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3. Le devenir des vecteurs in vivo

3.3 Distribution spécifique vers des organes ou des tissus

3.3.1 Ciblage par couplage de molécules effectrices ou d’anticorps

La liaison de certaines molécules reconnues par des récepteurs de surface cellulaires, comme des sucres, des lectines et des protéines hormonales peut être utilisée pour cibler les vecteurs vers des types cellulaires. La reconnaissance spécifique, ou le ciblage actif, par les récepteurs membranaires aboutit à une internalisation des vecteurs à l’intérieur de ces cellules. Ainsi, les hépatocytes (cellules sanguines) qui possèdent les récepteurs membranaires spécifiques de résidus de galactose, les asialoglycoprotéines, ont été ciblés par des MION et des USPIO couplés avec un polysaccharide, l’arabinogalactane161,162. Par ailleurs, des protéines hormonales telles que la cholécystokinine et la sécrétine, qui favorisent la sécrétion des sucs digestifs et des hormones du pancréas, ont été greffées sur des MION afin de cibler

le parenchyme pancréatique163,164. Les cellules tumorales expriment, elles aussi, des récepteurs membranaires susceptibles d’être ciblées. Par exemple, l’acide folique est connu comme agent de ciblage spécifique pour 90% des tumeurs des ovaires165.

Les anticorps se présentent comme un choix idéal pour la vectorisation de systèmes particulaires vers des cellules cibles du fait de leur haute spécificité vis-à-vis des antigènes qui peuvent être des récepteurs membranaires. Leur couplage sur des particules superparamagnétiques a été développé pour détecter les zones inflammatoires. Dans ce but, des MION ont été couplés avec des anticorps monoclonaux, les immunoglobulines G (IgG)102. Injectés à des animaux sains, les MION-IgG se sont localisés dans le foie, la rate et la moelle osseuse. Par contre sur des animaux porteurs de lésions inflammatoires, les particules se sont concentrées, 1 h après l’injection, au niveau de ces lésions.

Suzuki et al.166 ont développé des agents de contraste immunospécifiques à base de magnétite et de POE, les Mab-magnétite. Des anticorps G-22 reconnus par des cellules de tumeurs du cerveau (gliomes) sont couplés aux particules magnétiques. 48 h après l’injection de ces particules, administrées par une dose de 100 µmol Fe/kg, 50% de l’intensité du signal en T2 diminue (hyposignal) au niveau des tumeurs.

Des SPIO couplés par des anticorps monoclonaux mab 610 ont été ciblées vers des cellules cancéreuses (HT-29, lignée du cancer du colon chez l’homme) sur des souris167. Seulement un à deux anticorps par particule ont suffi pour que le ciblage soit effectif. La biodistribution de ces agents de contraste en a été totalement bouleversée. En effet, un effondrement de 42% du signal a été constaté au niveau de la tumeur, alors qu’une baisse de seulement 3% a été mesurée au niveau du système hépatique.

Tiefenauer et al.168 ont développé des agents de contraste à base de nanoparticules de magnétite enrobées par un copolymère acide polyglutamique-lysine-tyrosine (PEKY) couplés par un anticorps (ABCEA) spécifique de l’antigène carcinoembryonique (CEA). Les tests in

vitro ont montré une adsorption non spécifique des antigènes C4 du facteur du complément.

Les tests in vivo sur des souris avec tumeurs ont montré une élimination complète et rapide du produit magnétite-PEKY-ABCEA vers les organes hépatiques. Cependant ces mêmes expériences, reproduites avec le produit magnétite-PEKY recouvert de PEG, ont permis d’augmenter sensiblement le ciblage vers la tumeur.

D’autres anticorps ont été couplés à des agents de contraste dans des contextes thérapeutiques différents. On peut citer en exemple, les anticorps OX35 anti-rat CD4 (spécifiques de l’arthrite) couplés sur des agents de contraste DM169, les mab (spécifiques des cellules cancéreuses de l’œsophage) couplés sur des nanoparticules FML

(magnétite-Le contexte biomédical et la stratégie de l’étude

lignosulfonate)170 et les 436G10 (spécifiques du mélanome) couplés sur des nanoparticules de magnétite171.

Les agents de contraste immunospécifiques ont également été développés pour le marquage spécifique de cellules circulantes.

3.3.2 Marquage de cellules circulantes par des agents de contraste

Une approche récente consiste à marquer par des agents de contraste (AMI227, MION), les globules blancs (leucocytes) et plus particulièrement certains macrophages, les monocytes et les lymphocytes, afin d’étudier la migration de ces cellules en lymphographie172-174. Ces cellules du système immunitaire ont la particularité de se concentrer autour des lésions ce qui en fait de bons candidats tant pour la vectorisation de marqueurs magnétiques, radioactifs ou fluorescents que pour la vectorisation de substances thérapeutiques. Ce mode de ciblage est effectif si des lésions sont présentes, car celles-ci stimulent le système immunitaire en augmentant l’activité macrophagique. Les premiers travaux réalisés par Chan et al.175 ont démontré la possibilité d’induire un contraste en IRM autour d’un abcès, après injection intraveineuse de cellules macrophagiques migratrices marquées par des oxydes de fer recouverts par des lipides (ferrosomes).

Des USPIO injectées par voie intraveineuse ont permis de révéler des lésions de deux types de néphropathies, affections caractérisées par des lésions diffuses d’un ou des deux reins, la glomérulonéphrite et l’hydronéphrite176. Dans le premier cas, une diminution de l’intensité du signal a été observée uniquement dans la zone inflammatoire, c’est-à-dire au niveau du cortex rénal. Dans le cas de la deuxième pathologie, la diminution du signal a été observée dans tous les compartiments du rein dont les lésions diffuses de l’espace interstitiel. Cette différence de ciblage est due au fait que, dans la glomérulonéphrite, l’activité macrophagique prédomine dans le cortex rénal tandis que, dans l’hydronéphrite, elle se situe au niveau de l’interstitium du rein. La microscopie électronique a ensuite permis d’attribuer la capture des nanoparticules par les cellules macrophagiques et les cellules glomérulaires (cellules endothéliales). Ces expériences montrent la grande spécificité du ciblage macrophagique autour de lésions issues de pathologies différentes dans un même organe.

Dernièrement des cellules autres que les globules blancs, comme les cellules neurales souches embryonnaires (cellules prélevées au stade de neurulation embryonnaire débutant à 18-19 jours chez la femme enceinte, sur la plaque neurale, ébauche du système nerveux, d’un

embryon) et des cellules cancéreuses de poumons, ont été marquées par des magnétodendrimères177. Lewin et Carleso178 ont réalisé des nanoparticules superparamagnétiques CLIO (CrossLinked superparamagnetic Iron Oxide) doublement marquées par des peptides (HIV-Tat) couplés à un fluorochrome (FITC) et un isotope radioactif (111In). Ces nanoparticules ont été internalisées dans des cellules hématopoïétiques (CD34+) et des cellules souches neurales progénitrices à raison de 10-30 pg d’oxyde de fer par cellule. La présence de ces marqueurs n’a affecté ni la différentiation, ni la viabilité de ces cellules. Une fois injectées sur une souris immunodéficiente, ces cellules se différencient dans la moelle osseuse. Après localisation par IRM, les cellules injectées ont été séparées des autres sur des colonnes magnétiques. Cette étude de faisabilité, qui démontre que ces cellules marquées gardent leur capacité de différentiation, peuvent être visualisées par IRM et peuvent être extraites des autres cellules, constitue une avancée dans l’utilisation des cellules souches embryonnaire en vue d’une utilisation thérapeutique, par exemple pour réparer certaines lésions du système nerveux central.