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Chapitre II. Etat de l’art et description des méthodes

II. Approche macroscopique de la dissolution

II.1. Formalisme utilisé

II.2.1. Dissolution du dioxyde d’uranium

La dissolution du dioxyde d’uranium a été étudiée dans des conditions très variables [15– 26]. En effet, après son passage en réacteur, le combustible nucléaire usé UOX contient encore 95% en masse d’uranium. La cinétique de dissolution du combustible est donc largement gouvernée par la dissolution de UO2, ce qui en fait un système modèle simplifié du combustible

usé.

II.2.1.1. Mécanisme de dissolution en milieu nitrique

Dans le cadre du retraitement du combustible usé, l’acide retenu pour entreprendre sa dissolution est l’acide nitrique notamment en raison de ses propriétés oxydantes vis-à-vis de l’uranium (IV) (Figure 16). UO2 est souvent reporté comme un composé réfractaire à la

dissolution en conditions neutres ou réductrices. En effet l’uranium (IV) est une espèce très peu soluble, contrairement à l’uranium (VI). Le principe du retraitement du combustible usé vise donc à oxyder l’uranium (IV) en uranium (VI) afin de le solubiliser et in fine de permettre son

mettre en évidence par RMN de l’oxygène 17 qu’il n’y avait pas de rupture de liaison U=O lors de cette étape d’oxydation ce qui indique que la réaction a lieu à l’interface solide/solution. Ikeda et. al ont reporté l’équation bilan suivante (13) pour décrire ce phénomène. Les auteurs indiquent que cette étape pouvait être considérée comme lente.

𝑈𝑂 (𝑠) + 2𝐻𝑁𝑂 (𝑎𝑞) + 2𝐻 → 𝑈𝑂 (𝑎𝑞) + 2𝑁𝑂 (𝑎𝑞) + 2𝐻 𝑂 (13)

L’équation (13) de dissolution de UO2 par HNO3 proposée par Ikeda et al. [17] peut

également être exprimée selon l’équation (14).

𝑈𝑂 (𝑠) + 𝐻𝑁𝑂 (𝑎𝑞) + 2𝐻 → 𝑈𝑂 (𝑎𝑞) + 𝐻𝑁𝑂 (𝑎𝑞) + 𝐻 𝑂 (14)

2𝑁𝑂 (𝑎𝑞) + 𝐻 𝑂 ↔ 𝐻𝑁𝑂 (𝑎𝑞) + 𝐻𝑁𝑂 (𝑎𝑞) (15)

En effet, la production de NO2 dissous en milieu acide conduit à la formation d’acide

nitreux HNO2 selon l’équation (15). D’après les valeurs des potentiels des couples redox, cette

espèce est oxydante vis-à-vis de l’uranium (IV) (Figure 16). HNO2 peut donc oxyder UO2 selon

l’équation (16) :

𝑈𝑂 (𝑠) + 2𝐻𝑁𝑂 (𝑎𝑞) + 2𝐻 → 𝑈𝑂 (𝑎𝑞) + 2𝑁𝑂(𝑎𝑞) + 2𝐻 𝑂 (16)

2𝑁𝑂(𝑎𝑞) + 𝐻𝑁𝑂 (𝑎𝑞) + 𝐻 𝑂 ↔ 3𝐻𝑁𝑂 (𝑎𝑞) (17)

L’acide nitreux est donc initialement produit lors de l’oxydation de UO2 par HNO3.

Cette espèce oxyde donc UO2 à son tour et peut être formée de nouveau à partir des réactions

(16) et (17) [27]. Pour cette raison, cette succession de réactions constitue un mécanisme qualifié d’auto-catalytique. Le mécanisme réactionnel proposé entre UO2 et HNO2 par

Fukasawa et al. [16], met en évidence l’existence d’un rapport équimolaire entre UO22+ et

HNO2.

Taylor et al. [22] puis Shabbir et Robins [20] ont observé que l’augmentation de la vitesse d’agitation lors de la dissolution de UO2 dans HNO3 conduisait à une diminution de la vitesse

de dissolution. Ces observations ont conduit ces différents auteurs à affirmer qu’une réaction autocatalytique pilotait la cinétique de dissolution. Dans le cas d’une réaction chimique classique, l’agitation permet de maintenir la concentration en espèces réactives à l’interface sans risque d’épuisement, ce qui devrait favoriser la réaction. Le fait que l’agitation ralentisse

la dissolution suggère l’accumulation d’une espèce à l’interface, espèce produite lors de la réaction initiale qui accélère la réaction chimique de dissolution. De la même façon, la mise en place d’un bullage ou de l’ébullition du milieu réactionnel ont conduit à une diminution de la vitesse de dissolution.

Récemment, Cordara et al. [11] ont étudié la cinétique de dissolution de UO2 en milieu

nitrique. L’observation de l’évolution des pertes de masses dans des conditions variables (en termes de température et d’acidité) a permis de mettre en évidence un comportement systématique des pastilles frittées de UO2 lors de leur dissolution en milieu nitrique. Ainsi, les

auteurs ont montré l’existence d’un pulse initial, attribué à la mise en solution rapide d’une partie de l’uranium probablement oxydé à l’issue du traitement thermique et présent à la surface des échantillons. Ce pulse correspond à une perte de masse relative voisine de 0,05%. Au-delà (et jusqu’à 0,5%), un régime d’évolution linéaire de la perte de masse est observé. Dans ce régime, la dissolution des composés est pilotée par la réaction (14). Pour une durée plus importante, l’évolution des pertes de masses n’est plus linéaire en raison, d’une part, d’une modification importante de la surface réactive et d’autre part, de l’établissement d’une réaction catalysée par les espèces azotées produites lors de la dissolution.

L’existence de ce régime permanent en début de dissolution tend à confirmer le mécanisme proposé (Equations (13)-(17)). Dans ce cas de figure, la réaction initiale entre UO2

et HNO3 produirait le catalyseur qui s’accumulerait au sein de la solution jusqu’à provoquer

une forte accélération de la dissolution. Si cette hypothèse a pu être longtemps considérée comme ambiguë, il est désormais communément admis que la dissolution de UO2 en milieu

nitrique est catalysée par une espèce produite lors de l’oxydation de l’uranium (IV) par HNO3.

Il est en revanche plus délicat d’affirmer qu’elle est uniquement associée à la seule contribution de HNO2, du fait de la complexité des équilibres mis en jeu en milieu nitrique.

Au cours de leurs travaux sur ce sujet, Taylor et al. [22] ont mis en évidence que l’ajout d’ions nitrite au sein du milieu réactionnel conduisait à une augmentation de la vitesse de dissolution alors que celui d’agent antinitreux avait un effet contraire. Des observations similaires ont été reportées par la suite par de nombreux auteurs [18–20,26,28], ce qui tend à confirmer le rôle prépondérant de HNO2, bien qu’il puisse s’agir d’un simple intermédiaire

II.2.1.2. Lois de vitesses et paramètres cinétiques

Les travaux de F. Charlier [29], qui s’appuient entre autres sur ceux de Marc [30] et Ikeda [18] ont permis d’établir une loi de vitesse pour décrire la réaction de dissolution de UO2 en

milieu nitrique. Charlier considère que la vitesse globale de la réaction de dissolution est égale à la somme des vitesses des réactions catalysée et non catalysée (16) et (13). L’équation (13) correspond au mécanisme non catalysé, La vitesse associée à ce mécanisme est notée rnc . Elle

dépend des concentrations du proton et de HNO3 ou NO3- qui représente la quantité totale de

nitrates dans le milieu réactionnel, dissociés du proton ou non. Lorsque la quantité de catalyseur est suffisante au sein du milieu réactionnel, le régime devient catalysé, la vitesse correspondante, notée rc, dépend de la concentration du proton, de HNO3 (ou NO3-) et du

catalyseur nommé cat. La vitesse globale, notée r, peut alors s’écrire :

𝑟 = 𝑟 + 𝑟 = 𝑘 [𝐻 ] [𝐻𝑁𝑂 ] + 𝑘 [𝐻 ] [𝐻𝑁𝑂 ] [𝑐𝑎𝑡] (18)

L’étude cinétique de la dissolution de UO2 en milieu nitrique a été effectuée par plusieurs

auteurs dans des conditions variables. Certains ont été en mesure de déterminer les paramètres associés à cette loi de vitesse. Les résultats ainsi que les conditions dans lesquelles ils ont été obtenus sont reportés dans le Tableau 9, adapté de la thèse de F. Charlier [29].

Tableau 9. Paramètres cinétiques des lois de vitesses de dissolution de UO2 en milieu nitrique pour différents paramètres expérimentaux. Valeurs

des ordres partiels par rapport à [HNO3] ou [NO3-], m, et par rapport à [HNO2], p.

Auteur(s) Loi de vitesse considérée Agitation [HNO3] (mol.L-1) Température (°C) Ordre partiel

m Ordre partiel p Taylor et al [22] 𝑟 = 𝑘[𝐻𝑁𝑂 ] Non 2-10 10-14 20 – 95 2,3 – 3,3 1 -

Uriarte & Rayney [31] 𝑟 = 𝑘[𝐻𝑁𝑂 ]

𝑟 = 𝑘[𝑁𝑂 ] Non 2 – 15,6 Ebullition

2,06

2 -

Leudet & Mugnier[32] 𝑟 = 𝑘[𝑁𝑂 ] Non 3 – 9 50 – Ebullition 1,9 - Ikeda et al [18] 𝑟 = (𝑘 + 𝑘 [𝐻𝑁𝑂 ] )[𝑁𝑂 ] Oui 4 – 8 70 – 90 2,3 ± 0,3 1 Zhao et al [24] 𝑟 = 𝑘[𝐻𝑁𝑂 ] Oui 4 – 8 90 – 110 (micro-ondes) 1,58 ± 0,05 - P.Marc [33] 𝑟 = 𝑘 [𝐻𝑁𝑂 ] + 𝑘 [𝐻𝑁𝑂 ] [𝑐𝑎𝑡] Non 5 – 8 30 – 70 3,10 – 4,45 1 Claparède et al [12] 𝑟 = 𝑘[𝐻 𝑂 ] Oui 2 40 – 90 1,35 ± 0,14 -

F. Charlier [29] 𝑟 = 𝑘 [𝐻𝑁𝑂 ] + 𝑘 [𝐻𝑁𝑂 ] [𝑐𝑎𝑡] Non 3 – 5,3 30 – 70 m1 = 3,5

Une forte dispersion des résultats obtenus est relevée concernant l’ordre partiel m par rapport à la concentration de l’acide nitrique. En effet, ce dernier est compris entre 1 et 4,45 pour des conditions expérimentales et méthodes de détermination des vitesses variable d’une étude à l’autre. De plus, très peu d’études ont porté sur la détermination de l’ordre partiel par rapport à l’activité du catalyseur qui semble être HNO2. Ainsi, il apparait difficile d’imaginer

l’absence de HNO2 dans certaines conditions reportées pour certaines de ces études, alors que

cette espèce n’intervient pas dans l’expression proposée pour décrire la loi de vitesse. L’équation (18) semble être l’expression la plus adaptée pour rendre compte du mécanisme de dissolution de UO2 en milieu nitrique puisqu’elle intègre la contribution d’espèces

autocatalytiques potentielles. Une partie des expérimentations développées dans le cadre de ce travail sera dédiée à la détermination de ces paramètres cinétiques sur les matériaux étudiés.