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légumineuses

Le système racinaire des légumineuses est nodulé : il est le support non seulement de l’acquisition de l’azote minéral du sol par les racines mais aussi de la fixation symbiotique de l’azote atmosphérique au sein des nodosités, et les proportions racines/nodosités sont variables selon l’état de la plante et de son milieu. Les développements racinaire et nodulaire sont en compétition pour l’utilisation des ressources disponibles en C, ce qui nécessite un ajustement très complexe entre ces développements pour satisfaire au mieux les besoins en N nécessaires à la croissance de la plante. Les molécules signal impliquées dans cette régulation font l’objet d’études chez les légumineuses modèles comme M. truncatula. Elles ne sont pas encore connues chez les plantes cultivées. Les légumineuses à graines quant à elles, et notamment le pois, ont fait l’objet de nombreuses études montrant un ajustement aux cours du cycle de la culture entre les deux voies d’acquisition d’N.

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Signalétique de la régulation entre les deux organogenèses racinaire et nodulaire

Les deux types d’organes sont initiés de façon post-embryonnaire et chez les légumineuses à nodosités à croissance indéterminée, à partir des mêmes tissus cellulaires ; péricycle, endoderme et cortex. Ainsi que nous l’avons vu dans les paragraphes précédents, la formation des nodosités et celle des racines latérales sont toutes les deux favorisées en conditions de faible teneur en nitrate du milieu et sont régulées par les mêmes phytohormones, le plus souvent de façon antagoniste. Différentes études menées chez M. truncatula ont confirmé cette double implication des hormones. Ainsi, l’implication du transport d’auxine pour la formation à la fois des racines et des nodosités a été démontrée : MtLAX, un gène codant pour un transporteur d’auxine, s’exprime dans les deux types de primordia, racinaire et nodulaire (de Billy et al., 2001); de plus il a été observé que le nombre de nodosités et de racines formées est corrélé positivement à l’intensité du transport d’auxine via le phloème entre les parties aériennes et les racines (Jin et al., 2012). Les études relatives au rôle de signalisation des CKs via le gène MtCRE1 ont montré qu’elles sont indispensables à la formation des nodosités avec un impact négatif sur le développement des racines latérales (Gonzalez-Rizzo et al., 2006; Frugier et al., 2008; Laffont et al., 2015).

En complément des phytohormones classiques, il a été montré récemment que des petits peptides sont des régulateurs potentiels de la nodulation et de la formation des racines. Il existe deux types principaux de petits peptides, les CLEs et les CEPs ; pour une revue voir (Djordjevic et al., 2015; Okamoto et al., 2016).

Les peptides CLE (CLAVATA3/EMBRYO SURROUNDING REGION) sont les plus étudiés de petits peptides. Ils constitués par 12 à 13 acides aminés. 32 peptides CLE ont été identifiés chez Arabidopsis. Ainsi que nous l’avons vu précédemment, les peptides MtCLE12/13, LjRCLE-RS1/RS2 et GmRIC1/2 ont été identifiés chez les légumineuses modèles et chez le soja, comme étant des molécules signal émises par les racines, induites essentiellement par l’inoculation par les rhizobia mais aussi par des fortes teneurs en nitrate, et impliquées dans la voie d’autorégulation du nombre de nodosités (Mortier et al., 2010; Reid et al., 2011; Okamoto et al., 2013; Okamoto & Kawaguchi, 2015) (Fig. 10a). Ces signaux sont perçus dans les feuilles par les récepteurs LRR-RLKs codés par MtSUNN/LjHAR1/GmNARK/PsSYM29 (Krusell et al., 2002; Nishimura et al., 2002; Searle et al., 2003; Schnabel et al., 2005). Le signal synthétisé en retour au niveau des feuilles pourrait être constitué de CKs (Okamoto et al., 2016).

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Fig. 10. Représentation des voies signalétiques de régulation du nombre des nodosités et de racines latérales (a)

Chez Lotus japonicus, les peptides CLE-RS1/2 sont un signal de « satiété » transmis aux feuilles. CLE-RS1/2 sont induits par l’inoculation avec des rhizobia et CLE-RS2 est aussi induit par une forte teneur en nitrate du milieu. Le récepteur HAR1 reconnait les peptides CLE-RS1/2 et envoie un signal, probablement sous forme de CKs, aux racines qui induit une inhibition de la nodulation (b) Chez Arabidopsis, les peptides CEPs sont un signal de « faim » en N transmis aux feuilles. Ils sont induits par une carence locale en nitrate. Le récepteur CEPR1 reconnait les peptides CEPs et envoie un signal secondaire à des racines situées dans une zone non carencée pour y stimuler l’acquisition de nitrate. D’après Okamoto et al. (2016).

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Les CEPs (C-TERMINALLY ENCODED PEPTIDES) sont des peptides constitués de 15 acides aminés. 11 gènes codant pour des CEPs sont connus chez Arabidopsis ; parmi lesquels sept sont sur-exprimés en conditions de carence en nitrate dans le milieu (Tabata et al., 2014). Il est connu qu’il existe une réponse compensatoire à une carence locale en nitrate via une augmentation du prélèvement par les racines situées dans un milieu riche en nitrate et impliquant une régulation systémique (Ruffel et al., 2011). Tabata et al. (2014) ont montré que les CEPs associés à des récepteurs CEP (CEPRs) de type LRR-RLK sont des éléments de cette régulation : les CEPs agissent comme des signaux ascendants de carence en nitrate, des racines vers les parties aériennes, où leur perception par AtCEPR1 stimule l’expression des gènes transporteurs de nitrate probablement via la production d’un signal lui-même transmis aux racines (Fig. 10b). Chez M. truncatula, 11 gènes codants pour des CEPs ont aussi été identifiés ; il a été montré qu’une surexpression de l’un d’eux, MtCEP1, induit une inhibition de la formation des racines latérales et un accroissement du nombre de nodosités (Imin et al., 2013). Parallèlement, MtCRA2, un homologue de AtCEPR1, a été identifié comme régulant positivement et de façon systémique la formation des nodosités, et négativement et localement celle des racines latérales (Huault et al., 2014). MtCRA2 est probablement un récepteur de MtCEP1, l’ensemble constituant une voie de régulation des développements racinaire et nodulaire différente de celle sous le contrôle de peptides CLE et de leur récepteur MtSUNN (Mohd-Radzman et al., 2016).

Ajustement de la nodulation au cours de la croissance du pois

Des études écophysiologiques, menées en conditions de culture contrôlées ou au champ, ont mis en évidence que les deux voies d’acquisition d’N sont impliquées de façon différentielle au cours de la croissance du pois. Les études ont été menées principalement chez des variétés cultivées, mais aussi chez des mutants hypernodulants.

Que ce soit chez les variétés cultivées ou chez les mutants hypernodulants, l’activité fixatrice ne démarre pas immédiatement après la levée des plantules ; les premières nodosités sont généralement observées dans un délai de 10 à 15 jours (Voisin et al., 2010). Pendant cette période précoce, la croissance de la plante repose uniquement sur les réserves contenues dans la graine (phase hétérotrophe) (Tricot et al., 1997). En l’absence d’apport d’N minéral, une carence en N peut s’établir de façon temporaire pendant la période de formation des nodosités, entre le moment où les réserves de la semence sont épuisées et celui où les nodosités nouvellement formées deviennent fonctionnelles. En conditions agricoles, une telle carence est peu observée chez le pois, car compensée par les reliquats azotés présents dans les

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sols (Voisin et al., 2002a). Il a été observé néanmoins que la mise en place des nodosités est retardée si les reliquats azotés sont élevés ; l’acquisition de l’N se fait alors par assimilation racinaire des nitrates du sol. Cette assimilation racinaire diminue ensuite jusqu’à épuisement de l’N minéral du sol et l’inhibition de l’activité fixatrice est alors levée (Voisin et al., 2002b). En l’absence d’N minéral, la majeure partie des nodosités est formée chez les cultivars lors de la première vague de nodulation. Les nodosités sont donc localisées majoritairement sur la partie supérieure du système racinaire ; leur densité est maximale à la base du pivot et sur les racines latérales situées à ce niveau, puis elle décroît rapidement à mesure que l’on s’éloigne de la base (Tricot et al., 1997; Remmler et al., 2014). Le nombre maximum de nodosités est atteint généralement à début floraison puis, en général, stagne jusqu’à la fin du franchissement du stade limite d’avortement des graines avant de chuter fortement en fin de cycle (Bourion et al., 2007; Voisin et al., 2010). Les nodosités formées deviennent sénescentes, l’activité fixatrice décroit et l’acquisition d’N repose alors sur l’assimilation par les racines des nitrates du sol.