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1.5.1. Saccharomyces cerevisiae : organisme modèle lié aux biotechnologies

Les levures sont des microorganismes eucaryotes unicellulaires pouvant se reproduire de façon sexuée ou asexuée et dont la croissance est rapide et facilement maitrisable. Actuellement, environ 149 genres et 1500 espèces de levures sont connus (Kurtzman et al., 2011) parmi lesquelles des levures alimentaires, commensales ou pathogènes.

Le genre Saccharomyces est composé de huit espèces : Saccharomyces paradoxus, Saccharomyces cariocanus, Saccharomyces kudriavzevii, Saccharomyces mikatae, Saccharomyces arboricolus, Saccharomyces cerevisiae, Saccharomyces uvarum et Saccharomyces eubayanus; les souches sont généralement issues d’environnements naturels, mais peuvent être associées à l’activité humaine.

L’espèce S. cerevisiae joue un rôle extrêmement important, depuis des millénaires, dans de nombreux procédés fermentaires, tels que la fabrication et la conservation de produits alimentaires (pain, fromage) et de boissons fermentées (vin, bière, cidre) (McGovern et al., 2004; Cavalieri et al., 2003). La caractéristique principale de cette espèce est en effet sa capacité à fermenter rapidement les sucres, principalement en éthanol et dioxyde de carbone, à la fois en conditions aérobies et anaérobies (Otterstedt et al., 2004; van Dijken et al., 1993). Plus récemment, S. cerevisiae est devenue également un outil biotechnologique de choix. Cet organisme est utilisé en tant qu’usine cellulaire pour la production de molécules à haute valeur ajoutée dans de nombreux domaines, tels que la pétrochimie comme alternative à la

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diminution des ressources fossiles (biocarburants), la chimie (arômes, additifs) ou la pharmacologie (insuline, vaccins).

S. cerevisiae est le premier eucaryote dont le génome a été séquencé (Goffeau, 1996). La souche séquencée, S288C, couramment utilisée en laboratoire, possède 16 chromosomes et 12 millions de paires de nucléotides. La facilité de manipulation de cette espèce ainsi que la performance des outils de biologie moléculaire qui y ont été développés font de S. cerevisiae un des principaux modèles eucaryotes en recherche fondamentale en biologie. Grâce à l’acquisition d’un grand nombre de connaissances sur le fonctionnement cet organisme, S. cerevisiae est actuellement un organisme modèle de la biologie des systèmes, qui vise à obtenir une vision intégrée du fonctionnement cellulaire en combinant la production de données multi-échelle et leur analyse par modélisation. Récemment, du fait du développement des techniques d’analyse et de séquençage haut-débit, S. cerevisiae a émergé comme espèce modèle en biologie de l’évolution. Les travaux actuels permettent d’appréhender la forte diversité naturelle qui existe au sein de cette espèce et qui jusque-là n’avait jamais été considérée et exploitée.

1.5.2. Diversité génétique et phénotypique des souches

S. cerevisiae est la principale levure liée aux activités humaines, et de ce fait est présente dans des environnements anthropiques (brasserie, vignoble, cave …). Elle est aussi retrouvée dans des environnements naturels tels que les plantes ou les fruits mais de manière minoritaire. Il résulte de cette diversité d’habitats une importante diversité génétique et phénotypique. De nombreuses études sont menées afin de comprendre les mécanismes d’évolution qui ont amené à la domestication de S. cerevisiae et d’associer le génotype au phénotype.

Plusieurs études récentes ont permis de caractériser la grande diversité phénotypique de l’espèce S. cerevisiae (Blanco et al., 2013; Barbosa et al., 2012; Camarasa et al., 2011). La variabilité de traits d’histoire de vie (taux de croissance, population maximale et taille des cellules) a été étudiée dans différentes conditions fermentaires (Albertin et al., 2011; Spor et al., 2009). Ces études ont permis de dégager deux comportements différents : des souches générant une grande population avec des cellules de petites tailles consommant le glucose lentement, et des souches générant une petite population de grosses cellules qui consomment le glucose rapidement. Une démarche plus systématique a analysé la diversité de traits métaboliques, cinétiques et de croissance en conditions œnologiques sur une population de 72 souches et a mis en évidence l’émergence de certains traits phénotypiques en lien avec

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l’origine des souches qui traduit une évolution phénotypique des souches pilotée à la fois par l’adaptation des levures aux contraintes environnementales et par la sélection humaine (Camarasa et al., 2011). Par exemple, les souches de levure œnologiques commerciales se différencient par leur capacité à fermenter rapidement une grande quantité de sucre et à produire peu d’acétate.

Parmi les différentes niches de S. cerevisiae, les levures œnologiques forment un groupe génétique bien spécifique. Il a été montré que les levures œnologiques ont une origine unique et pourraient provenir de Mésopotamie (Liti et al., 2009; Schacherer et al., 2009; Legras et al., 2007). La plupart des S. cerevisiae œnologiques sont diploïdes, bien qu’on puisse trouver des souches aneuploïdes. Elles sont majoritairement hétérozygotes (Bradbury et al., 2006; Mortimer, 2000) et homothalliques (70%).

Les souches œnologiques sont génétiquement complexes; leur génome présente en effet d’importants réarrangements chromosomiques dus à des insertions, délétions, translocations ou amplifications de régions qui sont apparus suite à des évènements de recombinaison, des transferts horizontaux ou des croisements inter- ou intra-espèces (Marsit and Dequin, in revision).

Le génome de la souche commerciale Lalvin EC1118® a été séquencé en 2009. Ce génome présente une divergence nucléotidique de 0.5% par rapport à la souche de laboratoire S288C. Environ 50000 SNPs (polymorphismes au niveau d’un nucléotide) et 5000 indels (insertions ou délétions d’une base) séparent les deux souches. Plusieurs translocations ont été identifiées. Trois nouvelles régions d’une taille totale de 120 kb, dont l’une présente en plusieurs exemplaires et provenant de levures éloignées ont été identifiées dans le génome de la souche œnologique (Galeote et al., 2011; Novo et al., 2009). Ces régions portent 34 nouveaux gènes qui pourraient jouer un rôle dans l’adaptation des souches œnologiques à leur environnement. Deux de ces gènes codent pour un transporteur de fructose et un transporteur d’oligopeptides qui confèrent des fonctions nouvelles ou élargies à S. cerevisiae (Damon et al., 2011; Galeote et al., 2010). Ces nouvelles régions sont répandues chez les souches œnologiques, alors qu’on ne les trouve pas chez des souches naturelles ou isolées dans d’autres niches écologiques (Marsit et al., 2015; Galeote et al., 2011). Récemment, une étude a mis en évidence le rôle des gènes FOT (transporteurs de petits peptides) qui confèrent un avantage adaptatif en augmentant la diversité des peptides pouvant être utilisés comme source d’azote par la levure (Marsit et al., 2015; Marsit, 2014).

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Les levures œnologiques ont été sélectionnées pour des traits phénotypiques d’intérêt, notamment pour leur capacité à fermenter à des concentrations élevées en sucres, leur résistance à l’éthanol, au SO2, la faible production de composés indésirables dans le vin (acétate, H2S) ou la production importante de composés aromatiques. Elles présentent des propriétés bien distinctes de celles des autres souches de S. cerevisiae.

Il existe aussi de la diversité phénotypique au sein du groupe des levures œnologiques. Les cinétiques fermentaires de 20 souches de levures commerciales ont été caractérisées (Colombié et al., 2005). Cette étude, menée sur un milieu synthétique facilement fermentescible, met en évidence des différences relativement faibles. A l’inverse, une autre étude menée sur un moût difficile à fermenter a révélé des différences plus importantes entre les souches (Blateyron and Sablayrolles, 2001). Sur les 13 souches testées, 3 présentent des arrêts de fermentation avec des concentrations résiduelles en sucres importantes, 10 à 56 g/L. Ces différences sont principalement dues à des besoins variables en azote assimilable et en oxygène (Julien et al., 2000).

La production de composés volatils varie considérablement selon la souche (Blanco et al., 2013; Barbosa et al., 2012; Camarasa et al., 2011). Cependant, la variabilité de la régulation de la synthèse de ces composés a été mal documentée. Néanmoins, il a été récemment montré que des variations dans le niveau d’expression de certains facteurs de transcription (Sok2 et Rap1) sont impliquées dans des différences phénotypiques observées au sein l'espèce S. cerevisiae, y compris la production de composés volatils (Rossouw et al., 2012).

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2 Les arômes du vin

Le vin est un produit complexe, avec de nombreuses molécules impliquées dans ses caractéristiques organoleptiques. Sa structure aromatique dépend de la présence de composés volatils aux origines diverses (Swiegers et al., 2005; Lambrechts and Pretorius, 2000). Ces molécules sont issues du raisin, de la fermentation alcoolique (qui nous intéresse particulièrement dans ce travail) ou produites lors du vieillissement. Les principales molécules d’arôme sont listées dans le tableau 1, avec leur seuil de perception et les concentrations habituellement rencontrées dans le vin.

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