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DISTANCE ET FIDÉLITÉ : QUELQUES ÉPISODES

MARQUANTS

On l’a vu, Michel Crozier n’a plus écrit dans les colonnes de la revue après 1968 à l’exception d’un compte rendu favorable à Jean-Daniel Reynaud à l’occasion de la

publication de son livre Les Règles du jeu (2/1990). Après son départ de la revue en 1966 les interventions directes de Michel Crozier dans les affaires courantes sont plus symboliques qu’opérationnelles et surtout, quand il y en a, ne relèvent pas de son initiative personnelle mais de celle du comité de rédaction désireux de commémorer en présence des fondateurs deux anniversaires de la revue, les 30 et les 40 ans, ou encore lors d’une crise en 1991.

C’est à la demande du comité de rédaction que Michel Crozier accepte d’intervenir – avec les trois autres fondateurs – à la journée de débats organisée en novembre 1989 à l’occasion des 30 ans de la revue. L’occasion pour lui de faire le point, trente ans après, sur la genèse, le sens et la durée de ce qu’il nomme une aventure. Qu’a représenté pour lui la revue ? Quel est l’avenir du domaine couvert ?

Dans sa « Vue rétrospective à trente ans de distance »84 Michel Crozier revient sur ce qu’il nomme une « aventure », celle d’une « génération de pionniers ». Ce qui les rapproche, écrit-il, c’est la « soif de savoir empirique et la volonté de comprendre autrement un monde qu’ils croient radica-lement différent [de ce qu’il était avant la guerre] ». Cette volonté farouche de découvrir

« ce qui se passe réellement sur le terrain » s’accompagne d’exigences méthodolo-giques nouvelles et « fait de la méthode une priorité qui constitue leur armature intel-lectuelle ». D’où la référence essentielle à la sociologie américaine : « une référence de méthode et non pas une philosophie sociale ». Le « succès relatif mais succès tout de même » de la revue contribue, selon lui, au développement d’un âge d’or de la sociologie française, cette « sociologie

82 Il a livré un témoignage sur son parcours, dans la revue Sociologie du travail, dans un « dossier-débat » consacré à « l’engagement du sociologue » : J.-P. Worms, « Un sociologue engagé… De l’autre côté du miroir », Sociologie du travail, vol. 42, avril-juin 2000, p. 301-311.

83 Bricolage et innovation technologique, contribution à une approche systémique de la recherche industrielle, thèse de 3e cycle de sociologie, Institut d’études politiques de Paris, 1984.

84 Titre de sa communication à la journée anniversaire organisée par le comité de rédaction le 8 novembre 1989 : M. Crozier, « L’aventure de Sociologie du travail, une vue rétrospective à trente ans de distance », publiée dans un numéro spécial, Actes du Colloque de Sociologie du travail, juin 1991, p. 11-15.

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empirique, critique certes mais responsable » qui « semble offrir une réponse partielle mais indispensable aux interrogations des techno-crates ». Il décrit l’aventure de Sociologie du travail comme une « synthèse provi-soire d’orientations qui auraient dû autrement paraître contradictoires mais que les circons-tances rendaient compatibles » : « priorité à l’empirique et au concret du terrain mais en même temps vision « fondamentaliste » des problèmes sociétaux autour du travail comme acte social déterminant » ; « volonté d’aller au plus brûlant des problèmes de la politique d’une société » mais « refus du politique tel qu’il est vécu en France » ;

« radicalisme encore révolutionnaire mais refus implicite de la filiation intellectuelle marxiste dominante ». Ce mélange impro-bable réussit, estime-t-il, non pas grâce au

« ciment de l’idéologie du travail », présent certes et qui justifie le titre, mais grâce à la

« volonté de réalisme scientifique opposée instinctivement à la réflexion sociologique antérieure considérée (abusivement certes) comme philosophique, abstraite et détachée de la réalité ». Le jugement rétrospectif par lequel Crozier conclut ce texte tient en trois mots : échec intellectuel, celui du « type d’ambition naturellement irréaliste qui accompagne généralement toute entreprise de pionniers » ; réussite institutionnelle,

« celle des générations suivantes » ; fécondité heuristique « à retardement » : « dirigeants d’entreprises et d’institutions publiques emploient, sans généralement le savoir, des concepts et des mécanismes de raisonnement tirés des travaux » des sociologues. Et Michel Crozier de fournir quelques exemples de la postérité intellectuelle de ces recherches :

« On ne parle plus de groupes ou de catégories mais d’acteurs. La pensée système influencée par le raisonnement sociologique a fait son chemin. Les relations professionnelles ne sont

plus vécues seulement comme des conflits d’intérêt ou d’idéologie. La réflexion straté-gique permet à la fois d’étendre et de dépasser les oppositions simplistes de pouvoir ».

Quant à l’avenir du domaine couvert par la revue, Michel Crozier se montre plutôt optimiste : il tient à souligner l’actualité nouvelle du domaine du travail qui, grâce à ces « nouveaux paradigmes », alimentera une demande de recherche accrue en sociologie.

« Jamais encore ne s’était développé, selon lui, un tel marché porteur pour la connaissance empirique et la formation au raisonnement sociologique ». La page est désormais bien tournée et loin de « l’ouvriérisme et [du]

millénarisme social qui animaient les socio-logues des années 50 et 60 […]c’est autour du travail que cette demande et ce marché s’expriment, même si et surtout si le travail devient tout à fait différent […].  Au moment où nous passons à une phase de société

« postindustrielle »85 […] la réflexion sur la réalité concrète de la coopération et des conflits qui constituent l’univers du travail devient essentielle ».

Par ces propos Michel Crozier donne une représentation assez réductrice de ce que fut la sociologie du travail des années d’après-guerre86 à laquelle il a amplement contribué. Ses recherches sur les attitudes au travail engagées avant son voyage à Stanford convergeaient pourtant, dans leur questionnement et leur méthodologie, avec celles qui étaient entreprises par les autres chercheurs de l’ISST et dont la valorisation a été à l’origine de la création de la revue.

Cette réécriture de l’histoire est sans doute à mettre en rapport avec les engagements de M. Crozier à l’époque. Au milieu des années 1980 il se rapproche du milieu des patrons libéraux et notamment du think tank qu’est l’Institut de l’entreprise87 et se laisse séduire

85 Clin d’œil sans doute au titre de l’intitulé de l’ouvrage de son coéquipier A. Touraine, La société post-industrielle.

Naissance d’une société, Paris, Denoël, 1969.

86 M. Crozier, « La sociologie du travail dans le discours sociologique : les paradoxes de la marginalisation et de l’éclatement », art. cit., p. 57-60.

87 Voir son témoignage dans le deuxième tome de ses mémoires, À contre-courant. Mémoires, 1969-2000, Paris, Fayard, 2004, chapitre X.

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par le monde des consultants. Il est sur le point de faire paraître un ouvrage à desti-nation de ce public, L’entreprise à l’écoute.

Apprendre le management post-industriel, publié par InterEditions en 1990.

La seconde occasion pour Michel Crozier de manifester son soutien à la revue se situe en 1991 lors d’un événement critique auquel la revue aurait bien pu succomber. En 1991 la secrétaire de rédaction employée à mi-temps et mise à disposition de Sociologie du travail depuis huit ans par le CNRS tombe malade.

L’existence même de la revue est menacée car le CNRS n’est pas disposé à la remplacer. Le comité de rédaction appelle au secours et les responsables de laboratoire et personnalités académiques sont sollicités avec succès pour faire pression auprès du CNRS88. Chacun des trois fondateurs intervient à sa manière pour proposer des solutions à même de soutenir et défendre l’avenir de la publication. Selon Jean-Daniel Reynaud, il y a lieu d’envisager un complément de financement propre grâce à des subventions versées à l’asso-ciation qui détient le titre, ceci pour garantir l’indépendance de la revue. Alain Touraine et Michel Crozier prônent quant à eux le rétablissement de la subvention publique, en mobilisant deux registres d’arguments très différents. Michel Crozier met en avant les liens des sciences sociales avec les entre-prises, tandis qu’Alain Touraine met au cœur de son argument l’importance politique des problèmes du travail. Les courriers adressés par Michel Crozier et Alain Touraine au directeur du département SHS du CNRS sont ainsi l’occasion de défendre des conceptions très différentes de la discipline.

Michel Crozier (au directeur du dépar-tement SHS du CNRS)

« Je tiens […] à vous exprimer de la façon la plus nette l’émotion et l’inquiétude que

je ressens à l’idée que Sociologie du travail puisse disparaître.

Cette revue présente en effet plusieurs caractéristiques qui en font un instrument de développement et de renouvellement pour un domaine clé des sciences sociales à un moment où la contribution du sociologue commence à être prise au sérieux enfin par les entreprises.

1. Elle est le fruit d’une initiative de chercheurs qui ont poursuivi leur tâche de vulgarisation des résultats de la recherche et de discussion avec les entreprises avec persévérance pendant 30 ans et dispose de ce fait d’un crédit durable auprès d’un milieu professionnel assez large.

2. Sa crédibilité est accrue par le fait qu’elle a toujours été un organe indépendant aussi bien des institutions officielles que des chapelles particulières de chercheurs.

3. Elle a pu connaître comme toute insti-tution des périodes moins dynamiques mais elle s’est renouvelée grâce à l’entrée successive de deux générations de jeunes chercheurs. Elle se trouve actuellement dans une situation de redémarrage très favorable. Le succès du colloque qu’elle a organisé pour son trentième anniversaire en a été le témoignage.

4. Elle représente un capital important dans la communauté scientifique internationale grâce à l’audience dont elle jouit du fait de sa qualité intellectuelle ; grâce aussi à une continuité dont la recherche française ne donne pas toujours l’exemple.

Je comprends, Monsieur le Directeur, le souci qui doit être le vôtre d’instituer des règles de subvention plus strictes. Sociologie du travail coûte peu d’argent mais pourrait néanmoins survivre théoriquement sans subvention. Mais dans l’état actuel des

88 Répondront à cet appel le professeur italien Luciano Gallino, président de l’Association Internationale de Sociologie, le profeseur allemand Leo Kibler, Duncan Gallie (Nuffield College), Nicolas Herpin, Michael Pollak (GSPM), Michel Arliaud (LEST), Jean-Claude Passeron (Cercom), Philippe Bernoux (Glisy), Nicole Gadrey (LASTREE), Pierre Bourdieu (CSE), Bruno Latour (CSI), François Eymard-Duvernay (CEE) et le directeur de la revue canadienne Sociologie et sociétés Louis Maheu.

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choses, la suppression des moyens dont elle disposait de façon régulière la forcerait à cesser ses activités. Un tel résultat me semblerait désastreux dans la conjoncture actuelle. Au moment où, grâce à l’ANVIE89, un effort considérable est tenté pour développer les liens avec les entreprises, ce serait une erreur en tout cas de se priver d’un support comme Sociologie du travail.

Ne serait-il pas possible d’envisager un soutien temporaire, une mesure stop-gap permettant de préparer une organisation tout à fait viable ?

Michel Crozier »90

Alain Touraine (au directeur du dépar-tement Sciences Humaines et Sociales du CNRS)

« Ce n’est pas en tant qu’un des quatre fondateurs de cette revue que j’interviens auprès de vous mais en tant que sociologue qui sait tout ce qu’il doit à cette revue. Mais je sais que sur ce point votre opinion personnelle n’est certainement pas différente de la mienne.

Ne serait-il pas sage d’assurer d’abord la survie de cette revue et ensuite d’examiner comment sa formule peut être améliorée ?

Permettez-moi une observation plus générale. Au cours des deux dernières décennies les problèmes du travail semblent être devenus plus marginaux pour l’opinion publique et les milieux intellectuels. Il ne faut à aucun prix céder à cette tentation qui est associée aux aspects les plus dangereux de notre société dans laquelle les problèmes du marché et en particulier des marchés finan-ciers semblent oblitérer de plus en plus la

perception des problèmes de la production.

Aujourd’hui, laisser disparaître Sociologie du travail reviendrait à contribuer de manière notable à cette irresponsabilité croissante de la société française dans laquelle on entend parfois dire avec une extrême légèreté que les problèmes du travail relèvent du passé.

La France a le plus grand besoin de s’indus-trialiser, de développer et d’utiliser mieux les nouvelles technologies, d’opérer des transferts accélérés de main-d’œuvre, de réduire le chômage de jeunes, d’intégrer les immigrés. Sur tous ces problèmes essentiels la sociologie du travail a beaucoup à dire et notre préoccupation à tous doit être d’aug-menter le volume et la qualité des recherches menées dans ce domaine. Il serait vraiment paradoxal de laisser disparaître la revue qui est le lieu central de communication entre tous les chercheurs intéressés aux problèmes.

Croyez, je vous prie, Monsieur le Directeur, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs 

Alain Touraine »

C’est encore à l’occasion d’un anniver-saire, le troisième, en 2000, que le comité de rédaction fera appel une fois de plus au parrainage des fondateurs en invitant ces derniers à intervenir au colloque organisé pour les 40 ans de la revue, comme en témoigne la photo ci-après91.

89 L’Association Nationale pour la Valorisation Interdisciplinaire de la recherche en sciences de l’homme et de la société auprès des Entreprises a été créée en 1991, à l’initiative du ministère de la Recherche, avec pour finalité de renforcer les relations entre les sciences sociales et les entreprises. Michel Crozier était membre de son conseil d’administration, aux côtés notamment de Marc Augé, président de l’EHESS, Renaud Sainsaulieu, directeur du Laboratoire de Sociologie du Changement des Institutions …et d’Alain d’Iribarne, directeur du département des SHS au CNRS à qui il s’adresse dans ce courrier. Parmi les entreprises représentées au sein de ce CA figuraient Carrefour, Elf Aquitaine, UAP et BSN. Pour un développement sur ce thème nous renvoyons à P. Fridenson (dir.), Le recours aux sciences sociales, Entreprises et Histoire, n° 7, décembre 1994.

90 Courrier adressé à Alain d’Iribarne par Michel Crozier, 19 septembre 1991.

91 Elle est bien floue, mais a le mérite de montrer, en 2010, le parrainage continué des fondateurs.

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Figure 3, de gauche à droite : Jean-René Tréanton, Jean-Daniel Reynaud, Christine Musselin (alors présidente de l’Association pour le développement

de la revue Sociologie du travail), Alain Touraine et Michel Crozier.

Mais cette fois on ne trouvera pas trace de leurs interventions dans l’ouvrage92 issu de ce colloque et signé fictivement du nom d’Amélie Pouchet93. Oubli ? Choix délibéré ? Conseil d’éditeur ? Changement de génération ? Une page semble désormais bel et bien tournée.

5. ÉPILOGUE

Si l’on peut identifier très nettement la

« marque » de la pensée croziérienne dans les années qui ont suivi son départ de la revue, il est plus difficile de le faire au fur et à mesure que l’on avance dans le temps.

L’histoire des orientations éditoriales de la revue fait apparaître des inflexions sensibles.

On pourrait repérer plusieurs temps : les débuts ou le moment pré-1968 qui intègre la période des fondateurs et les deux années qui ont suivi ; l’éclipse : la période post-68, qui a duré plus d’une vingtaine d’années, marquée par un net retrait de la figure tutélaire de Michel Crozier et du Centre de sociologie des organisations. Au cours des années 1990

et suivantes, les recherches sur l’entreprise se développent au CSO. La popularité de la sociologie des organisations dans le monde de l’entreprise, notamment grâce au travail de réseau et de vulgarisation entrepris par Michel Crozier et Erhard Friedberg94, a sans doute facilité l’ouverture de terrains.

Sociologie du travail se fait l’écho de ces recherches.Ceci correspond aussi à une période d’ouverture et de normalisation académique qui se traduit à la fois par un renforcement du poids de l’institution CSO au sein de la revue et par un effacement relatif de la pensée croziérienne dans ses colonnes. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution : le renouvellement du comité de rédaction et sa préoccupation de maintenir une « ouverture » plus tangible.

L’inflexion par rapport à ce que l’on pourrait nommer, sans doute trop schématiquement,

« la période tour Jussieu » s’affirme d’ail-leurs dans un avis au lecteur publié dans le numéro 1/1998 où le comité de rédaction insiste sur :

© photo Anni Borzeix

92 Publié en 2001 par les Éditions Elsevier qui éditent la revue depuis 1999 : A. Pouchet (dir.), Sociologies du travail : quarante ans après, op. cit.

93 Du nom de la rue Amélie où se tiennent les réunions du comité (au CSO), suivie de la rue Pouchet où le CNRS héberge plusieurs unités de recherche (aujourd’hui l’UPS Pouchet).

94 Notamment par la formation continue en entreprise.

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«  Le souci de faire de la revue un outil mieux en prise sur les débats et les pratiques de la communauté scientifique et d’accorder une place nouvelle à des écritures plus ouvertes, parfois descrip-tives, au plus près des transformations de la société ; pour le reste Sociologie du travail conserve son positionnement de revue de sciences sociales, ouverte aux problèmes contemporains, avec une prédominance pour ce qui touche au travail, et aux systèmes productifs. La revenue demeure aussi un lieu accordant plus d’importance aux résultats de recherche qu’à l’appartenance à une école ou une discipline ».

Ce redéploiement se confirmera par l’augmentation progressive du nombre des membres du comité de rédaction, leur diversification et le changement d’éditeur en 1999 qui participe à l’alignement de la revue sur les standards internationaux.

Parallèlement la présence du CSO-Sciences Po95 dans le comité de rédaction est plus nette depuis l’arrivée de Christine Musselin en 1991 et celle de Didier Demazière, venu du laboratoire Printemps (Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines), membre du CSO depuis 2010 et par ailleurs élève de Jean-René Tréanton, le quatrième fondateur96. Tous deux ont été présidents de l’association pour le développement de la revue97.

Autre signe de cet « ancrage », géogra-phique cette fois : les lieux de réunion du

comité de rédaction, liés le plus souvent à l’adresse du secrétariat de la revue, ont souvent changé, passant du nomadisme (jusqu’en 1973 : rue Monsieur le Prince, boulevard Raspail) à vingt ans de stabilité au Groupe de sociologie du travail (Tour Centrale de Jussieu, de 1973 à 1992), puis, après une nouvelle période d’instabilité (1993-1995), ces réunions se tiennent depuis 1995 jusqu’à aujourd’hui au CSO, 18 rue Amélie dans le septième arrondissement de Paris. Désormais la convergence des champs thématiques du CSO et ceux, élargis, couverts par la revue contribue à faire de celle-ci une destination naturelle pour les jeunes chercheurs de ce laboratoire98. Ceci dit, la publication régulière, dans les colonnes de la revue, d’une nouvelle génération de chercheurs n’est pas pour autant le signe d’une transmission de la pensée crozié-rienne. Le CSO des années 2010 n’est plus celui des années 1960 : un bon nombre de ses chercheurs ont suivi par exemple la mouvance de la sociologie économique, et l’application du raisonnement croziérien à travers l’analyse stratégique n’est plus incontournable même si elle demeure présente. Depuis le début des années 2000, une nouvelle génération de chercheurs ayant fait leur thèse dans d’autres laboratoires que le CSO sont même assez peu familiarisés avec ce cadre de pensée. On peut donc dire que l’héritage croziérien au sein du CSO…

et donc de la revue est plus diffus, aussi parce que les analyses organisationnelles se sont enrichies d’autres courants. Dans

95 Le CSO n’est plus un laboratoire propre puisqu’il est devenu une UMR avec Sciences Po en 2001. Notons que le poids de Sciences Po dans les revues en sciences sociales n’a cessé de grandir avec le rattachement récent de deux revues de sociologie (Sociétés contemporaines, la Revue française de sociologie) aux Presses de Sciences Po (qui gèrent également la Revue française de science politique).

95 Le CSO n’est plus un laboratoire propre puisqu’il est devenu une UMR avec Sciences Po en 2001. Notons que le poids de Sciences Po dans les revues en sciences sociales n’a cessé de grandir avec le rattachement récent de deux revues de sociologie (Sociétés contemporaines, la Revue française de sociologie) aux Presses de Sciences Po (qui gèrent également la Revue française de science politique).

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