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Partie 3 Présentation des outils développés, test d’une partie des outils et analyse

3. Apprendre à lire en langue seconde

3.1. Distinctions entre FLE, FLS, FLsco et FLI

Le Français Langue Etrangère (FLE) est le français appris par des élèves

allophones, le plus souvent en contexte hétéroglotte. Le français est alors appris comme n’importe quelle autre langue vivante et n’a pas de statut particulier. La langue est seulement un objet d’apprentissage et n’a pas vocation à se substituer à la langue première des apprenants.

Le Français Langue Seconde (FLS), terme proposé par Cuq (1991) puis développé

par Vigner dans de nombreuses publications (dont Vigner, 1989 et Vigner, 2009), renvoie au départ aux anciennes colonies françaises dans lesquelles le français a gardé un statut particulier : ce statut peut être formel si le français est langue officielle (au Sénégal par exemple) ou informel (au Maroc par exemple où le français garde un statut privilégié même s’il n’est pas langue officielle). C’est la place de la langue française dans la société qui en fait une langue seconde. Cette situation n’est pas nouvelle et a existé également en France : au début du 20ème siècle, certains élèves se sont trouvés en situation d’apprentissage du FLS, lorsque Jules Ferry a rendu obligatoire d’usage du français à l’école et a interdit l’utilisation des dialectes et patois ; ils ont alors dû apprendre le français sans l’avoir utilisé auparavant (Coste, 2007).

Le Français Langue de Scolarisation, à la différence du FLE et du FLS, est à la

fois outil et objet d’apprentissage (Vigner, 1989). C’est une langue enseignée et aussi une langue d’enseignement. Cette fonction de scolarisation est assignée à la langue dans les contextes où elle a une position de langue officielle et/ou de langue seconde, et où les élèves

Elle a selon Verdhelan-Bourgade (2002 :29, 30) trois rôles : « elle est d’abord

matière d’enseignement : sa place est réservée dans les instructions officielles, les programmes et la matière est inscrite à l’emploi du temps » ; elle a également un rôle de

« médiation », elle doit permettre aux élèves de « mener à bien des apprentissages

fondamentaux et d’apprendre d’autres disciplines » ; elle a enfin un rôle « d’insertion »

défini comme suit par l’auteur : « Langue de tous les enseignements, langue permettant les

apprentissages scolaires, langue de la communication scolaire, elle conditionne l’insertion dans le système et la réussite scolaire à travers des évaluations en tous genres, depuis l’oral quotidien de la classe jusqu’à la certification ultime. » Dans le cas de nos apprenants,

l’échelle de temps sous-entendue dans cette citation est très courte puisqu’une première certification vitale pour leur avenir -le DELF- arrive après seulement quelques mois de scolarisation. Rafoni (2007 : 49) relève trois types de compétences inhérentes au FLSco :

- les compétences liées à des règles de communication nouvelles, qui entraînent des pratiques langagières spécifiques (interactions avec l’enseignant et entre pairs) ;

- les compétences liées à des formes de discours incluant une fonction cognitive (lexique des disciplines, concepts, abstractions) et une mise à distance du réel (quand on raconte, décrit, explique) ;

- les compétences liées à des pratiques méthodologiques (maîtrise des outils scolaires, gestion de l’emploi du temps et de l’espace de la classe).

La dénomination Français Langue d’Intégration (FLI), enfin, a été adoptée en 2011 dans le cadre de la politique de formation des adultes migrants en France. La Direction pour l’Accueil, l’Intégration et la Citoyenneté (DAIC) a mis en place un Contrat d’Accueil et Intégration (CAI) pour les adultes migrants arrivant en France, qui a pour objectif de les aider à obtenir un premier diplôme en langue française, le DILF (Diplôme d’Initiation à la Langue Française). Pour ce faire ils peuvent -après évaluation de leur niveau en français- bénéficier d’un enseignement de français d’un maximum de 400 heures. Cette formation linguistique a une visée d’intégration, et la didactique du FLI se distingue de celle du FLE et du FLS en affichant des objectifs spécifiques. Citons ici Cuq (1991) qui 20 ans auparavant écrivait : « L’apprentissage du français aux élèves migrants ne saurait faire partie du champ

du français langue seconde. Les élèves se distinguent trop nettement des autres groupes puisque la fin prévisible du processus est l’assimilation et le monolinguisme en français».

- l’intégration sociale permet aux migrants d’accéder à une autonomie socio-langagière.

Ils apprennent à produire des discours adaptés à la situation de communication pour obtenir les effets pragmatiques escomptés ;

- l’intégration économique permet aux migrants de garantir leur insertion professionnelle ou leur sécurisation dans l’emploi ;

- l’intégration citoyenne consiste à sensibiliser les migrants aux valeurs de la société d’accueil, en l’occurrence pour la France, aux principes de la République et du « vivre ensemble ».

Adami et André (op. cit.) pointent « l’insécurité langagière » dans laquelle sont ces adultes migrants qui ont choisi de vivre en France, même pour les actes les plus simples dans la société (prendre rendez-vous, lire un panneau, demander son chemin, comprendre une information écrite, …). L’objectif de l’enseignement du FLI est de réduire cette insécurité langagière et d’aider les apprenants à être de plus en plus autonomes dans la société. La langue est ici à la fois langue enseignée et langue d’intégration. L’enseignement se base sur la constitution d’un corpus de documents authentiques représentatifs d’un maximum de situations de communication pouvant engendrer cette insécurité. Le dispositif de FLI propose donc un référentiel pour les organismes de formation et les associations de bénévoles.

A travers ces différentes définitions, nous pouvons cibler plus précisément l’enseignement de français qui conviendra le mieux au public des mineurs isolés de la classe de MLDS-FLE. Venant d’arriver en France et ne maîtrisant pour certains aucun aspect du français, ils ont besoin au début de leur prise en charge de Français Langue Etrangère, pour apprendre les notions de base. De par leur scolarisation et leur objectif à court terme d’intégration en CAP, ils ont rapidement besoin de Français de Scolarisation, mais de par leur situation sociale ils ont un besoin tout aussi urgent de Français Langue d’Intégration, pour se débrouiller au quotidien, dans les transports, dans les stages en entreprise, dans les démarches administratives. La langue est pour eux une langue enseignée, langue d’enseignement et langue d’intégration. L’enseignement de français doit alors se situer à la croisée du FLE, du FLSco et du FLI. Plutôt que de distinguer ces différents aspects du français, Cherqui et Peutot (2015 :115) proposent une approche par un « continuum

sociolinguistique » entre FLE, FLS, FLSco et FLM : l’élève allophone arrivant en France

relève d’abord de l’enseignement du FLE, puis du FLS et du FLSco pour tendre vers le FLM. Suivant cette approche, l’enseignant de MLDS-FLE peut imaginer une progression

sociolinguistique et faire des choix didactiques qui emprunteraient au FLE, au FLSco et au FLI dans une démarche de continuum.

3.2. Spécificités de l’apprentissage de la lecture en français langue