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La soft law utilise également la canal de la certification. Le dispositif MASE., acronyme de Manuel d’assurance sécurité des entreprises, a pour objet de promouvoir et d’améliorer la sécurité, l’hygiène et la protection de l’environnement dans les entreprises adhérentes par la mise en œuvre d’un référentiel. Le dispositif vise également à améliorer la productivité des entreprises. En 2003, le

mot « assurance » a été remplacé par « amélioration »467. Le dispositif, initié en 1990 par le secteur

de la pétrochimie et relayé par une CCI, est géré par une association dont le siège se trouve en Normandie, et qui regroupe des entreprises extérieures certifiées et des donneurs d’ordres et qui dispose de structures régionales. Des indicateurs ont été mis au point tels que le taux d’absentéisme, l’existence de maladies professionnelles, la place accordée à la gestion des déchets… Des audits réalisés par des sociétés spécialisées qui présentent leurs résultats au Comité de pilotage de

l’association qui décide ou non d’agréer le demandeur468. La demande d’agrément suppose que

certaines conditions soient remplies pour être référencé. Cela implique, notamment, la mise en place de formations à la sécurité.

Le processus de certification s’appuie sur deux documents : le manuel SHE (Santé, hygiène, sécurité) qui constitue une « Ensemble documentaire listant les dispositions mises en place pour

respecter les exigences du référentiel MASE »469 et le PASE (Plan d’amélioration de la sécurité de

l’entreprise), qui est un « Ensemble documentaire listant les dispositions mises en place par l’entreprise intervenante pour respecter les exigences du référentiel MASE »470. La certification MASE, payante, est délivrée pour une durée de un ou trois ans. Là encore, il s’agit de d’instiller certaines normes aux entreprises demandant leur reconnaissance MASE en normant tout en normalisant les comportements collectifs mais aussi individuels. Suivant l’article 2.5 du Référentiel – Guide d’audit et de certification MASE

467 Lexique du référentiel MASE. 468

Cf. le rapport d’audit type annexé, p.

469 Idem. 470

« L’organisation définie dans le manuel SHE (PASE) est efficace si le personnel se l’approprie et se montre motivé pour modifier son comportement et aller vers davantage de sécurité.

[…]

L’équipe de management fait preuve de leadership et véhicule des valeurs adaptées aux structures de l’entreprise et au profit de son personnel ; ces valeurs (la santé, et la sécurité d’abord, l’exemplarité, le travail en équipe…) doivent se reconnaître au travers des attitudes de chacun et aboutir à des comportements individuels exemplaires sur la plan SHE ».

Le nombre important de sous-traitants appelés à intervenir sur le site des Chantiers de l’Atlantique de même que l’existence d’une secteur particulièrement accidentogène ont conduit les initiateurs de Cap compétences à intégrer dans leur programme des formations sur le dispositif MASE sous la forme de « sensibilisation » ou encore de formations de « pilotes sécurité ».

L’ « Habilitation des entreprises extérieures » réalisée par l’Union des industries chimiques (UIC) est de la même veine que la certification MASE. Elle a été mise en place par accord collectif du 4 juillet 2002 signé entre l’UIC, notamment et quatre organisations syndicales ; l’accord a été étendu. L’article 6 met en place un processus d’habilitation des sous-traitants. Il prévoit en effet que « les entreprises extérieures intervenant en maintenance des installations industrielles, logistiques, construction (hors chantier clos soumis au décret 94) seront habilitées par un organisme extérieur pour pouvoir intervenir habituellement sur des installations classées Seveso – seuil haut ». Une Formation Générale des Personnels d’Entreprises Extérieures intervenant sur Site Chimique et Pétrochimique est rendue obligatoire. L’accord de branche crée des obligations à l’égard des sous- traitants dès lors qu’ils souhaitent intervenir sur un site concerné :

- obligation d’information des salariés

- obligation de « leur donner une formation adéquate »471

L’article 7, § III concerne la « Formation des salariés des entreprises extérieures » ; il prévoit472 que

« Tout personnel d’entreprises extérieures amené à intervenir sur les sites industriels doit avoir reçu sous la responsabilité de son employeur, une sensibilisation / formation à la sécurité dont le niveau doit être adapté aux risques encourus par ce personnel.

Au-delà des risques spécifiques liés à leur propres métiers et activités, cette formation doit porter sur :

• l’activité de l’entreprise et les risques généraux liés à l’interférence des activités de l’entreprise chimique et des entreprises extérieures ;

• les moyens de prévention à mettre en œuvre ; • les procédures et consignes de sécurité ; • les protections individuelles et collectives […] »

« Lorsque la nature des risques propres et le volume des opérations réalisées par l’entreprise extérieure le justifient, l’entreprise utilisatrice s’assure, par exemple dans le contrat de prestation ou dans un document annexé à celui-ci, que celle-ci a fait dispenser à son personnel des actions de formation, ou de sensibilisation aux risques chimiques et/ou biologiques. Ces formations sont dispensées par un organisme agréé. »

471 Art. 5 de l’accord du 4 juillet 2002. 472

Le personnel intérimaire est exclu du champ d’application de l’accord.

La certification MASE et l’habilitation UIC sont en voie de rapprochement : un protocole d’accord visant une démarche de reconnaissance mutuelle des référentiels a été signé par les présidents de

MASE et de l’UIC le 17 octobre 2005.D’autre part, un projet (EMC2473 en Pays-de-la-Loire)

s’inscrivant dans le futur pôle de compétitivité viserait à faire accompagner, par des consultants, au moyen d’actions de conseil et par de la formation, les entreprises pour les aider à être certifiées MASE. Il regrouperait plusieurs entreprises comme Airbus, DCN, Jeanneau-Bénéteau, ACI (autos), les Chantiers.

De tels dispositifs peuvent être, au plan juridique, plus ou moins contraignants : les engagements pris par le sous-traitant dans le cadre de l’habilitation UIC sont annexés au contrat de sous-traitance. Les Chantiers de l’Atlantique ont un discours plus incitatif ; la certification MASE n’est pas, à l’heure d’aujourd’hui, référencée dans les contrats de sous-traitance. Les contentieux liés à la mise en cause de la responsabilité du donneur d’ordre lors d’accidents graves ne peuvent qu’accentuer ce mouvement de normalisation. La contrainte économique existe alors pour le sous-traitant qui n’a d’autre choix entre la certification ou la perte du marché, comme l’explique ce dirigeant de PME qui projette une demande de reconnaissance MASE

« Ca nous permettra de rentrer dans certaines sociétés qui demandent la certification et Alstom, enfin, Aker maintenant, devrait le demander à terme parce qu’ils sont en train eux aussi d’aller vers la certification et ça permet aussi de communiquer en disant : on est MASE , y-a certains groupes qui le demandent »

(Directeur d’une PME de plus de 100 salariés, secteur de la maintenance industrielle)

On peut craindre que de telles procédures n’accentuent un peu plus le déséquilibre existant dans les rapports entre le donneur d’ordre et son sous-traitant.

D’autre par, un tri mériterait d’être réalisé dans des procédures de certification au sein desquelles dimensions objective et subjective sont parfois confondues : c’est aussi au travers l’examen de la sécurité des matériels et des procédures que l’on contrôle et que l’on normalise les comportements, ainsi que l’expliquent S. Dassa et D. Maillard : « Le respect des règles peut notamment être moins un indicateur de respect de conformité du produit qu’un indicateur social d’obéissance et de conformisme. L’idéologie de la certification, en se proposant de standardiser d’un même mouvement le produit et le travail, va à l’encontre non seulement de son propre principe de formalisation des pratiques, mais aussi de l’idéologie des ressources humaines qui compte sur l’implication et la responsabilisation des acteurs. En effet, la standardisation contredit la réelle diversité des pratiques à un même poste de travail et la détermination des comportements par les règles contredit ou peut stériliser le développement des initiatives et des décisions des

opérateurs”474. C’est l’idée que l’on retrouve exprimée par ce dirigeant de PME du Bassin de Saint

Nazaire qui décrit le dispositif MASE comme

473

Ensemble mécanique composite complexe.

474 Dassa (S) et Maillard (D), “Exigences de qualité et nouvelles formes d’aliénation”, Actes de la recherche en sciences sociales,

« une façon d’être sur le domaine de la sécurité qui est importante »

(Directeur d’une PME de plus de 100 salariés, secteur de la maintenance industrielle)