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CHAPITRE 1 : REVUE DE LITTÉRATURE

1.6 Utilisations récentes de l’électro-activation

1.6.1 Domaine de l’agroalimentaire

Le secteur agroalimentaire est rempli de défis technologiques autant au niveau de la production que de la transformation et de la conservation des denrées. Ce secteur est en pleine expansion, suivant l’augmentation quasi-exponentielle de la population mondiale. Différentes stratégies sont mises en place afin de répondre à cette demande constamment grandissante. Or, ces dernières doivent également respecter d’autres aspects comme le coût du procédé et l’impact sur l’environnement. L’électro-activation à partir d’eau et de sel conduit à des solutions oxydantes (anolytes) ou réductrices (catholytes) présentant des propriétés physico-chimiques très intéressantes. Le contrôle microbiologique est le principal objectif de l’utilisation de ces solutions. Selon Aider et al.(2012), elles peuvent inactiver différents types de microorganismes comme des bactéries, des spores ou des levures. D’autres avancées récentes sont également en cours d’étude.

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1.6.1.1 Inactivation des toxines de microorganismes

L’utilisation d’un champ électrique pour inactiver les microorganismes dans l’eau et les produits végétaux est un domaine qui est étudié depuis la fin du XXe siècle (Beuchat et al., 2001). Plusieurs cas sont répertoriés dans la littérature. Cependant, il est difficile d’établir des théories universelles par rapport à l’électro-activation à cause du grand nombre de facteurs. Primo, l’inactivation de Staphylocoque enterotoxine-A s’est révélée très prometteuse. La toxine de cette bactérie est souvent la cause d’intoxication alimentaire sévère chez l’Homme qui peut même conduire à la mort. Les enterotoxines-A produites par Staphylocoque possèdent une résistance élevée à la chaleur. Une concentration de 0,4 à 0,8 ng/ml est suffisante pour entraîner des complications trois à cinq heures après l’ingestion. Suzuki et al. (2002) ont utilisé des solutions électro-activées pour inactiver ce pathogène. Ils ont opté pour une solution de NaCl (0,1%) traitée pendant douze minutes, à température ambiante, à un voltage variant entre 9-11 volts. Ils ont testé une solution de NaCl produite à la cathode et une autre à l’anode sur la résistance de staphylocoque. Ils ont conclu que la solution électro-activée à l’anode, avec un potentiel d’oxydo-réduction très élevé (+1180mv) et un pH acide (2.5-3.8), permettait de neutraliser cette entérotoxine. Les caractéristiques physico-chimiques de l’anolyte obtenues intrinsèquement par le procédé d’électro-activation s’attaquent principalement à la paroi cellulaire des bactéries. Il a également un effet notoire au niveau de la structure de certains acides aminés comme la méthionine. Les mêmes analyses ont été réalisés avec le catholyte possédant les paramètres finaux suivants (potentiel Redox=-880mv et pH=11.6-12.0). Cette solution réductrice a également eu un effet souhaitable sur Staphylocoque enterotoxine-A. Or, elle s’est avérée légèrement moins efficace. Il est important de noter l’instabilité des solutions électro- activées. Cet équilibre ne dure que quelques minutes à quelques heures. Par conséquent, toutes les analyses par rapport à l’impact des solutions ont été réalisées juste après la fin du procédé d’électro-activation. Les bactéries ont été immergées immédiatement après l’arrêt du courant électrique. Le temps de trempage était fixe dans le cadre de cette étude. Ceci illustre donc le potentiel des solutions anodiques et cathodiques dans le domaine de la salubrité alimentaire.

1.6.1.2 Inactivation des spores de microorganismes

L’inactivation des spores bactériennes est essentielle pour les produits alimentaires en conserve. Des bactéries Gram + du genre Bacillus et Clostridium se retrouvent fréquemment dans différents aliments. Elles ont la capacité de résister à des conditions difficiles, comme un pH acide ou une température élevée, sous forme de spores et de se développer seulement lorsque le milieu devient favorable. Ces spores sont particulièrement dangereuses pour la santé humaine. En naissant de la spore, la bactérie végétative peut se remettre à produire des toxines mortelles. Il est donc essentiel d’éliminer ces bactéries sporulantes. La technique la plus utilisée est le traitement thermique appelé stérilisation. Or, ce procédé entraîne un grand coût énergétique et affecte la qualité du produit. L’électro- activation représente une alternative intéressante pour assurer l’innocuité du produit tout en gardant sa valeur nutritionnelle et organoleptique élevée.

L’utilisation des solutions oxydantes obtenues du côté de l’anode sur Bacillus

anthracis a démontré un grand potentiel d’inactivation de cette bactérie. Rogers et al.

(2006) ont généré cinq solutions électro-activées à partir d’hypo-chlorite de calcium à 5%. Ils ont utilisé des solutions contenant entre 305 ppm et 464 ppm de chlore libre et des potentiels d’oxydo-réduction se situant entre +400 mV et +1200 mV. En immergeant des spores de Bacillus pendant trente minutes dans les différentes solutions anodiques, ils ont obtenu une réduction de plus de 7 logs, ce qui est un effet très important de cette nouvelle approche. Toutefois, la présence d’une concentration élevée de chlore libre n’est pas désirable dans les produits alimentaires, car, elle cause des défauts sensoriels majeurs. En plus, le chlore qui est un agent oxydant fort peut facilement décolorer des pigments comme la chlorophylle ou certaines vitamines liposolubles. Kang et al. (2010) ont démontré que l’électro-activation de sels chlorés dissous conduisait à plusieurs sous-produits chloreux également indésirables. Ces derniers ont étudié l’effet du pH et de l’oxygène dissous sur les concentrations de chlorate et de perchlorate retrouvées. Dans certains domaines comme la désinfection, le chlore peut être souhaitable. Cependant, pour la conservation des aliments en conserve, une grande quantité de chlore et ses dérivés risquent de se retrouver dans le produit étant donné qu’ils sont en contact direct. La génération de solutions électro-activées

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exemptes de chlore se révèle donc comme un défi nouveau dans le domaine de l’électrochimie appliquée à l’agroalimentaire.

Les mêmes caractéristiques physico-chimiques sont recherchées afin d’obtenir un effet similaire à Rogers et al. (2006) sur les spores. Les solutions anodiques peuvent également inactiver Staphylococcus aureus et, par conséquent, éliminer la production de sa toxine, l’endotoxine-A, par l’électro-activation d’une solution de NaCl (0,1%) pendant douze minutes à température ambiante à un voltage variant entre 9 et 11 V (Suzuki et al., 2002). Le pH de la solution activée se situait entre 2.5 et 2.8 avec un potentiel redox très oxydatif de +1180 mV. L’effet sur les spores de S. aureus est principalement au niveau de la structure de certains acides aminés comme la méthionine. L’inactivation des spores produisant ce composé toxique pour l’homme a été confirmée (Suzuki et al., 2002). Néanmoins, la problématique de la présence du chlore et du sodium, provenant de la décomposition anodique du NaCl, était toujours présente. Dans le contexte d’une saine alimentation qui contribue au bien-être, la réduction de l’apport en sodium par les aliments transformés est une des grandes tendances de l’industrie alimentaire du XXIe siècle.

Cependant, le sel commun qui constitue un agent de conservation des plus anciens et toujours utilisé et est difficile à substituer par d’autres sels. Dans le cadre de l’électro- activation, le sodium n’a pas un impact direct sur l’aliment et la quantité nécessaire est très faible. L’utilisation de sels de potassium s’inscrit comme une alternative intéressante. Dans ce contexte, on pourrait penser à substituer l’électro-activation du NaCl par celle d’un sel d’un acide organique autorisé comme additif alimentaire. L’acétate de potassium qui combine à la fois l’ion K+ et le radical acétyle (issu de l’acide acétique) serait un bon candidat. En effet, lors du procédé d’électro-activation, l’acétate de potassium sera dissocié et formera avec les ions H+ présents du côté anodique l’acide acétique qui est un agent de conservation puissant. Selon Berovic et al. (2007), l’acide acétique intervient comme un agent antimicrobien dans les aliments à cause de son pH faible. En activant cette solution d’acétate, il sera possible d’abaisser le pH et d’augmenter le potentiel redox. De plus, la manipulation de ce sel d’acide est plus sécuritaire que l’acide concentré, ce qui se révèle comme un important avantage pour la santé et la sécurité des travailleurs en industrie. L’utilisation de ce sel permettrait finalement de surpasser les effets indésirables concernant

le sodium et le chlore. En quelques mots, la combinaison des caractéristiques de la solution électro-activée, soit un pH acide et un potentiel redox élevée, à un traitement thermique modéré permettra d’inactiver les spores bactériennes.

1.6.1.3 Inactivation des microorganismes

Les solutions oxydantes ont un effet dévastateur sur les agents microbiens et se montrent ainsi très utiles pour la prévention de biofilms. Kim et al. (2011) a prouvé que les biofilms de Listeria monocytogenes pouvaient être inactivés par l’anolyte. Cette solution est économique car elle est seulement composée d’eau et de sel. Elle respecte aussi davantage l’environnement que les produits de nettoyage de synthèse. De plus, elle s’avère plus sécuritaire pour la manipulation par les employés. La solution cathodique peut aussi être utilisée après le traitement par l’anolyte. L’étude met en évidence une forme de synergie causée par l’utilisation consécutive de l’anolyte et du catholyte. Il est pertinent de mentionner que cette dernière est nécessairement produite pendant l’électro-activation. Il devient donc intéressant de l’utiliser pour le nettoyage au lieu de la mettre de côté. Les solutions oxydantes peuvent être aussi vaporisées sur des carcasses de poulet pour les désinfecter (Yang et al., 1999) et sur des légumes frais (Izumi, 1999). Ces derniers exemples illustrent la largeur du spectre antimicrobien des solutions électro-activées qui est en plein essor

1.6.1.4 Inactivation des levures

L’effet destructeur des solutions électro-activées sur les levures est similaire à celui retrouvé pour les microorganismes. El Murr et al. (1999) ont appliqué le procédé d’électro- activation pour la stabilisation du vin rouge. Ils ont obtenu des résultats similaires aux produits traités avec des sulfites. Des recherches plus poussées ont été menées sur

Saccharomyces cerevisiae afin d’étudier le mécanisme de dégradation et de réparation de la

cellule (Guillou et al., 2003). En effet, les levures ont la capacité de se réparer intrinsèquement suite à stress. Dans ce sens, les chercheurs ont conclu qu’il est très difficile pour l’instant de trouver des applications concrètes, mis à part le domaine vinicole, en lien avec l’inactivation complète des levures.

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1.6.1.5 Isomérisation du lactose

La solution cathodique possède des caractéristiques intéressantes pour synthétiser différemment certaines molécules. Un article sur la synthèse du lactulose par l’électro- isomérisation du lactose met en évidence une nouvelle voie de synthèse de ce produit utilisé dans le domaine de la santé (Vidal & Aider, 2012). Au lieu d’utiliser un traitement chimique ou enzymatique, qui est actuellement utilisé en industrie, l’électro-activation de la solution de lactose dans le compartiment cathodique, qui est très réducteur, a permis de produire du lactulose. Ce composé est utilisé pour son mécanisme d’action au niveau de la flore intestinale et son activité pré-biotique. En excluant le lactose, la pureté du produit final était de 96,28% ±0,18% et quelques traces sporadiques d’autres sucres ont été retrouvées. Ce taux de pureté est relativement bon compte tenu du mécanisme de synthèse. La méthode enzymatique conduit à un meilleur taux, or, elle est beaucoup plus coûteuse. Le procédé d’électro-activation a pour avantage d’être relativement rapide, 60 minutes, simple et peu coûteux. La synthèse se réalise aussi à l’intérieur du même compartiment, sans ajout de réactifs, et est seulement influencée par le champ électrique et la conformation de la cellule de réaction. De plus, la résistance électrique diminuait pendant le traitement, indiquant une efficacité énergétique élevée du procédé (Vidal & Aider, 2012).

1.6.1.6 Extraction des protéines des graines de tournesol

La combinaison d’un traitement par la solution cathodique suivi de l’anolyte montre une utilisation doublement efficace de l’électro-activation. Nabok & Plutahin (2005) ont extrait les protéines des graines de tournesol à l’aide de cette combinaison de traitements. L’extraction intiale avait lieu dans la solution réductrice (pH 11) du côté de la cathode. Par la suite, la solution contenant les protéines solubilisées était transférée du côté de l’anode afin de faire descendre le pH au-dessous de leur point isoélectrique qui se situe à pH 4,5. Les protéines étaient ainsi précipitées. Cette approche a permis d’extraire 34% du total des protéines comparativement à 39% avec une extraction chimique (NaOH) (Nabok & Plutahin, 2005). L’avantage principal d’utiliser l’électro-activation se trouve au niveau des fibres. Le traitement chimique extrait, en même temps que les protéines, 15.4% de fibres. De son côté, la combinaison d’électro-activation permet d’extraire seulement les protéines.

Cette approche permet d’ouvrir les portes sur de nouveaux procédés d’extraction de macromolécules. Actuellement, c’est principalement par la voie chimique que ces extractions sont réalisées. En travaillant avec le point isoélectrique des protéines des aliments, il serait possible de les extraire ou de les modifier sans utiliser de réactifs externes.

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