• Aucun résultat trouvé

Dispositif d’acquisition et détermination de valeurs de CR, OCR, FTA, RTA

PARTIE II COMMENT APPREHENDER LA SANTÉ CHEZ LES MOLLUSQUES MARINS ?

2. S’appuyer sur l’existant avec des biomarqueurs mesurables connus, qui seront employés pour

2.3. Dispositif d’acquisition et détermination de valeurs de CR, OCR, FTA, RTA

Comme mentionné en partie II § 3.3, il est important de considérer les facteurs susceptibles d’interférer avec les mesures des biomarqueurs et de les réduire, de sorte à tendre vers des mesures qui reflètent effectivement les variations dues à la variabilité inter ou intra-individuelle, caractéristiques du phénomène étudié (Solberg 1988, Plebani et al. 2015). Friedrichs et al. (2012), soulignent en particulier l’importance d’identifier les facteurs de variations pré-analytiques et analytiques et de réaliser des procédures pour standardiser les différentes étapes de la détermination d’intervalles de référence (RI) et contrôler les effets de ces facteurs.

Facteurs pré-analytiques

La préparation des individus de référence, la collecte des échantillons, leur manipulation et leur traitement doivent être effectués de manière standardisée (Solberg 1988, Gunn-Christi et al. 2012). Le type d'échantillon doit être le même pour tous les échantillons de référence. Les détails concernant les facteurs pré-analytiques doivent être inclus dans le document d'étude RI.

Les estimations de la qualité analytique doivent être consignées pour toutes les méthodes. Celles-ci peuvent être déterminées lors de l'étude de RI ou lors d’une validation préalable de la méthode, avec l’étude des variations biologiques observées, l'interprétation clinique des résultats des tests, les documents de consensus ou une combinaison de ces approches (Kenny et al. 1999, Kjelgaard-Hansen et Jensen 2010).

Facteurs analytiques

Les échantillons doivent être analysés à l'aide de méthodes rigoureusement surveillées et de procédures de contrôle de la qualité appropriées (Flatland et al. 2010). Toutefois, les variations faisant partie des opérations quotidiennes (modifications dans les lots de réactifs, personnel technique impliqué), elles doivent être considérées et intégrées à l’étude de détermination des RI chaque fois que cela est possible. Le laboratoire doit établir une règle sur la prise en compte des échantillons pour l’étude RI et le rejet des échantillons de mauvaise qualité. Les résultats doivent être surveillés en temps réel afin que les erreurs puissent être détectées lorsque la mesure est réalisée, cela évite un rejet excessif des valeurs de référence (RV) en réduisant le nombre de valeurs aberrantes potentielles. Les détails des méthodes d'analyse, y compris la marque et le modèle de l’analyseur *ou du dispositif d’acquisition+, ainsi que l’origine des réactifs et du matériel de contrôle qualité, doivent être consignés (Friedrichs et al. 2012).

Même si l’ensemble des recommandations concernant l’identification des facteurs de variations pré-analytiques et analytiques et les contrôles de qualité appliqués par les équipes de recherche et laboratoires d’analyses médicales ne sont pas en l’état applicables aux études menées dans la présente thèse, il demeure d’intérêt de s’en inspirer et de limiter le plus possible les variations autres que celles reflétant une différence d’activité inter- ou intra-individuelle chez les huîtres creuses étudiées (tableau VI).

47

Tableau VI. Facteurs de variations pré-analytiques et analytiques du CR et de l’OCR chez C. gigas

Origine Facteurs Contrôle

Pré-analytiques

Individus de référence

Même parcours zootechnique et procédure d’acclimatation systématique des individus faisant l’objet d’une détermination de RI.

Collecte des échantillons

Vérification du circuit hydraulique et calcul des débits d’eau systématiques en début et fin de chaque série d’acquisitions de 129 minutes.

Analytiques

Personnel

L’ensemble des expérimentations a été mené par un binôme de chercheurs formés à l’utilisation du dispositif d’acquisition (surveillance pendant la série d’acquisitions et vérification conjointe des valeurs biologiques acquises).

Qualités intrinsèques du dispositif d’acquisition

Les fluorimètre et oxymètre sont vérifiés à chaque série d’acquisitions. La sonde de l’oxymètre est étalonnée selon les recommandations du constructeur et celle du fluorimètre ne nécessite pas d’autre étalonnage que celui réalisé par le constructeur. Leurs qualités intrinsèques sont communiquées par le constructeur et ont été vérifiées lors de pré-tests. Le matériel informatique de conversions analogiques – numériques des signaux est contrôlé à chaque série d’acquisitions et ne nécessite pas de procédure d’étalonnage, ses qualités intrinsèques sont communiqués par le constructeur.

Les animaux sont placés pendant une période d'acclimatation de huit jours dans des réservoirs remplis d'eau de mer avec une salinité ajustée à 32 ‰ et une température amenée progressivement à 22°C. L’eau de mer d’origine naturelle (estuaire de la Seudre) est préalablement filtrée à 30 µm à l’aide d’un filtre à sable et traitée par un appareil à ultraviolets (UVC à basse pression, 6 m3.h-1 à 33 mJ.cm-2) pour prémunir les huîtres creuses d’une éventuelle infection par des organismes pathogènes. Le phytoplancton Isochrysis affinis galbana (clone T-Iso) est fourni en continu à une concentration comprise entre 30 et 40 cellules µl-1. Vingt-quatre heures avant les essais de détermination de valeurs de biomarqueurs, les huîtres sont placées dans de l'eau de mer filtrée avec le même traitement complété par deux filtres à poche de 10 µm pour éliminer les débris de cellules d'algues, enfin la salinité et la température sont ajustées aux valeurs cibles de 32‰ et 22°C respectivement et la distribution de phytoplancton est interrompue.

Le dispositif d’acquisition employé dans le cadre de la présente thèse est inspiré de celui employé par Haure et al. (2003) et est représenté schématiquement dans la figure 8. A titre d’illustration la figure 9 est une photographie du dispositif en cours de réalisation d’acquisitions.

48

Figure 8. Schéma du dispositif d’acquisition pour la détermination de valeurs de référence de CR et d’OCR

49

Pendant les essais de suivi des biomarqueurs, le phytoplancton Isochrysis affinis. galbana (clone T-Iso) à une concentration comprise entre 30 et 40 cellules µl-1 et l’eau de mer filtrée (filtres à sable et à poche et UVC) sont mélangés dans un réservoir (1), puis envoyés par quatre pompes péristaltiques (Masterflex L/S) (2) dans quinze enceintes individuelles de mesure (3) contenant chacune une seule huître, plus une enceinte de contrôle (4) sans huître. Un diffuseur d'air (sucre) est placé dans le réservoir (1) afin d'obtenir plus de 80% de saturation en air dans le circuit d’eau. Chaque enceinte de mesure d’un volume de deux litres est équipée à sa sortie d'une vanne électromagnétique (5) gérée par un ordinateur (6). Lorsque la vanne électromagnétique d'une enceinte de mesure est ouverte, l'eau libérée est analysée pendant une minute à l'aide d'un oxymètre (Hach Lange Orbisphere 410 avec sonde M1100 LDO), (7) puis d'un fluorimètre (Seapoint Chlorophyll-a Fluorometer SCF) (8). Pendant cette période, l'eau des autres enceintes est évacuée via un circuit de récupération des déchets (9). À la fin de la minute, le cycle s’achève et l’acquisition se poursuit à la suite dans une autre enceinte. Les calculs des valeurs de référence d’OCR et de CR sont effectués sur les données moyennées de concentration d’oxygène d’une part, de fluorescence de l’eau d’autre part, des cinq dernières secondes de la chambre en cours d’acquisition ; les cinquante-cinq premières secondes correspondant à la vidange de l’eau de mer résiduelle de la chambre précédente encore présente dans le circuit. Ainsi, l'activité d’un individu est mesurée toutes les seize minutes avec huit acquisitions de cinq secondes pour une durée totale de cent vingt-neuf minutes. Les CR et OCR sont calculés simultanément à l’aide des formules précitées dans la partie III § 2.1 et 2.3 et stockés sur un ordinateur (6). Le débit de chaque chambre a été fixé à 13 l.h-1 afin que les huîtres ne consomment pas plus de 30% des ressources en phytoplancton disponibles (Smaal et al. 1997).

3. Mettre en avant l’observation : examen physique de l’animal et

proposition d’une échelle clinique

En pratique médicale, l’observation du sujet et de son environnement est essentielle dans la démarche diagnostique. Le praticien « aiguise ses sens » et réalise un examen physique du patient, à l’issu duquel un tableau clinique peut être prononcé où sont présentés les signes et les symptômes, reflets de l’état général et/ou de l’état de plusieurs fonctions physiologiques du patient. Cet examen physique est une étape, une des premières, de la démarche diagnostique en médecine humaine et vétérinaire. Il peut être complété par des examens de laboratoire, mais cela n’est pas nécessaire dans toutes les situations et dans certaines affections, l’examen de laboratoire n’est réalisé que pour asseoir, confirmer l’examen physique.

Il peut également être proposé d’établir un score clinique « Clinical Prediction Rule » (CPR) qui consiste en une combinaison de données cliniques et paracliniques dont la présence chez un individu permet d’évaluer la probabilité d’un diagnostic ou de formuler un pronostic pour une maladie donnée. Le regroupement de ces différentes données en un score peut contribuer à gagner en objectivité par rapport à la seule expérience clinique (Laporte 2014). L’utilisation des CPR est en particulier encouragée dans l’exercice de la médecine fondée sur les faits « Evidence Based Medecine » (EBM).

50

Ces scores sont dits prédictifs, ils améliorent la démarche diagnostique ou pronostique prédictive. Ils aident à la décision médicale, mais ne la détermine pas, il ne s’agit pas de scores décisionnels (Herzig et al. 2011).

Il est possible d’objecter que les atteintes de la santé chez les mollusques marins s’expriment par un tableau clinique généralement fruste avec des signes rarement pathognomoniques d’une affection donnée.

Peu d’informations sur le tableau clinique sont décrites dans le manuel des tests diagnostiques de l’organisation mondiale de la santé animale (OIE 2018a), le précis des maladies infectieuses et des parasites des fruits de mer exploités dans le commerce (Bower 1994, Bower 2010) et les fiches pédagogiques sur les organismes pathogènes affectant les mollusques marins (Ifremer 2018). Le manque de signes identifiés peut également être expliqué par le fait que l’observation fine des animaux n’est réellement possible qu’en écloserie-nurserie ; sur le littoral et dans les étangs, cette observation des animaux ne peut pas être journalière du fait du mode d’élevage. Si les taux de mortalité instantané ou cumulé restent les descripteurs les plus fréquemment employés pour décrire l’impact d’une maladie chez les mollusques marins, il demeure que les éleveurs et les chercheurs en pathologie des mollusques ont déjà mentionné d’autres observations avant et pendant la survenue d’affections (« odeur », « animaux qui cloquent », « présence de vase entre les valves », « difficultés à fermer les valves » …). De ces observations décrites, des travaux de recherche conduits à la suite ont souvent visé à « objectiver » ces observations par des protocoles expérimentaux mettant en œuvre des instruments de mesure. Mais finalement, l’expertise des praticiens médicaux développée en matière d’examen physique n’est pas très différente de celle des scientifiques qui ont su développer leurs sens que cela soit en éthologie par exemple ou dans des sciences « plus instrumentées ». Cela pose évidemment la question de la validité de données de l’observation « subjective » par rapport celles de la mesure [prétendue] « objective » (Van der Maren 2004 en pages 85 à 87 en particulier, Hunt et Lavoie 2011).

Plus proche des considérations de la présente thèse, avec des travaux de recherche mettant en œuvre des biomarqueurs, il convient de répéter un point déjà exposé en partie III § 1.1, la validation d’un biomarqueur passe par la démonstration de la pertinence clinique du biomarqueur. Aux mesures et calculs de biomarqueurs exposés en partie III § 2 et 4, il est alors possible d’ajouter un score ou une échelle clinique découlant de l’examen physique de C. gigas pendant les différentes expérimentations.

3.1. Elaboration et validations d’un score clinique