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D Les carrières des dossiers

1. Faire une demande

Chaque travailleur du secteur privé pouvant justifier de 24 mois d’activité professionnelle salariée dont douze mois dans l’entreprise actuelle peut faire une demande de financement pour un CIF CDI

(Article L931-2)230. Cette demande, matérialisée par un formulaire et des pièces annexes, sera

ensuite examinée par une commission d’examen paritaire qui aura la charge de sélectionner les dossiers. Pourquoi une commission d’examen ? Parce que, comme l’indique clairement le Fongecif A :

Le financement du CIF n’est possible que dans la limite des fonds dont dispose l’organisme agréé à cet effet. Votre attention est appelée sur le fait qu’en raison du nombre très important de demandes de financement présentées, le nombre de dossiers que le FONGECIF A peut prendre en charge est actuellement très limité. (Note d’information, Fongecif A)

Ou comme cela est signalé plus simplement par le Fongecif C :

Attention ! Si le départ en Congé Individuel de Formation (CIF) est un droit, son financement n'est qu'une éventualité. Le financement de votre dossier sera déterminé par la Commission d'examen paritaire du FONGECIF C. (Site Internet Fongecif C)

L’enjeu est donc de passer avec succès cette phase d’évaluation. Pour préparer cette phase, le dossier doit impérativement être parvenu au Fongecif, complet, avant le début de la formation au

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minimum deux mois avant pour le Fongecif A, trois mois avant pour les deux autres dans le cas d’un CIF CDI. Dans les trois cas, une fois le dossier évalué, le candidat reçoit une notification de la décision par courrier. La première étape consiste donc à obtenir un formulaire administratif, base à partir de laquelle il pourra commencer à élaborer son dossier. Or, l’affluence des demandes donne lieu à des traitements différents selon la région où est pris le contact.

1.1 - Obtenir un formulaire

La gestion de ces demandes correspond à une première phase dans le traitement des dossiers dans les Fongecif : l’accueil des salariés. Elle est présente dans les trois Fongecif et correspond à ce que nous avons appelé, l’étape d’information administrative. La prise de contact téléphonique est la plus courante, même si elle est moins immédiate que la consultation d’un site Internet. C’est pourquoi les Fongecif B et C ont mis en place de véritables plateformes pour cet accueil avec des numéros spéciaux et là encore une division du travail avec des touches attribuées selon le service demandé. Mais si l’échange téléphonique est central pour l’accueil et ce que les salariés des Fongecif appellent “l’information de premier niveau”, rien n’empêche le salarié de se déplacer au Fongecif pour avoir un échange de face à face ou encore de se référer aux sites Internet, comme nous avons pu le voir dans la partie précédente.

Quelle que soit sa forme, cet échange initial permet de détecter, en deux ou trois questions, ceux qui ne sont pas éligibles au financement. Le filtre, ici, est juridique et identique pour tous. Il s’agit notamment de vérifier que l’entreprise du salarié dépend bien du Fongecif sollicité ou que le salarié répond aux exigences en termes de statut d’emploi, d’ancienneté ou de branche). Dans le cas où les “appelants” ne correspondent pas aux critères, les salariés du Fongecif peuvent, le cas échéant, comme nous avons pu l’observer dans le Fongecif C, les orienter vers d’autres dispositifs (ce sont, par exemple des personnes qui appellent alors qu’elles dépendent d’une agence de travail temporaire). Parfois, les personnes de l’accueil reçoivent des demandes plus spécifiques et doivent pour y répondre avoir une certaine maîtrise, non seulement de toute la législation en vigueur, mais

aussi des pratiques en cours dans le Fongecif. Ce service ou ce pôle "a une fonction de pré-diagnostic

accouplée à la notion d'accueil, il s'agit d'une instruction administrative, on reste dans la neutralité"

comme le souligne l’un des directeurs interrogés. Ce premier échange sera aussi l’occasion d’informer le salarié des différents services mis à sa disposition au sein du Fongecif.

Dans tous les cas, les permanents suggèrent aux salariés de prendre conseil auprès des permanents de l’organisme afin de disposer des informations utiles au montage du dossier ou pour se faire aider dans leur démarche.

Quelqu’un fait état de son envie de faire quelque chose, de bouger, la personne qui est l’accueil va d’abord vérifier que l’intéressé relève bien de chez nous, qu’elle travaille bien dans une entreprise qui est dans notre champ d’activité, et à partir de ce moment-là, elle va l’inviter à participer – je dis bien l’inviter pas la forcer- l’inviter à participer à une réunion d’information.

Directeur Fongecif

Normalement, si le salarié répond aux conditions légales, un formulaire ou une notice d’information devrait lui être remis ou envoyé par la poste. Or, la comparaison des trois Fongecif met, en réalité, au jour deux types de contacts téléphoniques : alors qu’au Fongecif C, le premier niveau

d’information est réalisé par des chargés d’accueil/standardiste qui pourront éventuellement orienter l’appel vers un chargé de mission, aux Fongecif A et B, ce sont les conseillers qui reçoivent directement les premiers appels.

En comparant nos observations, il nous a semblé que la division du travail téléphonique au Fongecif C, entre d’une part des standardistes et d’autre part, les chargés de mission pouvait rendre plus facile l’obtention d’un formulaire. En effet, cette division reporte (ou annule) les possibilités d’évaluation du projet en lui-même. À l’inverse, le fait qu’au Fongecif B, la première information soit, elle aussi, réalisée par les conseillers conduisait ces derniers à pouvoir effectuer en douceur un premier tri en fonction de la recevabilité supposée du dossier en termes de projet. Mais même si depuis quelques années, le Fongecif a renoncé à obliger tous les candidats potentiels à passer par l’entretien avec le conseiller, celui-ci a gardé une partie de son influence. En effet, constatant qu’un projet ne correspond pas aux priorités du Fongecif et est très éloigné des possibilités de financement, le conseiller va se charger de rappeler aux candidats les différences entre les critères d’accès au CIF (droit) et priorités dans l’accès au CIF (règles établies par chaque Fongecif), lui montrant ainsi que son projet ne correspond justement pas aux priorités retenues. C’est aussi l’occasion d’évaluer la maturité et la pertinence du projet présenté et donc, de préconiser un report du dépôt. De fait, lorsque le directeur affirme que :

“Les conseillers ne sont pas là pour servir la Commission Paritaire d’Examen en donnant de bons dossiers. Leur travail ne consiste pas à filtrer les “bons dossiers” en dissuadant certaines demandes. Ils n’ont pas à juger le dossier d’un candidat et à le décourager d’emblée. Ils informent sur les priorités”

Il nous semble qu’une sélection douce peut s’opérer dès ce premier contact. Finalement, c’est peut- être dans le Fongecif A que la sélection est la plus tranchée d’emblée. Précisant que le budget ne permet pas de satisfaire toutes les demandes, la notice du Fongecif A indique quelques priorités et critères dans l’évaluation des dossiers portant à la fois sur les formations, les personnes et le projet. La primauté sera ainsi accordée à :

Des formations de niveau V débouchant sur une qualification professionnelle

Pour des personnes sans diplôme, titre ou qualification professionnelle reconnue, ayant une ancienneté professionnelle significative, ayant un objectif individuel de reconversion et présentant une première demande de CIF.

Des demandes rendant visible des efforts personnels antérieurs de formation ou de validation des acquis, une motivation et démarches effectuées par rapport au projet professionnel présenté, la précision et la structuration du projet professionnel et l’adéquation avec le marché de l’emploi.

Dans cette même notice, certaines formations font l’objet d’un traitement spécifique. C’est notamment le cas du diplôme d’État d’Infirmière. Parce que la prise en charge du congé individuel de formation ne peut excéder 52 semaines, sauf dérogation, la prise en charge se fait à compter de la 2e année, à charge pour le salarié de fournir un réel effort personnel antérieur.

Enfin, au Fongecif A comme au Fongecif B, nous retrouvons une logique relativement analogue en ce sens que les contacts téléphoniques vont générer la création de fiches d’accompagnement qui, attachées au dossier, synthétiseront les démarches réalisées par le candidat. Une appréciation pourra même être faite par le conseiller. En outre, aux Fongecif A et B, dans le barème d’instruction, un

des items permet de mesurer la motivation à travers l’évaluation des “démarches effectuées par rapport au projet” (critère 10 du Fongecif A). Dès ce premier contact, force est donc de constater des différences de pratiques car cette traçabilité de la “bonne volonté” du candidat ne semble pas exister aussi immédiatement au Fongecif C, la philosophie volontairement libérale impulsée par le directeur conduit à insister sur la dimension individuelle de la démarche. De fait, bon nombre de candidats vont passer directement de la validation administrative de leur candidature par les standardistes à la phase de constitution de leur dossier. Et, contrairement à ce que l’on peut observer aux Fongecif A et B, ce choix ne sera visible nulle part.

“D’abord, il n’y a pas un chemin unique pour tout le monde, on n’a pas à faire à 80 ou 90 % de demeurés. Il y a des gens de bas niveau qui bâtissent très bien, seuls, un bon projet professionnel parce qu’ils sont conscients de leurs capacités mais de leurs limites. Ils ont su s’informer auprès d’entreprises, auprès de milieux professionnels de ce qui était possible.”

Directeur Fongecif C

Mais cela ne signifie pas une égalité des chances d’accéder à un financement. En effet, nous verrons, à travers une prise en compte spécifique du travail des conseillers, que la réalisation individuelle du dossier peut aussi conduire à l’ignorance de certaines règles pourtant déterminante dans l’évaluation finale. À l’inverse, il est à noter qu’au Fongecif B, seul un conseiller est autorisé à envoyer ou à remettre un dossier au candidat. Il y a donc forcément un contact entre le conseiller et le candidat, même quand celui-ci ne désire pas d’aide particulière. Une fois le formulaire obtenu, vient le temps de la constitution de la demande à proprement parler.

1.2 - Constituer un dossier

Cette séquence est généralement du ressort du salarié. Suivant la politique adoptée par le Fongecif, cette étape sera, plus ou moins, encadrée par les conseillers. C’est ce dossier qui sera à déposer au Fongecif au moins trois mois avant le début de la formation. Pour cela, quel que soit le Fongecif, plusieurs pièces sont demandées. Certaines sont faciles à produire car directement accessible. Il s’agit des bulletins de salaires (de un à trois selon l’organisme) et dans certains cas, de l’avis de décision de la COTOREP. D’autres sont plus délicates à obtenir.

C’est notamment le cas de l’autorisation d’absence qui doit être validée par le cachet de l’employeur et sa signature ou celle de son représentant 120 jours avant le départ en formation. L’employeur dispose légalement de 30 jours pour donner sa réponse. Cette autorisation rappelle à tous les salariés, s’il en était besoin, leur lien de subordination vis-à-vis de l’employeur, cette autorisation ne peut pas être refusée mais simplement reportée de neuf mois maximum à condition de pouvoir justifier ce report d’une raison de service ou si un trop grand nombre de salariés sont simultanément absents. Il est à noter que pour certains salariés cette autorisation représente un obstacle important car il nécessite d’informer leur hiérarchie de leur souhait de quitter l’entreprise, même temporairement.