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Distinction des effets des protons, neutrons et ions légers

1.3. Protonthérapie et hadronthérapie

1.3.3. Distinction des effets des protons, neutrons et ions légers

a) Aspects balistiques

Nous avons vu que les neutrons ne déposent pas leur énergie sous forme de pic de Bragg. La balistique de ces particules est proche de celle des rayons γ (voir Figure 1.18) rendant difficile le contrôle du dépôt de la dose dans le volume tumoral exclusivement. L’avantage du neutron apparaît dans ses effets biologiques comme cela sera développé

ultérieurement. Les indications de neutronthérapie ne sont cependant pas très nombreuses : tumeurs cérébrales radiorésistantes et tumeurs des glandes salivaires.

La Figure 1.21 illustre l’amélioration balistique des protons en comparaison des rayons X. On peut voir à gauche la distribution de dose dans le corps humain en utilisant quatre faisceaux de rayons X issus d’un accélérateur d’électrons de 10 MeV et à droite la distribution de dose à l’aide de deux faisceaux de protons. La plus forte concentration de la dose, en rouge, est parfaitement ciblée dans le volume tumoral pour les protons alors que les photons déposent une grande quantité de dose en dehors de celui-ci.

Figure 1.21 : Distribution de dose pour des faisceaux de rayons X (gauche) et de protons (droite). [32]

Dans le cas des ions légers en général et pour le carbone en particulier, le pic de Bragg à une profondeur donnée est plus étroit que pour les protons à la même profondeur (voir Figure 1.18). Enfin, la diffusion latérale du faisceau de carbone dans l’eau est plus réduite que celle des protons (voir Figure 1.22). Le faisceau de carbone reste donc extrêmement fin lors de la traversée des tissus superficiels avant d’atteindre la tumeur et épargne ainsi mieux les tissus sains que les protons. Par contre, la décroissance du dépôt de dose n’est pas immédiate et une dose résiduelle est observable à l’arrière du pic du carbone (voir Figure 1.18). Cette dose résiduelle est due à un phénomène de fragmentation lors des interactions nucléaires des ions avec la matière. Cet effet peut être un inconvénient du fait de la dose résiduelle mais il peut être vu comme un avantage car certains projectiles issus de la fragmentation sont des émetteurs de positrons permettant l’imagerie du volume-cible en temps réel et une amélioration de la précision balistique [52].

Figure 1.22 : Diffusion latérale des protons et des ions carbone en fonction du parcours.

b) Aspects biologiques

Les faisceaux de particules chargées sont caractérisés par leur transfert linéique d’énergie. Ce TLE est directement lié au nombre d’ionisations au voisinage de l’ADN. En effet, plus le TLE d’un faisceau de particules est grand, plus le nombre d’ionisations sera important et plus les dégâts cellulaires seront létaux. On distingue ainsi les particules à faible TLE, inférieur à 50 keV/µm (photons, électrons, protons) et celles à grand TLE, supérieur à 50 keV/µm (neutrons, ions légers). Les avantages des faisceaux de particules à fort TLE sont une réparation génomique plus difficile pour les cellules cancéreuses ainsi qu’une meilleure réponse aux irradiations des cellules cancéreuses hypoxiques par rapport aux faisceaux à faible TLE.

Il existe différentes grandeurs décrivant les réponses biologiques des cellules aux rayonnements ionisants. Tout d’abord l’effet oxygène (OER pour « Oxygen Enhancement Ratio » en anglais) est le rapport de la dose nécessaire pour obtenir un certain effet biologique en situation d’hypoxie sur la dose nécessaire pour obtenir le même effet en situation oxygénée. effet iso oxygénée hypoxie D D OER = (1.18)

Cet effet oxygène dépend du TLE et donc des particules (voir Figure 1.23). Typiquement, l’OER vaut entre 2 et 3 pour les particules à faible TLE. Cela signifie que pour des rayons X il faut trois fois plus de dose pour tuer une cellule hypoxique par rapport à une cellule oxygénée. Cette valeur d’OER se situe entre 1 et 2 pour les faisceaux à grand TLE. Ainsi, on peut diminuer la dose nécessaire pour éliminer des cellules cancéreuses hypoxiques par l’utilisation d’ions carbone par exemple et donc mieux épargner les tissus sains.

Figure 1.23 : Efficacité biologique relative (EBR) et effet oxygène (OER) pour différentes particules. [30]

Le second paramètre descriptif de la réponse biologique aux irradiations est l’efficacité biologique relative (EBR ou RBE pour « Relative Biological Effectiveness » en anglais). Il s’agit du rapport de la dose de rayons X nécessaire pour obtenir un effet biologique donné sur la dose du rayonnement étudié (protons, carbone ou autre) nécessaire pour obtenir le même effet. L’EBR dépend du transfert linéique d’énergie et donc des particules incidentes (voir Figures 1.23 et 1.24). effet iso i RX D D EBR = (1.19)

Les valeurs typiques d’EBR pour les particules de radiothérapie sont comprises entre 1 et 1.3 pour les protons et entre 1.5 et 3.5 pour les ions carbone.

Figure 1.24 : Efficacité biologique relative (RBE) en fonction du transfert linéique d’énergie (LET) pour

La Figure 1.24 illustre la relation entre l’efficacité biologique relative et le transfert linéique d’énergie. Nous voyons que le transfert énergétique des protons ne dépasse pas

m keV/

µ

10 de sorte que l’EBR reste inférieur à 1.3. Au contraire, les ions carbone ont un TLE plus fort les rendant plus efficaces radiobiologiquement puisque l’EBR peut atteindre 3.5 au maximum. Cette différence est également visible en Figure 1.23 qui compare différentes particules en fonction de leurs efficacités biologiques relatives et de leurs effets oxygène. Nous avons vu précédemment qu’un fort EBR est préférable pour pouvoir traiter les tumeurs radiorésistantes alors qu’un faible OER est recherché afin de diminuer la dose d’irradiation. Les ions légers comme le carbone, le néon ou l’argon sont donc de bons moyens de traiter les cancers radiorésistants tandis que les protons, malgré leur EBR plus faible restent très intéressants dans les traitements classiques actuellement opérés par les rayons X.

Les ions légers tels que les ions carbone sont donc particulièrement indiqués pour le traitement de tumeurs radiorésistantes. Ces pathologies ne sont cependant pas les plus nombreuses en radiothérapie. Les protons peuvent améliorer la radiothérapie conventionnelle puisqu’ils peuvent prendre en charge de nombreuses pathologies actuellement soignées par les rayons X et les électrons. Les avantages balistiques des protons sur les rayons X sont réels et peuvent à terme amener au remplacement des accélérateurs linéaires d’électrons par des accélérateurs à protons dès lors que les technologies et les coûts de traitement seront maîtrisés [54].