous peine de provoquer des déformations ou la présence de contraintes
résiduelles au sein de la pièce. Les volumes de la pièce doivent donc être répartis de
ma-nière homogène pour éviter la présence de zones restant chaudes lors du refroidissement.
Il faut par ailleurs, limiter les masses de matière concentrée.
2.2.3 Forgeage
Le procédé de forgeage est un procédé de fabrication par déformation plastique d’un
lopin par une presse. Le lopin est mis en forme dans une matrice ou des empreintes. La
forme des pièces est contrainte par la forme des empreintes, leur phase de remplissage et
la phase de retrait des pièces.
Fabrication des empreintes La fabrication des empreintes est généralement
effec-tuée par usinage ou par électro-érosion. Les formes réalisables sont donc limitées par les
contraintes de ces deux procédés, notamment les contraintes d’accessibilité.
Remplissage des empreintes Le remplissage des empreintes se fait par déformation
plastique. Les efforts mis en jeu sont souvent très importants et sont limités à la fois par la
capacité de la presse utilisée et par la pression admissible par la matrice ou l’empreinte.
Pour limiter l’effort nécessaire, les sections fines et les trous de faible diamètre sont à
éviter puisque leur remplissage nécessite de fortes pressions et peut également conduire
à la présence de défauts. De plus, les changements de section doivent être doux et les
formes être les plus symétriques possibles pour garantir un remplissage homogène. Les
arêtes doivent être remplacées par des congés pour diminuer l’amplitude de la déformation
plastique et donc la pression nécessaire. Enfin, pour limiter l’usure des empreintes, le plan
de joint ne doit pas être brisé.
Retrait des pièces Comme pour le procédé de fonderie, les pièces doivent être retirées
des empreintes une fois fabriquées. Il est donc nécessaire de donner une pente aux surfaces
perpendiculaires au plan de joint (angle de dépouille).
2.2.4 Conclusion
De nombreuses décennies d’utilisation des procédés conventionnels ont permis
d’éta-blir des règles de conception qui tiennent compte des contraintes de fabrication des
pro-cédés lors de la phase de conception. Les contraintes de fabrication proviennent à la fois
du principe de mise en forme du procédé (efforts de coupe en usinage, effets thermiques et
coulabilité en fonderie, efforts et déformation plastique en forge), de limites d’accès à
cer-tains volumes (accès des arêtes de coupe en usinage, accès des noyaux en fonderie) et de
limites liées à l’outillage (dimensions maximales et minimales, pressions maximales, etc).
Il est donc important de s’intéresser à ces trois aspects pour les procédés de fabrication
additive.
Dans le document
Conception pour la fabrication additive, application à la technologie EBM
(Page 47-51)