• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 Analyse spatio-temporelle des ambiances lumineuses 77 

4.1   Diversité des ambiances lumineuses 77 

Le relevé vidéo permet d’exprimer la grande diversité des ambiances lumineuses expérimentées. En ce sens, le tableau 4.1 présente quelques images extraites d’une séquence spatiale analysée selon le processus présenté dans la section 3.5. Les analyses illustrent que le traitement isohélie d’une image noir blanc en 5 tons de gris permet de mieux cibler et dimensionner les zones de brillance dominante, particulièrement en analysant les images correspondant au temps de 42, 51 et 69 secondes. En effet, ces images traitées par séparation tonale isohélie démontrent tout particulièrement que les zones de brillance élevée sont plus facilement identifiables que dans l’image originale ou celle qui est en noir et blanc. Toutes les images noir blanc, qu’il s’agisse d’une gamme complète ou d’isohélies en 5 tons, permettent également de mieux représenter et qualifier l’ambiance lumineuse en termes de brillances que l’image couleur originale (voir contraste d’intensité, section 2.3).

78 Temps

(s)-zone Image originale en couleur Traitement noir et blanc Traitement isohélie 5 tons de gris 14-A

28-C

42-E

51-E

69-F

79 En se référant au vocabulaire introduit au tableau 3.7, les images du tableau 4.1 peuvent être caractérisées selon leurs propriétés relatives au contraste d’intensité et à la distribution des brillances. Le relevé vidéo débute à 0 seconde, et le tableau 4.1 comprend une série de captures effectuées lors du parcours au temps indiqué dans la première colonne. En exemple, le tableau permet d’identifier que dans l’image extraite au temps 14 secondes, une dominance de contraste global élevé est observée pour un patron polarisé, non uniforme de brillances. On y retrouve une grande proportion de valeurs extrêmes de 0% et/ou de 100%, laissant peu de place aux valeurs médianes (25%, 50% et 75%). En se référant au tableau 3.7, cette image serait associée à une ambiance qui favorise l’attention visuelle de l’observateur, générant une concentration sur l’environnement dans lequel un usager se déplace. La surface blanche et lumineuse découpe avec clarté l’entrée principale du bâtiment ainsi qu’une fenêtre. L’information visuelle est claire, marquée par le contraste élevé et se traduit par un espace fragmenté, où les objets peuvent être perçus avec une certaine impression de matérialité.

Plus loin dans le parcours, les images extraites de la séquence vidéo à 51 et 69 secondes montrent une ambiance lumineuse captée dans le couloir F (voir plan figure 3.9). On y observe une zone sombre correspondant au plancher de faible illuminance dans la partie inférieure de l’image, mais également un patron plus uniforme est présent dans les autres parties, correspondant à une répartition moins polarisée des brillances et une lumière plus diffuse. Ce patron de plus faible contraste pour les surfaces occupant principalement le champ visuel s’associe à une certaine perception d’immatérialité pour ces surfaces blanches et relativement uniformes, contrastant avec un sol facilement défini et identifiable, et donc matériel. L’ensemble des surfaces de brillances élevées correspondrait à un espace aux caractéristiques lumineuses dites « unifiées » et serait propice à un état de concentration moins élevé, pouvant parfois causer de la distraction ou un état de rêverie. Bien que cette analyse démontre certaines tendances perceptuelles, la recherche ne fait que proposer une manière de qualifier une image réalisée à un moment et un emplacement précis de l’observateur dans un parcours en relation à des observations généralisables, et ne tient aucunement compte des impressions particulières, réellement captées par un observateur.

La transposition des données quantitatives dans un graphique en fonction du temps permet de mieux qualifier la promenade architecturale en relation à la lumière. Dans ce contexte, le graphique ci- dessous (fig.4.1) correspond à la distribution de la luminosité (brillance de l’image) et du contraste en

80

fonction du temps lors d’une promenade architecturale de A vers F. En rappel, les données quantitatives de brillances d’images sont extraites à partir des images vidéos (1 image par seconde), tel qu’explicité à la section 3.5. En comparaison, la figure 4.2, illustre le graphique des données captées de la promenade effectuée en sens inverse, soit de F vers A. Pour faciliter la comparaison spatiale, l’échelle temporelle du graphique 4.2 est volontairement inversée pour assurer une correspondance entre les segments spatiaux (de A à F). La comparaison entre les graphiques permet de conclure que bien que le visiteur transite dans les mêmes espaces à l’aller et au retour, la distribution lumineuse n’y est pas parfaitement symétrique. Les variations de luminance sont donc dépendantes à la fois de l’espace, du temps et de la façon dont on observe cet espace. On note une variation importante entre deux zones (ex. A et B de la figure 4,1) on peut également constater une variation de la brillance et du contraste dans un même espace, au fur et à mesure que l’usager s’approche ou s’éloigne d’une source lumineuse, d’un matériau de forte ou faible réflectance ou encore le fait de déambuler dans un espace spatial particulier. Un espace peut ainsi s’avérer plus lumineux à l’aller alors que celui-ci offre une scène plus sombre dans l’autre direction. Le sens d’un parcours influence donc la perception d’une ambiance lumineuse et par conséquent, la perception de l’espace (section 4.2).

Figure 4-1 Graphique de la distribution de la brillance (luminosité) et du contraste en fonction du temps dans le cadre d’une promenade architecturale de l’espace A vers F.

81 Figure 4-2 Graphique de la distribution de la brillance (luminosité) et du contraste en fonction du

temps dans le cadre d’une promenade architecturale de l’espace F vers A.

La présente thèse introduit une approche graphique innovante de représentation spatio-temporelle des ambiances lumineuses. À cet effet, la figure 4.3 illustre l’ensemble du relevé présentant la variabilité des ambiances lumineuses dans le parcours architectural effectué de l’extérieur vers l’intérieur, entre le point A et le point F. Cette figure s’inspire des différentes approches citées dans la section 2.4 concernant la représentation spatio-temporelle des ambiances. La représentation interpelle tout particulièrement les architectes puisqu’elle intègre les outils de représentation graphiques communément utilisés en architecture, soit le plan, la coupe et l’élévation. On y retrouve également les données visuelles qualitatives correspondant à la représentation de l’espace par le biais des images extraites, ainsi que les données quantitatives associées aux valeurs de luminances en cd/m2 (voir figure 4.3). L’un des avantages de cette représentation est de permettre une représentation complète des ambiances lumineuses d’un parcours architectural et d’en évaluer les fluctuations en fonction du mouvement (temps) de l’usager dans les espaces transitions. Ce type de représentation permet alors plusieurs analyses des relations et interactions entre des ambiances lumineuses successives et de caractériser la réponse de l’œil à ces variations. La représentation répond à la question générale de la recherche qui consiste à améliorer la représentation et l’analyse dynamique des ambiances lumineuses tout en facilitant la compréhension du processus d’adaptation de l’œil aux changements de luminosité dans les espaces de transitions (voir section 1.3).

82

Figure 4-3 Distribution de la brillance (luminosité) et du contraste en fonction du temps dans le cadre d’une promenade architecturale de l’espace A vers F.

L’étude comparative des valeurs de brillance et de contraste dans la section A, B et C de la figure 4.3, permet de représenter la relation intérieure extérieure de manière graphique et offre une analyse globale du phénomène complexe de transitions-espace-lumière (figure 4.4). En effet, ces sections du parcours représentent la principale zone d’adaptation lumineuse lors d’un passage entre l’extérieur et l’intérieur. Ces portions du parcours démontrent une plus grande variation dans la distribution des valeurs de brillance et de contraste, comparativement à la suite du parcours. En se référant à la définition de l’adaptation, laquelle indique un changement de sensibilité à un patron lumineux résultant d’une exposition prolongée à ce même patron [De Valois, 2002], l’œil devrait donc s’adapter, dans cette section du parcours, à un grand écart de luminosité et de contraste. Il en résulterait une perte de repères visuels.

83 Figure 4-4 Distribution de la brillance (luminosité) et du contraste lors de la transition entre l’extérieur

et l’intérieur.

La figure 4.5 représente un parcours en sens inverse, soit de F vers A. En rappel, le parcours a été effectué dans les deux sens afin de comparer la perception lumineuse d’un même espace, mais avec une orientation différente, telle qu’évoquée à la section 1.3.

84

Figure 4-5 Distribution de la brillance (luminosité) et du contraste en fonction du temps dans le cadre d’une promenade architecturale de l’espace F vers A.

Les figures 4.3 et 4.5 démontrent également que la brillance et le contraste dans les images du parcours varient considérablement en fonction du temps et de la position dans l’espace. En effet, la figure 4.6 (section agrandie de la figure 4.3) montre que dans la section A, bien que nous circulions dans un même espace, nous observons une variation de la brillance et du contraste dans le temps. Les valeurs des moyennes de la brillance des images varient de 6490 cd/m² à 7 secondes, 5800 cd/m² à 11 secondes, à 6555 cd/m² à 17 secondes et 4720 cd/m² à 18 secondes. Ces variations sont trop importantes pour ne qualifier qu’une seule ambiance lumineuse. Il est possible d’avancer l’hypothèse que cet espace pourrait contenir 4 ambiances lumineuses différentes, qui se présentent lorsque le promeneur est en mouvement. Celles-ci correspondent aux deux pointes, à 7 secondes et 17 secondes, de la courbe de la brillance en fonction du temps dans la section A de la figure 4.6 et aux deux plateaux qui sont observés respectivement entre 0 et 5 secondes et entre 9 et 15 secondes.

85 Les données précédentes démontrent donc que la variabilité des ambiances lumineuses dans un même espace est importante et qu’elles sont modulées et réparties dans le temps. On peut observer également ces variations avec des intensités et des durées variables dans l’ensemble des autres espaces (B,C,D,E,F) des figures 4.3 et 4.4.

Figure 4-6 Section agrandie de la figure 4.3, illustrant la présence de 4 ambiances lumineuses.

Dans le relevé présenté, cette adaptation est vécue différemment en sortant (figure 4.3) d’un bâtiment ou en y entrant (figure 4.5). Ce phénomène peut s’expliquer en étudiant les limites du système visuel lorsqu’il est soumis à des différences importantes de luminosités et des contrastes élevés. Ces situations ont généralement tendance à être plus fréquentes lors de l’entrée et la sortie d’un bâtiment [Araji, 2007]. Dans le cas présent, les différences sont exacerbées par la présence du soleil direct, situé tout juste à la porte d’entrée principale du Séminaire, et donc au seuil de la transition intérieure extérieure. Il semble y avoir un consensus dans la communauté scientifique sur le fait que le processus d’adaptation de l’œil fait intervenir des cellules spécialisées distinctes en conditions de luminosités faibles et élevées [Marieb, 1993]. Les cônes sont constitués des cellules sollicitées par des luminances élevées alors que les bâtonnets le sont lors de luminances faibles. Cette distinction physiologique provoque une discrimination importante dans la perception de

86

l’espace [Marieb, 1993]. De part leur évolution, les cônes procurent un meilleur rendement visuel, tant à ce qui a trait aux luminosités, qu’aux contrastes et aux perceptions de l’espace [Ekrias, 2008]. Par contre, les bâtonnets offrent un rendu plus limité dans la perception des couleurs, des nuances de contrastes et offrent un rendu de l’espace moins performant [Marieb, 1993]. La figure 4.4 illustre que le passage d’un environnement où les luminances moyennes enregistrées sont de l’ordre de 6555 cd/m² à 17 secondes, à un environnement où celles-ci sont de 22 cd/m² à 22 secondes, implique un ratio correspondant à 1 :300 ce qui est drastique pour l’observateur. Lors de cette transition, l’œil doit faire le relais entre l’utilisation des cônes, qui sont sollicités à l’extérieur, et les bâtonnets qui sont utilisés en luminance faible. Ce phénomène provoque la perte momentanée d’informations spatiales, qui se traduit par une impression de black-out. Cette sensation se décrit comme étant une perte d’informations dans la lecture spatiale de l’environnement créée par un effet d’éblouissement qui se traduit par la perception d’un environnement beaucoup plus sombre que la réalité.

La figure 4.7 représente l’effet du black-out qui a lieu lors de l’entrée dans le bâtiment. La première image extraite de la séquence vidéo représente la façade du bâtiment avec un albédo élevé où le capteur de la caméra vidéo offre un rendu convenable de la scène alors qu’à la lecture de la seconde image, la scène semble être inexistante dans la partie de droite de l’image. L’image démontre une faible luminosité ainsi qu’un faible contraste (image tirant sur le noir). Il s’en suit une perte momentanée de la lecture de l’espace qui est retrouvée par un rendu convenable de l’espace dans la dernière image.

87 Figure 4-7 Représentation de la séquence d’entrée du bâtiment et de la perception du black-out. a) extérieur au t=17 secondes et avec une luminance moyenne de 6555 cd/m², b) perception du black-out au t=20 secondes et avec une luminance moyenne de 740 cd/m², c) espace de transition constitué par le hall d’entrée au t=22 secondes et avec une luminance moyenne de 22 cd/m².

À l’inverse, la figure 4.8 illustre le passage d’un environnement où les luminances moyennes enregistrées sont faibles (41 cd/m² à 48 secondes), à un environnement où celles-ci sont dites élevées (5300 cd/m² à 57 secondes) en passant par une pointe à 7000 cd/m² à 55 secondes. Lors de cette transition, le système d’adaptation de l’œil passe donc du système utilisant les bâtonnets au système utilisant les cônes, ce qui génère la perte momentanée d’informations spatiales. Cette expérience est liée à l’effet de white-out, c’est-à-dire d’une perte d’informations dans la lecture spatiale de l’environnement créée par un effet d’éblouissement qui se traduit par la perception d’un environnement beaucoup plus brillant que la réalité. La figure 4.8 illustre une impression de white- out, (éblouissement) qui se traduit par une surexposition de la luminosité et une perte du contraste dans l’image (image tirant sur le blanc). Ces phénomènes sont donc attribuables aux trop grandes différences de luminosité et de contraste qu’il y a entre l’intérieur et l’extérieur. Dans ce cas précis, la

88

différence énorme provoque un éblouissement et une perte de la lecture de l’information architecturale pendant quelques instants (figure 4.8).

Figure 4-8 Section agrandie de la figure 4.5, images représentant la séquence de sortie du bâtiment et l’effet white-out 4 a) intérieur au t = 48 secondes et avec une luminance moyenne de 41 cd/m² 4 b) phénomène du white-out au t= 55 et avec une luminance moyenne de 7000 cd/m² 4 c) extérieur au t =57 et avec une luminance moyenne 5300 cd/m².

La figure 4.8 a) représente l’étape initiale de l’effet d’éblouissement, qui représente la perte de la lecture d’information de la configuration spatiale dans la section de droite de l’image. La figure 4.8 b), représente l’effet de la surexposition de l’image vidéo et de la grande brillance, rendant l’environnement avec une perception extrêmement lumineuse. Finalement, la figure 4.8 c), illustre l’espace A, soit, l’extérieur du bâtiment.

89 La conception d’un espace de transition entre l’intérieur et l’extérieur pourrait donc traiter architecturalement ce type de seuil en ce qui a trait à la luminosité. On peut remarquer une variation importante de la luminosité aux limites des environnements terminés par des ouvrants, soient les portes. En particulier lorsqu’une porte ne comporte aucune fenêtre, la transition visuelle, lors du franchissement du seuil, peut alors générer un inconfort visuel lié à l’éblouissement. Ainsi, à la limite des zones A et B ainsi que B et C, des figures 2 et 3, il est possible de constater une variation importante dans la luminosité et le contraste suite à ces frontières spatiales. Cet effet est amplifié par le fait que l’espace de transition est très opaque et ne possède que peu de continuité visuelle avec l’extérieur. Ce phénomène serait moins apparent, et l’éclairage moins contrasté, si l’espace de transition comportait une plus grande continuité visuelle avec l’extérieur, c’est-à-dire plus de transparence dans l’espace de transition.

Documents relatifs