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Une très grande diversité phénotypique et génétique existe au sein du genre Pisum. Elle a fait

l’objet d’études dès le milieu du 19e siècle ; les travaux les plus connus étant ceux de Gregor

Mendel (1822-1884) et de Nikolai Vavilov (1887-1943). Les processus de sélection végétale, menés pour répondre à l’évolution de la consommation et des modes de culture du pois, ont évolué au cours du temps. La connaissance de l’ensemble de cette diversité est indispensable à son utilisation dans les programmes de sélection végétale à venir.

La domestication du pois

Le pois est l’une des premières espèces végétales domestiquées dont les graines ainsi que celles d'autres légumineuses (lentille, pois chiche, fève) formaient avec les graines de céréales une composante alimentaire importante des premières civilisations du Moyen-Orient (Zohary, D. & Hopf, M., 1973; Mikic et al., 2014a). Les premières traces de culture du pois ont été trouvées dans la région du Croissant Fertile s’étendant d’Israël à l’Irak en passant par le sud-est de la Turquie ; elles datent du début de Néolithique (7000-6000 avant J-C). La culture du pois s’est ensuite propagée vers l'ouest (Turquie, Grèce, Bulgarie) et vers l'est (Caucase, Iran, Afghanistan). L'Ethiopie est considérée comme étant un centre secondaire de diversification (Vershinin et al., 2003; Jing et al., 2010). A l'âge du bronze les pois étaient présents dans

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toute l'Europe, de l'Est (Hongrie, Pologne, Russie) à l'Ouest (France, Suisse, Allemagne) (Zohary, D. & Hopf, M., 1973; Mikic et al., 2014a). En parallèle, la culture de pois s’est déplacée vers l’Inde, où les premières références se trouvent vers 200 av. J.-C., et vers la Chine (Chimwamurombe & Khulbe, 2011; Smykal et al., 2015).

Les premières études de classification, basées sur la morphologie des plantes et de leurs graines, leur zone géographique et sur les caryotypes, ont identifié cinq espèces parmi le genre Pisum : P. sativum: P. humile, P. elatius, P. abyssinicum et P. fulvum (Fourmont, 1956; Ben Ze'ev & Zohary, 1973). Actuellement, deux espèces seulement sont le plus généralement reconnues, P. fulvum et P. sativum, elle-même subdivisée en trois sous-espèces : sativum, elatius et abyssinicum (Smykal et al., 2011). P. fulvum, dont la zone géographique est restreinte au Croissant Fertile, et P. sativum subsp. elatius, plus largement distribuée à travers le bassin méditerranéen, sont actuellement considérés comme étant les parents sauvages du pois cultivé P. sativum subsp. sativum. P. sativum subsp. abyssinicum dont la zone géographique se situe au Yémen et en Ethiopie est aussi un pois cultivé mais qui est considéré comme ayant dérivé indépendamment, jusqu’à constituer une troisième espèce (Vershinin et al., 2003; Jing et al., 2010).

Le pois est une espèce annuelle et préférentiellement autogame. Chez la plupart des pois cultivés, les fleurs sont cléistogames (l’autopollinisation a lieu avant l’ouverture de la fleur). Chez les pois sauvages ou fourragers la cléistogamie est moins stricte ; des Hyménoptères peuvent visiter les fleurs et transporter le pollen.

Les principales évolutions de la sélection du pois

Différents écrits datant de l’Antiquité puis du Moyen Age mentionnent que le pois était consommé en grains secs et avait un rôle déterminant dans la lutte contre les famines (Fourmont, 1956). Le pois mangetout, c’est-à-dire avec des gousses sans parchemin donc consommables, était déjà connu au XVIe siècle. C’est à cette époque que l’on commence à distinguer le pois des jardins et le pois des champs. Le pois commença a été consommé sous forme de grains verts retirés de la gousse au XVIIe siècle; il était très apprécié à la cour de Louis XIV et par la noblesse anglaise. Une des premières variétés dénommées connues est le pois « Michaux de Paris » ; elle aurait été créée en 1660. A partir de la fin du XVIIIe siècle sont créées beaucoup de nouvelles variétés en France ; telles que « Corne de bélier », « Merveille d’Etampes » ou « Serpette d’Auvergne » (Vilmorin-Andrieux, 1883). Les variétés devaient produire des grains verts et lisses et répondre aux exigences telles que productivité, facilité de récolte, précocité échelonnée pour un approvisionnement des marchés sur une

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grande période de l’année. Les Anglais ont également beaucoup travaillé à l’amélioration du pois, notamment de sa précocité et de la taille des gousses et des grains ; les variétés les plus connues sont les pois Marrow ridés de Knight, « Champion d’Angleterre », « Plein le panier » et « Merveille de Kelvedon ». Les variétés françaises et anglaises pouvaient être naines ou à hautes tiges avec de nombreuses ramifications (pois à rames). Certaines des anciennes variétés françaises ou anglaises sont encore inscrites sur le catalogue des pois potagers

français (http://www.gnis.fr/index/action/page/id/257/title/Catalogues-francais). Ce catalogue

a été créé en 1952, année où toutes les variétés créées auparavant y ont été officiellement inscrites.

Entre les années 1950 et les années 1970, les industries de conserverie et de surgélation se sont beaucoup développées en France (Doré & Varoquaux, 2006). La production de pois potager a quintuplé en France ; elle est devenue ainsi le premier producteur en Europe de pois de conserve. Le pois appertisé représentait dans les années 1970 plus de 40% des conserves de légume. C’est dans ce contexte qu’ont été créées les premières variétés de pois potagers d’hiver dans un but d’allongement de la période de récolte des pois frais (Cousin, 1976).

En 1973, suite à l’embargo des Etats-Unis sur le soja, il est devenu nécessaire de cultiver en Europe des plantes riches en protéines destinées à l’alimentation du bétail. Un plan « protéines » accordant des subventions pour la production locale de cultures riches en protéines a été mise en place en Europe. Il a abouti à un intérêt accru pour le pois protéagineux, c’est-à-dire d’un pois cultivé en plein champ pour sa production de grains secs riches en protéines. Les entreprises semencières et les instituts publics en France, Suède, aux Pays-Bas, Danemark et Royaume-Uni ont investi des moyens sur la recherche de variétés adaptées et productives. En France, un catalogue des pois protéagineux a été créé en 1976. Les premières variétés de pois protéagineux ont été obtenues à partir de croisements entre des pois utilisés comme fourrages et des pois potagers ou de casserie. Les pois fourragers se caractérisent par leur haute taille et le plus souvent par la couleur anthocyanée de leurs fleurs. Il existe quelques variétés inscrites dans un catalogue (créé en 1961). Les pois de casserie sont des pois destinés à l’alimentation humaine, récoltés en sec et à forte teneur en protéines de leurs graines ; leur sélection spécifique a pris fin en 1977 (Doré & Varoquaux, 2006). Actuellement, les graines de pois protéagineux, avec une teneur moyenne en protéines autour de 24% de la matière sèche, sont essentiellement utilisées en alimentation animale (à destination surtout des monogastriques, porcs et volailles) mais connaissent de nouveaux débouchés à l’export en alimentation humaine.

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Grâce aux progrès conjoints des techniques de culture et de la sélection végétale, les rendements moyens en pois secs ont progressés de 15 q/ha en moyenne en 1970 à 38 q/ha en 1982 et 45 q/ha en 1985 (Doré & Varoquaux, 2006; Schneider et al., 2015). Une des premières pistes d’amélioration du rendement a été la création de variétés de pois d’hiver supposées apporter une productivité nettement supérieure à celle des pois de printemps ; ces variétés d’hiver ont été créées en utilisant des variétés-populations de pois fourragers collectées dans diverses régions de France ou d’Europe et repérées comme résistantes au froid (Cousin, 1976). Cependant toutes ces variétés, de printemps comme d’hiver, souffraient d’une faible résistance à la verse et donc de récoltes difficiles. Il a fallu attendre l’innovation apportée par la mutation afila transformant les folioles en vrilles pour assister à une augmentation des surfaces cultivées. « Solara », la première variété de type afila fut inscrite en 1984 ; c’est la version afila d’une des premières variétés de pois de printemps inscrite, « Finale » (Doré & Varoquaux, 2006). La France est devenue le premier producteur européen de pois protéagineux et un pic de production y a été atteint en 1993, avec plus de 700 000 ha semés.