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DOHaD et nutrition

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CHAPITRE 1 Concept des Origines Développementales de la Santé et des

1.2. DOHaD et nutrition

Le rôle de l’alimentation et en particulier de la nutrition maternelle en tant que facteur contributif de DOHaD a été mis en évidence par de nombreuses études épidémiologiques (depuis 1986 jusqu’à nos jours, Tableau 1) et animales. La plupart des études concernent les conséquences à long terme de carences nutritionnelles, telles que les famines évoquées précédemment, au cours de différentes fenêtres du développement, sur le phénotype de la descendance. Des effets ont également été observés lorsque la mère présente un surpoids, une obésité ou encore un diabète. Mais des variations de l’environnement nutritionnel précoce plus subtiles, dans les limites de la normalité, peuvent également induire des conséquences à long terme. Les études actuelles se concentrent désormais plus sur le suivi à long terme de cohortes de grossesses normales et non plus extrêmes en termes de poids de naissance (Hanson et al., 2014).

1.2.1. Preuves par les modèles animaux

Bien que les études de cohortes humaines soient d’une grande valeur, elles peuvent être biaisées par l’influence de variables non contrôlables telles que la génétique et l’environnement socioculturel. De plus, les données obtenues à partir de cohortes rétrospectives et prospectives ne permettent pas d’identifier les mécanismes biologiques impliqués et sont limitées en termes de tissus biologiques analysés. Les modèles animaux permettent, grâce au contrôle des conditions, de la fenêtre d’exposition et aux prélèvements accessibles à différents stades, de reproduire les observations faites chez l’Homme et d’étudier les mécanismes à l’origine de la programmation précoce des maladies chroniques. Les modèles animaux concernent principalement l’étude d’une malnutrition maternelle : une sous-nutrition (par restriction calorique globale ou protéique, une déficience en micronutriments ou une réduction de l’apport de nutriments au fœtus par ligature des artères utérines) ou une surnutrition (par l’induction d’une obésité et/ou d’un DT2 par un régime délétère hyper-énergétique, riche en lipides/glucides/protéines ou par la réduction de la taille de portée) durant certaines périodes de la gestation et/ou la lactation. Les principaux modèles animaux utilisés pour investiguer les effets à long terme du régime maternel sur la descendance sont le rongeur, le mouton, le porc et le primate non humain.

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22 Chaque modèle animal présente des avantages et des limites qui lui sont propres. Pour les rongeurs par exemple, si la caractérisation de leur génome, la courte durée de gestation et leur petite taille sont des avantages, ils restent assez éloignés de l’Homme en termes de croissance

in utero et post-natale, et l’utilisation quasi systématique de régimes purifiés ou semi-purifiés

pour les nourrir est controversée (Hanley et al., 2010). Les primates non-humains, le porc et le mouton sont quant à eux proches de l’Homme en termes de physiologie et de croissance in

utero et post-natale mais leur utilisation est restreinte du fait de leur entretien plus complexe

et plus coûteux (Hanley et al., 2010 ; Alfaradhi et al., 2011).

Les premières études expérimentales menées dans les années 1970 chez le rat ont mis en évidence des conséquences à court et long terme du diabète gestationnel (Aerts et al., 1979) ou d’une sous-nutrition fœtale objectivée par un retard de croissance (De Prins et al., 1982), sur le développement du pancréas endocrine et le métabolisme glucidique de la descendance. L’importance de ces travaux ne fut cependant reconnue que tardivement, plus d’une dizaine d’années après leur publication (Hanson et al., 2014). Depuis, de nombreuses données ont permis de mettre en évidence les effets d’une malnutrition maternelle (sous ou sur-optimale) ou de l’alimentation post-natale, indépendamment de l’état nutritionnel de la mère, sur la programmation de différents organes. Ces études ont notamment permis de préciser l’importance des différentes fenêtres d’exposition et de désigner le pancréas et l’intestin comme deux organes cibles de la programmation nutritionnelle.

1.2.1.1. Modèles animaux de sous-nutrition maternelle

Chez le rat, une restriction calorique de l’ordre de 20% durant la première moitié de la gestation uniquement a été associée à une dérégulation persistante à l’âge adulte du métabolisme glucidique de la descendance (Palou et al., 2012). Une sous-nutrition maternelle, induite par restriction calorique ou protéique, durant la gestation a également été associée à une altération de l’anatomie et de la fonction du pancréas endocrine de la descendance à court (Alvarez et al., 1997 ; Garofano et al., 1997 ; Dumortier et al., 2007) et à long terme (Bertin

et al., 1999), ainsi qu’à des défauts de sensibilité à l’insuline (Delamaire et al., 2012). Des

effets différents ont cependant été observés suivant le type de restriction maternelle (calorique ou protéique) appliqué en fin de gestation (Bertin et al., 1999 ; Dumortier et al., 2007), avec un effet mesuré sur l’anatomie du pancréas uniquement suite à une restriction protéique (Bertin et al., 1999), suggérant des mécanismes différents. La fonction barrière intestinale de la descendance était également impactée à long terme par une restriction protéique maternelle appliquée pendant toute la gestation (altération du développement de la couche de mucus et

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23 de l’expression de mucines) (Fanca-Berthon et al., 2009). Une restriction calorique plus marquée (de plus de 70%) durant toute la gestation a été associée à une réduction du poids de naissance de la descendance et à une hyperphagie et des désordres métaboliques à l’âge adulte (hyperleptinémie, hyperinsulinémie, augmentation de la pression artérielle systolique et adiposité rétropéritonéale élevée) par comparaison à la descendance de mères nourries ad

libitum, et ce, indépendamment de la quantité d’aliment distribuée en post-sevrage (Vickers et al., 2000).

Une sous-nutrition maternelle durant la gestation et se poursuivant durant la lactation a été associée à une altération persistante de la fonction du pancréas endocrine à l’âge adulte (Garofano et al., 1998 ; Garofano et al., 1999) et de l’homéostasie glucidique en lien notamment avec le développement d’une insulinorésistance (Garofano et al., 1999 ; Petry et

al., 2001; Ozanne et al., 2003 ; Fernandez-Twinn et al., 2005). De façon intéressante, ces

altérations étaient plus marquées que lorsque la restriction ne concernait que la période de gestation (Garofano et al., 1999). De plus, une augmentation du pourcentage de tissu endocrine, du nombre d’îlots et du nombre de cellules bêta pancréatiques a été observée chez des ratons restreint en protéines durant la gestation et recevant durant la lactation une PPN riche en protéines (Delamaire et al., 2012). Cette étude souligne l’importance de l’alimentation postnatale, à-même de « réparer » un phénotype.

Ces études démontrent une programmation nutritionnelle de certains organes tels que le pancréas ou l’intestin, programmation d’autant plus importante lorsque la restriction maternelle est appliquée pendant la gestation et maintenue durant la période de lactation.

1.2.1.2. Modèles animaux de surnutrition maternelle

De nombreuses études ont également démontré les effets délétères d’une surnutrition maternelle, associée ou non à une obésité, sur la santé métabolique de la descendance entraînant notamment le développement d’une insulinorésistance (Chen et al., 2009 ; Alfaradhi et al., 2011). De façon générale, les modèles animaux de surnutrition maternelle durant les 1000 premiers jours de vie semblent converger, chez la descendance, vers un phénotype hyperphagique, insulinorésistant, hypertendu et présentant une adiposité plus importante (Alfaradhi et al., 2011).

A l’instar des études de sous-nutrition maternelle, les études de surnutrition maternelle soulignent l’importance de la durée et de la période d’exposition sur les conséquences éventuelles à long terme chez la descendance. Chez la souris, seule la progéniture exposée au régime hyperlipidique in utero présentait une intolérance au glucose et une résistance à

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24 l’insuline ainsi qu’une augmentation de la cholestérolémie, cette dernière concernant également le groupe exposé durant la gestation et la lactation (Gregorio et al., 2010). La période de lactation semblait quant à elle une fenêtre critique pour la programmation de la triglycéridémie (Gregorio et al., 2010). Chez le rat, un régime hyper-protéique (40% vs 20% pour le régime contrôle isocalorique) administré durant toute la gestation et la lactation entraînait chez la descendance adulte une augmentation du poids (femelles) ou une augmentation de la tension artérielle (mâles), sans effet sur la tolérance au glucose (Thone- Reineke et al., 2006). Dans une autre étude, une exposition à un régime hyper-protéique (55%) durant la gestation et, dans une moindre mesure durant la lactation, a engendré chez la descendance à long terme un risque plus élevé de développer une intolérance au glucose, un poids et une adiposité élevés (Desclee de Maredsous et al., 2016).

Des études relativement récentes suggèrent aussi un impact de la nutrition paternelle. Ainsi, chez le rat, une exposition paternelle à un régime hyperlipidique a-t-elle entraîné un dysfonctionnement des cellules bêta chez la descendance femelle ainsi qu’une altération de la tolérance au glucose et de la sensibilité à l’insuline (Ng et al., 2010).

Toutes ces études mettent en évidence des effets différents sur la descendance en fonction de la période d’exposition.

1.2.2. Focus sur la période postnatale précoce

Une surnutrition pendant la période de lactation par réduction de la taille de la portée de rates a été associée à un surpoids, une hyperphagie et de nombreux troubles métaboliques chez la descendance tels qu’une hyperinsulinémie, une altération de la tolérance au glucose, une triglycéridémie élevée et une augmentation de la pression artérielle systolique (Plagemann et al., 1999). De même, les ratons de mères ayant consommé un régime de type cafétéria pendant la gestation, la lactation et en post-sevrage ont développé une hyperphagie par rapport à des ratons issus de mères ayant consommé un régime cafétéria pendant la gestation, un régime standard pendant la lactation et placés sous régime cafétéria en post- sevrage (Bayol et al., 2007). Ces effets pourraient avoir été induits par une modification de la production et de la composition du lait ou encore du comportement des mères allaitantes par le régime (cafétéria vs standard). L’analyse de la composition du lait de rates rendues obèses a en effet révélé une concentration en insuline plus importante (+128%) et des concentrations en acides gras polyinsaturés (AGPI) et monoinsaturés (AGMI) moins importantes par rapport à celles du lait de rates minces (Gorski et al., 2006). L’adoption de la descendance de rates résistantes à l’obésité par des rates génétiquement obèses durant la lactation a mené à une

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25 augmentation de l’adiposité et à une diminution de la sensibilité à l’insuline de la descendance. A l’inverse, la descendance de rates obèses élevée par des rates résistantes demeurait obèse mais présentait une amélioration de la sensibilité à l’insuline (Gorski et al., 2006). Ces études soulignent l’importance de la période de lactation, au-delà des prédispositions génétiques et des facteurs prénataux, sur la programmation de la santé de la descendance.

Les modèles animaux d’allaitement artificiel ont permis de souligner l’importance de l’alimentation reçue durant la période postnatale sur les réponses métaboliques et inflammatoires à long terme. Chez le rat, l’enrichissement d’une PPN en glucides (56% de l’apport calorique total vs 8% dans le lait de rate) a été associé à un dysfonctionnement de la fonction endocrine pancréatique à l’âge adulte et au maintien d’une hyperinsulinémie pouvant prédisposer au développement d’une obésité (Aalinkeel et al., 2001). Chez le porc, l’administration d’une PPN hyper-protéique (+40% par rapport au lait de truie) a été associée à une modification de la physiologie intestinale à court terme et de la réponse immunitaire de l’iléon à long terme chez les animaux recevant un régime hyper-énergétique. L’alimentation précoce avec des PPN hyper-protéique a également été associée à une sensibilité plus élevée de la muqueuse colique des porcs à des challenges oxydatifs et inflammatoires à l’âge adulte (Boudry et al., 2013). Ces études sur le modèle porcin seront détaillées dans le chapitre 3, paragraphe 3.2.2. Chez l’Homme, des PPN riches en protéines ou une prise de poids rapide durant les premiers mois de vie, et notamment les six premiers, augmentent le risque de développer par la suite une obésité (Stettler et al., 2002 ; Botton et al., 2008 ; Druet et al., 2012 ; Weber et al., 2014). Les différences en termes de gain de poids et d’adiposité entre enfants allaités au sein ou recevant des PPN seront abordées dans le chapitre 4, paragraphe 4.3.

L’ensemble de ces résultats soulignent l’importance de l’environnement nutritionnel précoce, notamment pendant la période d’allaitement, sur la santé à court et long termes. Les mécanismes sous-jacents commencent à être appréhendés, grâce notamment aux études animales permettant de mieux caractériser les facteurs nutritionnels et les périodes d’exposition critiques.

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