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ARTICLE 73

RELATION AVEC LA CONVENTION DE VIENNE SUR LE DROIT

DES TRAITÉS

«Pour ce qui est des Etats parties à la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, leurs relations dans le cadre d'un traité conclu entre deux Etats ou plus et une ou plusieurs organisations seront régies par ladite Convention.»

Bibliographie: G. GAJA, <<A 'New' Vienna Convention on Treaties between States and International Organizations or botween International Organizations: A Cri-tical Commentary>>, B. Y.B.I.L., 1987, pp. 253-269; E.W. VIERDAG, <<Sorne Remarks on the Relationship between the 1969 and the 1986 Vienna Conven-tions on the Law of Treaties>>, 25 A. V.R., 1987, pp. 82-91.

SoMMAIRE

l. - CARACTÉRISTIQUES GÉNB;I\AloES l. - O~jet et but

2. - Histoire législative

II. - SIGNIFICATION ET PORTftE

l. Le principe : primauté de la Convention de 1969 2. - La portée pratique du principe

a) Dispositions de caractère institutionnel ou pmcédural b) Le règlement des différends

c) Autres articles où les relations conventionnelles entre Etats font l'objet de règles distirwtes

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d) La, priorité accordée au droit des Nations Unies

III. - CONCLUSION

*

* *

I. - CARACTERISTIQUES GENERALES

l. - Objet et but

1. L'article 73 vise la situation dans laquelle deux Etats sont liés par les deux Conventions de Vienne de 1969 et 1986. Dans ce cas, leurs relations conventionnelles dans le cadre d'un traité multilaté-ral assujetti à la Convention de Vienne de 1986 en raison du fait qu'une ou plusieurs organisations internationales y sont parties, ne sont pas gouvernées par celle-ci, mais bien par la Convention de Vienne de 1969. A titre d'exemple, la Convention de 1982 sur le droit de la mer entre dans le champ d'application de la Convention de 1986 dès le moment où une organisation internationale y est par-tie. Pourtant, en vertu de l'article 73 de la Convention de 1986, le régime de droit des traités applicable aux relations entre deux Etats qui seraient parties à la fois à la Convention de Montego Bay et aux deux Conventions de Vienne est celui de la Convention de 1969.

2. Cette règle de primauté est claire. Elle est destinée à assurer dans les relations entre deux Etats parties à une 'convention multi-latérale la continuité de l'application de la Convention de Vienne de 1969, qui pourrait être mise en péril si une organisation internatio-nale devenait à un moment partie à cette convention, pour cesser de l'être ultérieurement.

3. On aurait pu penser que, dans un tel cas de <<double reg1me1>, la primauté doive aller à la Convention de 1986, en vertu du prin-cipe de la lex specialis ou de celui de la lex poster1;or (1). C'est la solu-tion inverse qui a été retenue, dès lors que l'article 73 consacre le principe de la primauté du régime de 1969 dans les relations entre Etats.

( 1} Voyez dans ce sens E.W. VIERDAG, «Sorne Problems Regarding the Snope of International Instruments on the Law ofTreaties•>, 23 A. V.R., 1985, pp. 408 et 446; S. RosENNE, Developments in the Law of Treaties 1945-1986, Cambridge, C.U.P., 1989, pp 318-319.

ARTICLE 73 - CONVENTION DE 1986 2615 Le motif de ce choix, qui résulte d'une décision dé la Conférence de 1986 (2), a été le souci de stabilité dans les relations entre Etats, ainsi que la préoccupation de maintenir l'application des disposi-tions de la Convention de 1969 relatives au règlement des diffé-rends.

2. - Histoire législative

4. Le projet d'articles issu des travaux de la Commission du droit international ne comprenait aucune disposition relative à la ques-tion de la relaques-tion entre la future Convenques-tion sur le droit des traités conclus entre organisations internationales ou entre organisations internationales et Etats, d'une part, et la Convention de 1969, d'autre part.

5. Le Rapporteur spécial, Paul Reuter, avait certes proposé que l'article premier de la nouvelle convention, relatif au champ d'appli-cation de cet instrument, comprît une phrase précisant qu~

l'article 3 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 ne devait pas s'appliquer aux traités couverts par la nouvelle con-vention (3). Le sens de cette phrase n'est pas apparu clairement, et le Rapporteur spécial accepta de la retirer, non sans souligner que la question des relations entre les deux Conventions devait encore être résolue ( 4); ce point ne fut toutefois plus évoqué au sein de la Commission.

6. Au cours de la Conférence de 1986, Paul Reuter, en tant qu'expert consultant, proposa qu'un article fût ajouté aux clauses finales, à l'{lffet de donner la priorité à la Convention de 1969 (5).

C'est dans ce sens que le Cap Vert, le Royaume-Uni et l'Italie, dési-reux de préserver l'application de la Convention de 1969 pour les Etats parties aux deux Conventions, déposèrent des propositions visant à insérer un nouvel article sur la relation entre les cieux ins-truments (6).

7. Ces propositions furent discutées au sein de la Commission plé-nière, où les délégués britannique (Mme Wilmhurst) et italien

(2) Doc. off., C.H..A., 5ème s. plénière, Conférence de 1986, vol. I, p. 24.

(3) A.C.D.I., 1974, vol. I, p. 127; KW. VnmDAG, op. cit. supra note 1, p. 442.

(4) A. C.D.I., 1974, vol. I, p. 134.

(5) Conférence de 1986, Documents officiels, vol. I, p. 129.

(6) Ibid., vol. II, pp. 79-80.

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(M. Gaja) soulignèrent l'inconvénient qui pourrait résulter du fait que le régime applicable à un traité multilatéral entre plusieurs Etats serait modifié lorsqu'une organisation internationale devien-drait elle-même partie à ce traité. Il fut convenu qu'il y avait lieu de garantir l'application de la Convention de 1969. Le projet d'arti-cle 73, établi sur cette base par le Comité de rédaction, fut adopté, en séance plénière de la Conférence, sans débat ni vote (7).

Il. - SIGNIFICATION ET PORTÉE

1. - Le principe :

primauté de la Convention de 1969

8. Un traité multilatéral établit généralement entre ses parties un faisceau de relations bilatérales. En effet, la plupart des règles qu'il contient lient dans leurs rapports mutuels chacune des parties à chacune des autres, sans préjudice de l'effet d'éventuelles réserves.

Le régime qui gouverne ces relations conventionnelles bilatérales à savoir les règles du droit des traités qui leur sont applicables -ne sont pas nécessairement les mêmes pour toutes.

9. Au cours de la Conférence, une démonstration convaincante de ce phénomène a été faite par le délégué italien, le Professeur Giorgio Gaja, qui a présenté un diagramme montrant la diversité des régi-mes de droit des traités susceptibles de s'appliquer aux relations conventionnelles établies par une convention ~yant pour parties des Etats et des organisations internationales.

(7) Ibid., vol. I, p. 24. L'accord fut d'autant plus aisé que la délégation italienne avait retiré son propre projet, qui visait à exclure l'application de la Convention de Vienne de 1986 pour les relations entre Etats en général~ donc même si ces relations n~étaient pas soumises à la Conven-tion de Vienne de 1969.

ARTICLE 73 -- CONVENTION DE 1986 2617 Voici ce diagramme (8):

10. Dans le cas où deux Etats sont parties aux deux Conventions sur le droit des traités de 1969 et 1986, on a déjà souligné que l' arti-cle 73 donne la priorité au régime de 1969 pour gouverner leurs rela-tions conventionnelles dans le cadre d'un traité tombant dans le champ d'application de la Convention de 1986.

Ce principe est clair, mais encore faut-il, pour qu'il joue un rôle, que l'on puisse observer une différence entre le régime de 1969 et celui de 1986. C'est ce qu'il convient d'examiner.

(8) Présenté par le Professeur Gaja, ce diagramme est reproduit dans son article cité dans la bibliographie, p. 257. On le trouve également dans l'article de VmRDAG cité dans la bibliographie, p. 91.

2618 CHRISTIAN DOMINICÉ ET IWBERT KOLB 2. - La portée pratique du principe

11. Le parallélisme voulu entre les textes des conventions de 1969 et 1986 a pour effet que leurs dispositions énoncent les mêmes règles (9).

Cependant, la prise en considération, dans la deuxième Conven-tion, des organisations internationales, implique que le texte de celle-ci n'est pas en tous points identique à celui de la convention de 1969. Il y a des différences de rédaction, mais cela n'implique pas nécessairement que les régimes soient différents. On peut l'analyser en regroupant en quelques catégories les dispositions où des diffé-rences peuvent être observées. Cela ne concerne pas, bien évidem-ment, les articles où la seule différence est l'adjonction de l'expres-sion <<organisation internationale>> après la mention <<Etat» (par exemple les articles 12, 13, 43, 44, etc.).

a) Dispositions de caractère institutionnel ou procédural

12. Il s'agit là des articles qui indiquent les personnes disposant d'un pouvoir de représentation (article 7: <<Pleins pouvoirs>>), ou qui fixent des règles de procédure (article 10: <<Authentification du texte>>; articles 11 et 14 relatifs à l'expression du consentement).

Ces articles traitent de manière séparée, en deux paragraphes dis-tincts, le cas des Etats et celui des organisations internationales.

13. Il est évident que chaque paragraphe s'applique au cas qu'il concerne. Une difficulté pourrait surgir seulement dans le cas où chacun des paragraphes concernant l'Etat ne serait pas rigoureuse-ment identique à l'article correspondant de la Convention de 1969.

Ce n'est pas le cas, sauf pour les modifications rédactionnelles qui se sont avérées nécessaires (10). Dès lors, l'article 73 n'a ici aucune portée pratique.

(9) Cf. G.E. DO NASCIMENTO E SILVA, «The 1969 and the 1986 Conventions on the Law of Treaties: A Comparisom, International Law at a Time of Perplexity, Essays in Honour of Shabtai Rosenne, Dordrecht, Netherlands, Boston, M. Nijhoff, 1989, p. 483.

(10) Ainsi, l'article 7, paragraphe premier de la Convention de 1986, comprend un lit. cl) con-cernant les chefs de missions permanentes auprès d:organisations internationales.

ARTICLE 73 -- CONVENTION DE 1986 2619 b) Le règlement des différends

14. L'un des arguments avancés à l'appui de l'inclusion de l'arti-cle 73 dans la Convention de 1986 a été le souci de conserver, en cas de litige entre deux Etats sur une question touchant le jus cogens, le principe de la compétence obligatoire de la Cour internationale de Justice (article 66 de la Convention de 1969).

15. Or, l'article 66 de la Convention de 1986, en son paragraphe 2, a), prévoit expressément qu'en cas de différend entre deux ou plu-sieurs Etats concernant l'application ou l'interprétation des articles 53 ou 64 (jus cogens), tout Etat partie au différend peut, par une requête, saisir la Cour internationale de Justice.

Dans cet article, qui envisage divers cas de différends, l'on a donc jugé opportun de répéter, à l'intention des Etats, la règle énoncée par la Convention de 1969 (11).

Sur ce point, il n'y a par conséquent pas place pour l'application de l'article 73, qui s'avère une fois encore inutile.

16. On observe en revanche qu'en ce qui concerne les différends relatifs à l'un des articles de la partie V autre que les articles 53 et 64, la Convention de 1986 ne comprend pas, en son article 66, une règle visant spécifiquement les différends entre Etats. La seule pro-cédure prévue est celle visée au paragraphe 4 relatif à la concilia-tion, qui vaut pour toutes les parties.

Dès lors, pour les différends opposant des Etats, c'est, en vertu de l'article 73, la Convention de 1969 qui s'applique. Cette dernière prévoit, en son article 66 b ), la même procédure de conciliation (par renvoi à l'Annexe qui, pour la conciliation, est identique à l'Annexe à la Convention de 1986). L'article 73 ne produit donc ici aucun effet pratique.

(11) L'article 66 a) de la Convention de Vienne de 1969 réserve l'hypothèse de l'accord des parties an différend pour recourir à l'arbitrage. Ce même principe vaut également pour l'article 66, 2 a) de la Convention de Vienne de 1986 (voyez article 66, 3). Tl faut rappeler d'autre part que ces clauses de juridiction ne valent qu'à l'expiration d'un délai de douze mois après la date à laquelle l'objection a été soulevée (article 66 et article 66, 1 ).

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c) Autres articles où les relations conventionnelles entre ]i]tats font l'objet de règles distinctes

17. La Convention de 1986 offre d'autres exemples d'articles qui, comme ceux qui viennent d'être évoqués, consacrent aux Etats, d'une part, et aux organisations internationales, d'autre part, des paragraphes distincts.

Il s'agit, par exemple, des articles 45 (<<Perte du droit d'invoquer une cause de nullité d'un traité ou un motif d'y mettre fin, de s'en retirer ou d'en suspendre l'applicatiom) et 46 (<<Dispositions du droit interne d'un Etat et règles d'une organisation intern-ationale concernant la compétence pour conclure des traités>>).

18. Les dispositions concernant les Etats doivent en principe, dans les relations entre Etats, céder le pas à celles de la Convention de 1969. Cela pourrait créer des difficultés réelles en cas de textes divergents, mais il n'en est rien, car le texte de 1986 reprend mot pour mot celui de 1969. L'article 73 n'a aucun effet, ici non plus.

d) La priorité accordée au droit des Nations Unies

19. Un article présente, dans les deux conventions, des textes dif-férents.

Consacré à la question de l'application de traités successifs por-tant sur la même matière, l'article 30 de la Convention de 1969 réserve les dispositions de l'article 103 de la Charte des Nations Unies. Celui-ci, on le sait, prescrit qu' ·

<<en cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront>>.

Dans sa version de 1986, l'article 30, tout en énonçant les mêmes règles générales que son homologue de la conve~tion de 1969, pré-sente une construction formelle un peu différente et réserve, dans son paragraphe 6, le

<<[ ... ]fait qu'en cas de conflit entre les obligations découlant de la Charte des Nations Unies et les obligations découlant d'un traité, les premières prévaudront>> (12).

(12) Sur la raison d'être de la modification, cf. G.E. no NASOJMENTO E SILVA, op. cit. supra note 9, p. 483.

ARTICLE 73 - CONVENTION DE 1986 2621 20. Cette dernière disposition fait surgir la question de savoir ce que sont, pour les organisations internationales, les obligations découlant de la Charte des Nations Unies. Il faut se reporter, à cet égard, au commentaire de l'article 30 de la Convention de 1986. Au·

titre de l'article 73, seuls les rapports entre les Etats sont pris en considération. A cet égard, il est évident que, pour ceux-ci, peu importe qu'ils soient assujettis dans leurs rapports mutuels au texte de 1986 ou à celui de 1969, car ce dernier, en se référant à l'article 103 de la Charte des Nations Unies, réserve les obligations découlant de celle-ci, tout comme le fait le texte de 1986. Ici aussi, la substitution du texte de 1969 à celui de 1986 ne fait aucune dif-férence.

III. - CONCLUSION

21. Aussi surprenant que cela puissè paraître de prime abord, il faut admettre qu'en réalité l'article 73 ne produit pas d'effet prati-que.

22. L'examen du texte de 1986 montre bien que le souci a été de ne pas opérer de modifications par rapport au régime de 1969. Cha-que fois Cha-que cela a été nécessaire, l'Etat ou les relations entre Etats ont fait l'objet de dispositions inspirées du texte de 1969.

23. Le résultat .voulu par l'article 73 a donc été réalisé dans les dispositions de la Convention de 1986 elle-même. La genèse de l'article 73 montre que c'est un souci de dernière heure qui en exp

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que la présence. Une lecture attentive du texte de la nouvelle con-vention aurait pu dissiper cette préoccupation.

CHRISTIAN DOMINICÉ

PROFESSEUr\ HONOI\AIRE DE L'UNIVERSITÉ DE GENÈVE ET DE L'INSTI1'UT UNIVERSITAIRE DES HAUTES ÉTUDES INTEI\NATIONALES,

MEMBI\E DE L'INSTITUT DE DROIT INTERNATIONAL

ET

RoBERT KOLB

PROFESSEUR DE DI\OIT INTERNATIONAL AUX UNIVER.SITÉS DE NEUCHÂTEL, BERNE

ET GENÈVE (CENTRE UNIVERSITAIRE DE DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE)

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