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Distributions d’énergie à différents désaccords laser

forte interaction

IV.2.4 Distributions d’énergie à différents désaccords laser

Nous analysons maintenant une série de spectres de la transition 60S → 57S, en-registrés dans un ensemble d’atomes dans l’état 60S créés avec une excitation laser à différents désaccords par rapport à la résonance de la transition 5S → 60S, enregistrés dans un piège magnétique de mêmes conditions que celui pour les spectres de la figure IV.12. Ils sont présentés dans la figure IV.13, pour des désaccords de 0, 1 et 2 MHz. La quantité d’atomes de Rydberg créés est d’environ 80, 60 et 40, respectivement, pour une impulsion laser de durée 2 µs et une fréquence de Rabi à deux photons égale à 400 kHz. Ces spectres montrent la distribution d’énergie du nuage atomique comme fonction du désaccord de l’excitation laser. Comme pour les autres spectres, l’axe des abscisses

est divisé par le facteur ζ60S,57S. Nous montrons les mêmes courbes expérimentales

dans les deux figures IV.13a et IV.13b, superposées respectivement aux résultats des simulations Monte Carlo et à un ajustement Lorentzien asymétrique. Le choix de la forme de raie à ajuster est phénoménologique. Cette forme semble bien décrire la raie, et nous permet de définir son centre et sa largeur. Le centre de chacune des raies est à (−0, 05 ± 0, 06) MHz, (1, 18 ± 0, 16) MHz et (4, 17 ± 0, 46) MHz, respectivement, et les largeurs à mi-hauteur sont de (1, 05±0, 33) MHz, (3, 4±0, 6) MHz et (7, 2±1, 7) MHz. Les courbes théoriques calculées par la simulation Monte Carlo semblent très bien représenter les spectres enregistrés. Le spectre micro-onde pour l’excitation à résonance a

été fait avec une fréquence de Rabi micro-onde de Ωµ = 83kHz et une durée d’impulsion

micro-onde de 6 µs. Cette durée élargit le spectre de 167 kHz, bien moins que la largeur mesurée de 1 MHz. La fréquence de Rabi pour les spectres à désaccord de 1 et 2 MHz est de 500 kHz, et la durée de l’impulsion micro-onde 1 µs. La largeur de 1 MHz due à cette durée est aussi petite par rapport à la largeur présentée. Nous discutons dans la suite les spectres pour différents désaccords séparément, puisque chaque cas présente des phénomènes physiques qualitativement différents.

IV.2.4.a Distribution spatiale des atomes de Rydberg excités à résonance

Nous pouvons estimer à partir des distributions d’énergie mesurées la distribution des positions des atomes de Rydberg créés par excitation laser. Faisons d’abord un calcul simple, qui consiste à déterminer quel serait l’énergie moyenne des atomes excités dans le nuage, si chaque atome dans le niveau fondamental avait la même probabilité d’excitation (ce qui se passerait en l’absence d’interactions). Nous supposons pour cela un arrangement spatial local des atomes de Rydberg après excitation qui minimise leur énergie d’interaction, l’empilement dans un réseau hexagonal compact [85] ; le pas du réseau hexagonal n’est pas contre pas constant à grande échelle, et il est tel que la distribution de densité d’atomes de Rydberg dans le nuage est proportionnelle à la densité d’atomes dans le niveau fondamental. Dans un réseau hexagonal compact, chaque atome a

- 6 - 4 - 2 0 2 4 6 8 1 0 1 2 1 4 1 6 0 , 2 0 0 , 2 5 0 , 3 0 0 , 3 5 0 , 4 0 Tr an sf er t + d éc al ag e δ / ζa b ( M H z ) 2 M H z 1 M H z 0 M H z (a) - 6 - 4 - 2 0 2 4 6 8 1 0 1 2 1 4 1 6 0 , 2 0 0 , 2 5 0 , 3 0 0 , 3 5 Tr an sf er t + d éc al ag e δ / ζa b ( M H z ) 2 M H z 1 M H z 0 M H z (b)

Figure IV.13 – Transition 60S → 57S à plusieurs désaccords de l’excitation laser. Les spectres expérimentaux sont indiqués par les points, avec leurs barres d’erreur qui indiquent la dispersion des mesures. (a) : Les courbes en trait plein sont calculées par la simulation Monte Carlo. (b) : Les courbes en trait plein sont des ajustements d’un profil Lorentzien asymétrique, qui calcule le centre et la largeur des spectres.

12 voisins à même distance, notée 2r [123], et le volume total divisé par atome vaut 42r3.

Nous nous plaçons dans les conditions des spectres montrés dans la figure IV.13 ; dans le cas de l’excitation à résonance, 80 atomes sont créés en moyenne. La densité d’atomes de Rydberg au centre du profil Gaussien déterminé par les dimensions du nuage froid est

alors de 6,9 × 109cm−3; l’inverse de la densité donne le volume par atome, et de cette

valeur nous déduisons la distance 2r entre atomes proches au centre, de 5,9 µm. Cette distance correspond à une énergie d’interaction entre proches voisins de 3,26 MHz. Elle est à multiplier par le facteur de coordination Z = 14, 4 [85] qui correspond à l’énergie totale d’interaction pour un seul atome avec tous les atomes d’un réseau infini, qui est majoritairement déterminée par les 12 proches voisins à cause de la grande variation de l’énergie d’interaction avec la distance (ce raisonnement néglige les effets de bord aux extrémités du nuage). Le résultat, 47 MHz, est largement supérieur à l’énergie mesurée par la spectroscopie micro-onde, ce qui montre que l’excitation laser à résonance dans les conditions du spectre micro-onde présente déjà une forte suppression d’excitations au centre du nuage en raison de l’interaction dipolaire.

Faisons maintenant le calcul symétrique, c’est-à-dire estimer le volume minimal nécessaire aux atomes pour qu’ils aient l’énergie d’interaction moyenne mesurée par le spectre à résonance. L’énergie moyenne mesurée par la courbe, calculé à partir de l’ajustement Lorentzien asymétrique, donne hEi = 0,96 MHz. A partir des considérations sur l’empilement optimal d’atomes de Rydberg, la distance moyenne entre atomes

calculée à partir de cette énergie vaut 2r = (14.4C6/ hEi)1/6 = 11,3µm, ce qui établit un

(∆x, ∆y, ∆z) = (28(4); 5, 2(8); 4, 8(6)) µm, le volume nécessaire à garder les 80 atomes excités correspond au volume de l’ellipsoïde de dimensions égales à 3 fois les dimensions

du piège, 3∆x, 3∆y, 3∆z); la région aux limites de cet ellipsoïde ont une densité atomique

égale à 1 % de la densité atomique au centre.

Cette analyse montre que l’excitation au centre du nuage est déjà fortement bloquée. Nous n’avons pourtant pas incorporé à la discussion l’excitation collective, qu’on pourrait imaginer prendre place dans un régime où les sphères de blocage dipolaire se distribuent de façon dense au centre du nuage. Le calcul de la distribution atomique par simulation Monte Carlo le néglige, par ailleurs, puisque les cohérences entre les états à un atome excité ne sont pas prises en compte. Nous estimons maintenant ces effets collectifs.

IV.2.4.b Estimation des effets d’excitation collective au centre du nuage

Dans un nuage qui fait un seul volume de blocage, la fréquence de Rabi collective pour

l’excitation d’un seul atome de Rydberg s’écrit ~N Ω[49]. Une première estimation simple

des effets d’excitation collective dans un nuage à grande extension est trouvé, en comparant les deux échelles d’énergie du problème, la fréquence de Rabi collective dans un volume de blocage et l’énergie d’interaction dipolaire entre les excitations des deux volumes de blocage différents, selon [120]

hC6

R6

b

=√

N ~Ω (IV.31)

la quantité d’atomes dans le volume de blocage de rayon Rb s’écrit N = 4π/3R3

bn, avec n

la densité spatiale d’atomes. Si nous remplaçons la formule pour N dans l’équation (IV.31), nous trouvons une valeur pour le rayon de blocage :

Rb = 2πC6

Ω 4πn

3

1/2 (IV.32)

Le nombre d’atomes s’écrit à partir du rayon de blocage selon

N = 2πC6 Ω 2/5 4πn 3 4/5 (IV.33) La quantité d’atomes présente dans un volume de blocage au centre du piège était

de N = 1000, calculé selon la formule (IV.32) ; il est de N = 26 à 3∆x du centre. La

fréquence de Rabi collective devient alors égale à 1000 Ω/(2π) = 12,9MHz au centre du

nuage. Dans la référence [120], du groupe de T. Pfau, l’échelle d’énergie prise en compte pour interpréter des courbes de saturation de la quantité d’excitations de Rydberg est la fréquence de Rabi collective ainsi estimée. Cette échelle d’énergie n’est pas visible sur le spectre de la figure IV.13 (on s’attendrait à la trouver dans l’élargissement du profil). Le premier effet du blocage dipolaire dans nos conditions expérimentales n’a pas été d’élargir

la transition par des effets d’excitation collective au centre, mais d’exciter directement des atomes dans les régions très lointaines du profil de densité du nuage d’atomes dans le niveau fondamental. En effet, une fraction notable des atomes de Rydberg a été créé dans les ailes du profil du nuage, phénomène notable qu’il faut prendre en compte pour analyser le blocage d’excitations dans des nuages à plusieurs volumes de blocage.

IV.2.4.c Excitation de Rydberg à désaccord positif

Une première remarque intéressante sur les spectres des ensembles excités à désaccord laser positif montrés dans la figure IV.13 (les courbes en noir et vert, pour les désaccords

δ = 1 et 2 MHz respectivement) est que très peu d’atomes sont trouvés à énergie

d’inter-action nulle. C’est-à-dire que, dans ce piège, l’excitation de paires d’atomes de Rydberg à énergie d’interaction 2δ, ou d’atomes de Rydberg à énergie d’interaction δ à côté d’atomes déjà excités, l’emporte sur l’excitation non-résonante d’atomes sans interaction. L’ajustement Lorentzien asymétrique au spectre qui correspond à l’excitation laser de

1MHz donne un centre à ∼1,2 MHz. Nous pouvons aussi calculer l’énergie moyenne de

ces atomes à partir de ce spectre. Elle est donnée par hEi = (3, 3 ± 0, 8) MHz. Cela peut donner une indication sur le nombre moyen de proches voisins que les atomes ont, qui serait de ∼ 3, 3 si nous considérons qu’ils sont excités à des distances telles que leur énergie d’interaction est égale au désaccord laser de 1 MHz (cela n’est pas nécessairement vrai par ailleurs, puisqu’un atome peut être créé par exemple à même distance de deux atomes de Rydberg, et son énergie d’interaction lors de sa création sera alors due à une interaction de 0,5 MHz avec chacun des atomes présents).

La largeur du spectre à désaccord laser de 1 MHz est plus importante que celle montrée par la courbe théorique. Cela est sans doute lié à une faille déjà évoquée de la simulation, à savoir qu’elle néglige les cohérences entre atomes du nuage. Il peut y avoir en effet des effets d’excitation cohérente, entre atomes spatialement proches qui sont tous en résonance avec la lumière laser désaccordée en raison de la présence d’un atome de Rydberg à proximité. Il faut noter ici une différence très importante entre l’excitation laser à résonance, et l’excitation laser désaccordée. Quand nous avons discuté le spectre micro-onde des atomes de Rydberg créés à résonance, nous avons découvert que l’excitation d’atomes explore très vite les ailes du nuage atomique. Il faut imaginer que, pendant que les atomes de Rydberg sont créés au centre, il y a encore une région très grande, encore que peu dense, où les atomes sont tous en résonance avec la lumière laser, tous à la fois. Dès que nous avons un désaccord du laser plus important que la largeur de la transition, par contre, les espaces où les atomes sont en résonance correspondent à la lisière d’une région centrée sur les atomes de Rydberg déjà créés, où ces atomes entrent en résonance à cause de l’énergie d’interaction. C’est une frontière qui s’avance à la mesure que la quantité d’atomes de Rydberg augmente, et par contre les ailes du nuage atomique présentent au début des atomes tous hors-résonance. Le processus d’excitation résonant est, dans ce cas, restreint à des petites régions. Nous pouvons nous attendre à ce que la cohérence entre atomes joue donc un rôle plus important.

Le spectre correspondant à l’excitation désaccordée de 2 MHz (en vert sur la figure IV.13) est centré à approximativement deux fois le désaccord laser. L’énergie moyenne calculée pour ce spectre vaut hEi = 6,1 MHz. Nous retrouvons à peu près le même rapport entre l’énergie moyenne et le désaccord laser que nous avions trouvé pour le désaccord à 1 MHz, ce qui indique sans doute que la distribution spatiale d’atomes suit la même évolution dans les deux cas, très différente de l’évolution pour l’excitation à résonance. La même divergence à grandes énergies est trouvée, par ailleurs, quand nous comparons le calcul Monte Carlo aux spectres expérimentaux. Il semble aussi dans ce cas prévoir des atomes en moyenne moins proches, ou avec moins de voisins.

Le calcul du volume minimal à occuper par les atomes 60S excités à partir de leur énergie moyenne et de la quantité totale d’atomes créée, qui a été fait dans le cas de l’excitation à résonance, peut être fait aussi pour l’excitation désaccordée de 2 MHz, en supposant l’empilement optimal (et en négligeant les effets de bord de l’ensemble, qui auront tendance à élargir le nuage par rapport à l’estimation de réseau infini). L’énergie moyenne d’interaction vaut dans ce cas hEi = 6,1 MHz, ce qui donne une distance entre atomes de 2r = 8,3 µm. Les 40 atomes excités par le laser désaccordé, empilés avec cette distance moyenne, occupent un espace qui correspond à un ellipsoïde de 1,7 fois les dimensions du piège. Cette plus grande concentration dans les régions de haute densité est aussi attendue de la discussion sur le processus d’excitation à grands désaccords, qui est favorisé lorsque des paires d’atomes sont disponibles à courte distance.

En conclusion de ce paragraphe, à partir de la spectroscopie micro-onde des ensembles de Rydberg en forte interaction nous avons pu extraire des informations quantitatives intéressantes sur la dynamique de l’excitation laser d’atomes de Rydberg dans un nuage dense, telles que la distribution d’énergie d’interaction de ces atomes et l’estimation de leur distribution spatiale. L’analyse de ces spectres a mis en évidence le fort blocage d’excitations au centre du nuage pour l’excitation résonante, et l’agrégation spatiale des atomes 60S créés avec l’excitation désaccordée. Nous avons discuté le rôle du mécanisme d’excitation collective, qui semble ne pas apparaître explicitement dans le spectre micro-onde des atomes excités à résonance.

Dans le paragraphe suivant, nous utiliserons cette même technique pour étudier le mouvement de l’ensemble d’atomes dans le niveau 60S, induit par leur interaction répulsive.

IV.3 Mouvement des atomes de Rydberg

Les spectres micro-onde nous ont permis d’accéder à la distribution d’énergie des en-sembles d’atomes de Rydberg créés à des différents désaccords laser. L’énergie moyenne de ces ensembles est dépendante de ce désaccord, en raison de l’excitation résonante d’atomes de Rydberg en interaction avec un désaccord laser positif. L’interaction entre ces atomes

0 1 0 2 0 3 0 4 0 5 0 5 1 0 1 5 2 0 T e m p s (µs ) 5 M H z 2 , 4 M H z 1 M H z