• Aucun résultat trouvé

Il s’agit des documents des archives du ministère de l’Éducation de la République de Moldavie, consultés dans le cadre du travail documentaire effectué lors d’un déplacement à Chisinau, en

AUTEURS

7. Il s’agit des documents des archives du ministère de l’Éducation de la République de Moldavie, consultés dans le cadre du travail documentaire effectué lors d’un déplacement à Chisinau, en

linguistiques, 163-174. En ligne : <http://prague2011.fipf.org/sites/prague2011.fipf.org/files/

actes__prague_1._net.pdf> (08-10 septembre 2011).

NOTES

1. Dans ce travail, le nom de « Moldavie » renvoie au territoire de l’actuelle République de

L’enseignement du français et son histoire dans les manuels de FLE en Grèce : aspects culturels

Konstantinos Mytaloulis

1 Thèse de doctorat en Didactique des langues et des cultures dirigée par Dan Savatovsky, soutenue le 23 janvier 2014, au Centre Bièvre de l’Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle, 503 pages.

2 Cette thèse est le fruit d’une recherche portant sur les manuels de français langue étrangère utilisés en Grèce dans l’enseignement secondaire et primaire, au XIXe et à la fin du XXe siècle. Elle se situe dans le domaine de la didactique du FLE et de l’histoire de celle-ci et se propose d’examiner les aspects culturels et interculturels de l’enseignement du FLE.

3 Elle se situe également dans le domaine de la sociolinguistique dont l’objet d’étude est la langue en relation avec des paramètres socio-culturels tels que la société, la classe sociale, l’âge, et intègre d’autres données extralinguistiques, comme la dimension culturelle des dialogues ou de leur péritexte.

4 Son approche est novatrice parce qu’elle met en rapport les événements historiques avec la disciplinarisation du français en Grèce et l’état de la langue française en France à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle avec la conception de l’enseignement du français en Grèce ; ensuite, parce qu’elle propose une grille d’évaluation des aspects culturels appelés « points-culture » dans les manuels de FLE.

Structure de la thèse

5 La 1re partie présente un aperçu historique qui nous aide à comprendre la progression et la diffusion de la langue française depuis Les Serments de Strasbourg jusqu’à l’« Europe française », afin de montrer les raisons pour lesquelles elle est devenue une véritable discipline, non seulement en France mais aussi dans des systèmes éducatifs étrangers, en l’occurrence le grec.

6 Nous expliquons comment les porteurs de l’érudition française en Grèce et en France ont encouragé et soutenu la francophilie grecque et ont contribué à la disciplinarisation du français langue étrangère, en même temps que se formait le mouvement du philhellénisme européen.

7 Ensuite, nous évoquons le poids des parlers régionaux et les problèmes grammaticaux et orthographiques traités par les linguistes dans l’espace français faisant référence à l’existence de débats similaires en Grèce, entre les partisans de la langue archaïque (la katharévoussa) et les tenants de la langue populaire (le démotique). Le débat sur « quel français enseigner en France ? » à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe dépasse les frontières françaises et s’identifie au débat : « Quel français enseigner en Grèce ? ».

8 Si nous insistons sur la guerre d’indépendance de la Grèce et sur la proclamation de son indépendance c’est pour deux raisons : faire ressortir les conditions politico-diplomatiques dans lesquelles le nouvel État grec apparaît, et esquisser le contexte général dans lequel la connaissance de la langue française fait son apparition dans cette région du monde.

9 La présence du français sur le sol hellénique est consolidée par les écoles françaises tenues par des congrégations religieuses françaises. C’est la raison pour laquelle nous évoquons des établissements qui ont contribué à la diffusion du français depuis la naissance du nouvel État grec jusqu’à nos jours.

10 En marge de cette présentation, nous évoquons l’action de deux personnages historiques importants, Rhigas et Coray qui, en tant que francophiles, ont promu directement ou indirectement l’enseignement du français en Grèce.

11 Dans la 2e partie nous exposons la conception et l’organisation de l’enseignement du français en Grèce et son introduction dans le cursus scolaire après la naissance de l’État grec en 1830. Nous présentons et commentons également certaines des œuvres littéraires choisies pour l’enseignement du français, en essayant d’expliquer les raisons pour lesquelles le ministère grec a opté pour tel ou tel ouvrage. Viennent s’ajouter, par la suite, des éléments historiques, qui montrent l’influence exercée par la France aux niveaux politique et culturel.

12 Enfin, nous passons à l’analyse des manuels de français utilisés dans les écoles grecques. La présentation détaillée de sept manuels datant du XIXe siècle ainsi que nos commentaires sur ceux qui ont marqué cette époque, (méthodes Ahn et Ollendorff), apportent des précisions aussi bien sur le contenu que sur la structure des manuels de la période examinée.

13 La 3e partie consacrée au cadre théorique nous donne l’occasion de discuter les notions de culture et civilisation. Avant de poser la question du rapprochement ou non entre langue et culture, nous présentons les points de vue des didacticiens comme F. Cicurel, G. Zarate, M. de Carlo, P. Charaudeau, C. Puren et N. Auger. La clarification de la polysémie des mots culture et de civilisation permet d’introduire notre champ de recherche qu’est le manuel de FLE.

14 Nous avons jugé important de clore cette partie conceptuelle en fournissant des exemples précis tirés des dialogues des manuels qui attisent la curiosité des apprenants. Nous tentons d’exposer nos premières réflexions sur la tâche interculturelle du professeur de français. Cette partie englobe nos conclusions sur l’image dans les manuels de FLE.

15 La partie suivante (4e) est totalement consacrée à la présentation du corpus principal de notre recherche, qui comprend 21 manuels contemporains utilisés dans l’enseignement secondaire et primaire en Grèce sur une période qui s’étend de 1998 à 2009, période charnière marquée, pour ce qui est de l’enseignement des langues, par le CECRL. Nous clarifions les critères de notre choix et la présentation de chaque manuel sous forme de fiche signalétique, suivie de remarques et commentaires. Le recensement des « points-culture » dispersés dans les manuels de FLE permet de découvrir la régularité de ces points et de les repartir en 27 catégories sur lesquelles s’appuie notre grille.

16 La 5e partie « Dialogues/CECRL » comprend une analyse des dialogues des manuels – une analyse placée sous un angle particulier : comment rendre plus clair un acte didactique interculturel des manuels de FLE à travers la culture implicite dans les dialogues qui y figurent ?

17 Avant de passer à l’étude des dialogues, nous précisons quelques aspects de l’histoire des dialogues dans l’apprentissage des langues étrangères, et nous traitons de la question de savoir comment l’usage de documents authentiques et de dialogues fabriqués marque la pratique pédagogique. Entre ces deux catégories on trouve aussi des dialogues réalistes ou semi-authentiques, dont la nature artificielle ne fait pas obstacle à l’apprentissage, du moment que des deux parties prenantes de l’enseignement, apprenants et enseignants, peuvent prendre conscience de la facticité de ces documents. Les dialogues des manuels cachent des éléments implicites et des paraphrases qui, lorsqu’ils sont repérés, ont des effets positifs, sur l’acquisition des savoirs pour les apprenants.

18 Nous évoquons les séquences dialoguées de ces dialogues et, suivant J.-M. Adam, nous distinguons séquences phatiques et séquences transactionnelles. Enfin, nous nous posons la question du choc culturel, de la transition douce vers la langue maternelle, enfin du rôle de l’image qui sert à compléter le contenu des dialogues.

19 Notre bref aperçu historique du Cadre européen commun de référence pour les langues nous permet de suivre son évolution et celle de la perspective actionnelle développée par la « tâche ». Cette partie se termine avec l’organisation en tableaux des « points-culture » contenus dans les manuels de notre corpus, mis en regard des instructions officielles pour l’apprentissage du FLE et des consignes du CECRL.

20 Le recensement des points-culture des manuels du corpus et leur catégorisation en rubriques nous a conduit à procéder à la création d’une grille sous forme de tableau (6e partie). L’application d’une grille à un manuel de FLE facilite la mise en évidence de la richesse culturelle de celui-ci et de son intérêt pédagogique. Pour la création de notre grille, nous avons pris en compte des grilles existantes ainsi que les rubriques du

« niveau-seuil » qui, bien qu’anciennes, peuvent encore servir de référence.

21 La dernière étape de notre travail consiste en l’application de cette grille aux manuels de notre corpus, ce qui nous permet de conclure par une série de remarques.

22 Cette recherche est donc accompagnée de recommandations didactiques applicables dans un cours de FLE dans l’enseignement secondaire (et primaire) en Grèce : la question de savoir « comment enseigner la langue ? » devient alors « comment enseigner la langue par la culture ? ».

23 Des thèses comme celle-ci illustrent l’intérêt d’examiner le manuel scolaire comme un objet d’étude. Par le biais des éléments culturels et historiques marquants de son époque, mais aussi révélateurs de la conception du monde que se font ses auteurs, nous

avons abouti à la constatation que le manuel constitue un monument (au sens de Michel Foucault) du français langue étrangère en tant que discipline, autant qu’un document.

24 D’ailleurs, l’institutionnalisation de la didactique des langues, son développement en tant que discipline scientifique ne peut se faire indépendamment d’un regard historiographique sur les textes, les manuels et les pratiques qui ont jalonné son évolution. Si l’on veut donner aux enseignants une culture disciplinaire spécifique à leur domaine d’action, l’histoire de l’enseignement des langues (en l’occurrence du FLE) doit devenir un domaine de savoir constitutif de la recherche en didactique des langues et faire partie des programmes de formation des enseignants.

25 Cela dit, la valeur de cette thèse pour l’historien de l’avenir est qu’elle présente la culture des manuels grecs de FLE depuis le XIXe siècle jusqu’à la première décennie du XXIe siècle dans leur évolution historique.

AUTEUR

KONSTANTINOS MYTALOULIS Université de Paris 3 Sorbonne-Nouvelle

Lectures

Loukia Efthymiou, La formation des francisants en Grèce : 1836-1982.

Nicolas Manitakis

1 Publibook, 2015, 430 pages. ISBN 978-2-342-03430-1

2 Le livre de Loukia Efthymiou, La formation des francisants en Grèce : 1836-1982, publié aux éditions Publibook en 2015, avec une préface de Michelle Perrot (initialement publié en Grèce, en 2013, par les éditions Simmetria, sans la préface de Michelle Perrot ; ISBN 978-960-11-0027-2), vient enrichir et approfondir un champ de recherches historiques, celui de l’histoire de l’enseignement du français en Grèce aux XIXe et XXe siècles, qui, depuis les années 1990, connaît un certain développement. Les travaux de Fani Sdougka, Élisabeth Papageorgiou-Provata, Kondylia Choida et Marianthi-Elisabeth Mastora et, plus récemment, ceux de Despina Provata et de David Antoniou, ont défriché, en effet, un domaine d’investigation longtemps délaissé par les historiens de l’éducation. L’étude de L. Efthymiou se distingue, cependant, déjà par sa taille (316 pages de texte, sans compter une cinquantaine de pages d’annexes), mais encore plus, par l’ampleur des sources examinées, l’étendue de la période traitée, la richesse des données exploitées, l’approche multidimensionnelle proposée et, surtout, par la pertinence des questions posées et la valeur des interprétations avancées.

3 En ce sens, le livre d’Efthymiou constitue un travail pionnier, constitutif même du champ de recherche dans lequel il s’inscrit. Il s’agit, dans l’ensemble, d’un ouvrage soigné, minutieux, bien documenté, exhaustif quant à la recherche d’informations, solide en ce qui concerne son argumentation, clair en ce qui concerne la présentation des faits et des idées. À cela s’ajoute le souci apporté par l’auteure pour faire de son ouvrage à la fois une étude historique approfondie et un véritable outil de travail. En témoigne les douze annexes, la quarantaine de tableaux qui synthétisent les informations contenues dans le texte, l’index des noms de personnes, la longue liste des textes législatifs portant sur l’enseignement du français de 1836 jusqu’en 1999, et, enfin, la bibliographie étendue.

4 L’un des mérites du travail est d’avoir réorienté la recherche historique vers des domaines peu explorés jusqu’à présent. L’attention des historiens se déplace ainsi de

l’étude des manuels et des méthodes d’enseignement du français à celle des enseignants et des enseignantes de la langue française. Pour être plus précis, l’auteure s’intéresse plus particulièrement à la formation donnée aux professeurs grecs de français. Or, elle entend aborder ce sujet en plaçant son travail à l’intersection de l’histoire de l’éducation, des femmes et du genre et des relations internationales. Cette triple approche constitue une nouveauté et s’avère très féconde. Elle permet notamment d’imbriquer différents niveaux d’analyse : le culturel et le politique, le national et l’international et la question du genre.

5 L’ouvrage se divise en trois parties : 1) « Le temps des hommes, le temps des tentatives (1836-1924) » 2) « Le temps des réalisations : collaborations et concurrences (1924-1953) » et 3) « De la naissance à la majorité d’une formation universitaire de francisants : le cas de la Section d’études françaises de l’université d’Athènes (1953-1982) ». Cette division correspond à la périodisation proposée par l’historienne pour marquer les tournants qu’a connu l’histoire cent-cinquantenaire de la formation au professorat de français en Grèce. Bien que le français ait occupé une place importante dans le programme d’enseignement des établissements secondaires depuis 1836, celui-ci étant la seule langue étrangère qu’y figurait, la formation des enseignants de cette spécialité n’a fait l’objet d’aucune attention de la part des pouvoirs publics grecs avant la fin du XIXe siècle. C’est ce qui a poussé, d’ailleurs, la diplomatie française à s’intéresser à la question, soucieuse d’assurer la diffusion de la langue française, dans un contexte de rivalité culturelle et linguistique accrue entre les puissances européennes de l’époque. Les efforts engagés dans ce domaine par le ministère des Affaires étrangères de la France ne donnèrent des résultats tangibles et durables qu’entre les deux guerres avec la mise en place, à partir de 1930, d’un « Cours spécial de préparation au professorat de français » : organisé par l’Institut français d’Athènes et officiellement reconnu par l’État grec, il fut le fruit d’une collaboration franco-hellénique. Le contenu de la formation donnée à l’Institut s’inspirait à la fois de l’organisation des études littéraires dans les universités françaises et du programme d’enseignement des écoles normales françaises. Dans cette deuxième partie du livre, l’auteure cherche aussi à cerner le profil des diplômé/es du « Cours spécial » en tenant compte du sexe, des études effectuées et de l’activité professionnelle exercée après l’obtention du diplôme. Elle observe ainsi que le recrutement des élèves du cours et, par extension, des professeurs grecs de français s’est progressivement « surféminisé ».

6 La troisième et dernière partie de l’ouvrage traite de la fondation de la Section d’études françaises de l’université d’Athènes dans les années 1950. Il est à juste titre signalé que le fait que cette formation devienne universitaire marque un tournant important et le début d’une nouvelle ère. Prenant en charge cette tâche, l’université grecque venait ainsi supplanter l’Institut français dans son rôle de principal formateur des professeurs de français. Mais le nouveau projet, même s’il mettait de côté l’établissement français, brisant du coup le monopole dont ce dernier avait joui depuis les années 1930, s’inscrivait toujours dans le cadre d’une collaboration franco-hellénique. La Section d’études françaises, intégrée à la Faculté des Lettres d’Athènes, assura une formation, dans l’ensemble plus spécialisée, privilégiant les nouvelles approches et méthodes développées dans le domaine du français langue étrangère. En ce sens, la disciplinarisation des lettres françaises à l’université d’Athènes a marqué un incontestable progrès. Poursuivant son examen du profil des diplômé/es, l’auteure

procède à des observations fort intéressantes, aidée en cela par les entretiens qu’elle a menés avec des anciennes élèves de la Section.

7 Les recrues étaient, à une écrasante majorité de sexe féminin, accentuant ainsi le phénomène de « surféminisation » déjà observé pendant la période de l’entre-deux-guerres. Presque toutes de nationalité grecque, souvent des anciens ou des anciennes élèves de l’Institut français d’Athènes, elles provenaient majoritairement des couches moyennes et inférieures de la société grecque et des milieux urbains et étaient souvent issues de familles de culture française. Leur origine sociale est intimement liée, selon l’auteure, au choix de la filière universitaire menant au professorat de français : en effet, ce choix fut surtout commandé par des stratégies familiales privilégiant la sécurité professionnelle et la promotion sociale que la carrière professorale assurait.

Loukia Efthymiou met également en relief l’opposition qui existait, durant les premières décennies de fonctionnement de la Section française, entre une population étudiante féminine et d’origine grecque et les professeurs Français de sexe masculin qui les formaient. Portant ainsi son regard également sur les « formateurs », elle observe qu’au fil du temps le personnel enseignant de la Section s’est à son tour féminisé et hellénisé. On est ainsi passé du « temps des hommes » au « temps des femmes » et l’hétérogénéité qui caractérisait encore le métier d’enseignant du français à la fin du XIXe siècle s’est atténuée un siècle plus tard.

8 L’ouvrage contient une masse impressionnante d’informations que l’auteure s’applique avec succès à rendre intelligibles, en les intégrant dans des schémas interprétatifs convaincants. On peut, certes, regretter que la fondation, dans les années 1950, d’une Section d’études françaises à l’université d’Athènes n’ait pas été suffisamment prise en compte, alors que l’étude, intitulée La formation des francisants en Grèce, ambitionne de traiter de la question à un niveau national. On peut aussi observer que peu de sources du XIXe siècle ont été consultées, alors que la période historique étudiée s’étend sur deux siècles. Mais ces observations critiques ne diminuent en rien la validité des résultats de la recherche, ni le mérite d’un travail historique qui, à plusieurs titres, reste exemplaire.

AUTEUR

NICOLAS MANITAKIS Université d’Athènes

Vladislav Rjéoutski & Alexandre Tchoudinov (dir.). Le précepteur

francophone en Europe (XVIIe-XIXe siècles).

Gisèle Kahn

1 Paris : L’Harmattan, collection Éducations et Sociétés, 2013, 455 pages. ISBN : 978-2-343-00200-2

2 Le compte rendu, dans le numéro 1 de Documents, de l’article d’Henri Duranton (« Un métier de chien. Précepteurs, demoiselles de compagnie et bohème littéraire dans le Refuge allemand », Dix-huitième siècle, 17), et l’article lui-même conçu à partir du fonds des lettres adressées à Samuel Formey, alors secrétaire perpétuel de l’Académie royale des sciences et belles lettres de Berlin, avaient donné un aperçu de la vie chaotique et difficile de ces jeunes gens et jeunes filles francophones, issus de familles huguenotes, à la recherche d’un emploi en Europe du Nord, et devenus éducateurs, souvent faute de mieux. L’ouvrage coordonné par Vladislav Rjéoutski et Alexandre Tchoudinov vient corriger, en bonne partie, cette image misérabiliste, même si les déboires et déconvenues rencontrés par certains continuent d’être évoqués au fil des pages. Le volume propose vingt études réparties en trois grandes parties, consacrées aux divers aspects de la vie des précepteurs et autres maîtres de langue dans l’Europe des XVIIe -XIXe siècles. La première partie dresse un tableau, certes incomplet mais cependant diversifié, de la place des précepteurs francophones dans la diffusion du français en Europe dès le XVIe siècle et jusqu’au XIXe dans quelques pays (Bohême, Pologne, Italie, Angleterre). Il y est aussi question du rôle de certains de ces maîtres de langue dans l’élaboration de livres et de manuels, très largement diffusés, parfois pendant de longues périodes (Caravolas : 104-112). La deuxième partie est consacrée aux précepteurs francophones en Russie aux XVIIIe et XIXe siècles : leur nombre, leur origine, leurs conceptions éducatives, leur place dans les familles et surtout leur rôle auprès de leurs disciples, parfois les tracasseries administratives dont ils font l’objet. Il est également question du développement des établissements publics et des

pensionnats dans certaines villes, notamment au XIXe siècle (Moscou, Saint-Pétersbourg, Odessa, Kazan, Kiev), de la place qu’y occupent parfois les précepteurs francophones, de l’organisation également de l’enseignement des filles. On suit aussi les aventures heureuses ou malheureuses de certains précepteurs dans des familles connues, chez les Golitsyne par exemple, ou chez les Tolstoï. La troisième partie offre le portrait et le parcours de quelques grandes figures parmi les gouverneurs et précepteurs, voire concepteurs de programmes d’éducation, fort érudits pour la plupart, installés dans des familles nobles ou royales, pour l’essentiel dans la Russie des XVIIIe et XIXe siècles. On voit ainsi passer Nicolas-Gabriel Le Clerc, déjà croisé dans Documents (n° 35, décembre 2005 : 7-26), David de Boudry (frère de Jean-Paul Marat), le géographe Charles Masson, Gilbert Romme, adepte de Rousseau, le Suisse Fornerod, auteur d’un ouvrage sur la Russie, le grammairien Jean-Baptiste Maudru, également promoteur d’un nouveau système d’apprentissage de la lecture, Du Han, le précepteur du futur Frédéric II de Prusse, le Vaudois La Harpe, l’éducateur du futur tsar Alexandre Ier. Heurs et malheurs des uns et des autres. Récits de vie.

3 Revenons sur ce que nous apprenons au fil des pages en ce qui concerne l’origine de ces précepteurs – il est ici surtout question des hommes, les femmes et l’éducation des filles sont peu présentes dans le volume, sauf pour ce qui concerne l’Italie (Minerva : 79-82), la Pologne (Kamecka : 41) et, en moindre part, la Russie. D’où viennent-ils ? La lecture de l’introduction donne un certain nombre d’indications sur les pays d’origine des précepteurs francophones employés dans les familles à différents moments : France, Suisse romande, Pays-Bas français, États allemands où se trouvent de nombreux descendants de huguenots exilés parlant encore français. On trouve au fil des textes du recueil quelques données chiffrées sur la présence de francophones qui cherchent à s’insérer dans le tissu social, comme précepteurs notamment. Les éducateurs huguenots sont, on le sait, nombreux en Angleterre dès le premier refuge. Après la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, on dit que 150 000 à 200 000 Français prennent la voie de l’émigration. Nombreux parmi eux sont ceux qui choisissent de devenir maîtres d’école ou précepteurs dans les familles aristocratiques ou bourgeoises des pays d’accueil. Au siècle des Lumières, dans les familles de notables, la maîtrise de la langue française est considérée comme un signe de distinction sociale, et les francophones sont recherchés et employés par les élites locales de différents pays européens pour enseigner le français à leurs enfants. On les recrute aussi pour l’ouverture d’esprit qu’on leur reconnaît ou qu’on croit leur reconnaître et pour leur sens de l’innovation en matière d’éducation pour certains. En Russie, les éducateurs français, allemands, suisses et autres sont fort nombreux à partir des années 1750. Et si certains exercent le métier de précepteur, c’est parfois à défaut de trouver un emploi plus prestigieux ou plus lucratif, et pour un temps seulement. La période révolutionnaire en France pousse à l’exil quelques aristocrates ou prêtres réfractaires qui, à défaut d’autres perspectives, tentent leur chance dans l’exercice du préceptorat.

Par vagues successives, des Suisses, francophones essentiellement, émigrent en Russie au cours du XIXe siècle, y compris des jeunes femmes, recherchées en tant que gouvernantes pour leurs qualités humaines et leur bonne connaissance du français (Bandelier & Rjéoutski : 345-346).

4 La diversité des origines en même temps que le peu de capacité de certaines familles à distinguer les bons des médiocres parmi les éducateurs produisent parfois les stéréotypes et les images négatives qui en font « des gens de peu de culture, des cuisiniers, des coiffeurs ou même des bagnards en cavale » (Rjéoutski : 125). Les