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B- Les méthodes indirectes

I. 2.3- Dispersion des invasifs dans le cadre des associations phorétiques nouvellement forméesphorétiques nouvellement formées

Si l’effet des symbioses en général sur les invasions biologiques est bien documenté (McLeod et al. 2005, Lu et al. 2010, Himler et al. 2011, Zaho 2013), le fonctionnement des APNF est cependant mal connu, en particulier pour ce qui concerne le potentiel à la dispersion des espèces qu’elles impliquent. Les études portent généralement sur les pullulations de pathogènes forestiers, en se

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focalisant sur la structure génétique du pathogène, sur la distribution des dépérissements et sur les facteurs associés à l’expression de la maladie. Peu d’attention est portée sur les modes de vection des pathogènes et de leur distance de dispersion (Garbelotto et al. 2012). Ceci est dû en partie au cloisonnement entre les domaines de l’entomologie forestière et de la pathologie forestière (Klepzig et al. 2009).

Comme nous l’avons évoqué précédement, l’estimation de la dispersion d’une espèce est rendue difficile par la multitude des facteurs pouvant l’influencer en conditions naturelles, et par les biais relatifs aux différentes méthodes de mesure (Chapitre I.1.4). L’estimation du potentiel de dispersion des espèces impliquées dans une APNF se trouve à un degré supérieur de complexité car elle doit intégrer les exigences et les aptitudes de chaque espèce et les différents aspects de leurs interactions. L’existence de vecteurs natifs peut permettre de faire une première estimation du potentiel de dispersion du partenaire non-natif d’une APNF, sur la base de la distribution et de la dispersion des vecteurs en conditions naturelles (Battisti et al. 2005, David et al. 2014). Ces connaissances sont essentielles pour identifier les zones favorables ou défavorables à l’expansion de l’espèce introduite. En revanche, elles n’intègrent pas les effets positifs ou négatifs de cette nouvelle association, qui peuvent pourtant affecter fortement la dispersion des partenaires impliqués. De nombreuses associations mènent par exemple à une élévation de la densité de population du vecteur (Jiu et al. 2007), et par conséquent à une augmentation de la proportion d’événements de dispersion à longue distance. Certains cas d’associations nouvellement formées peuvent favoriser la dispersion du vecteur, par une élévation de l’attractivité des arbres infestés (McLeod et al. 2005). C’est le cas par exemple de la manipulation des ormes nord-américains par Ophiostoma novo-ulmi qui entraine une émission de substances sémiochimiques plus attractives pour le vecteur (Hylurpoinus rufipes). A l’inverse, les phorontes peuvent réduire les distances de dispersion du vecteur. Ce cas est rencontré chez Monochamus carolinensis, qui montre des distances de vol plus faibles lorsque la charge en nématodes du pin (Bursaphelenchus xylophilus) dans ses spiracles est importante (Akbulut & Linit 1999). Ces associations peuvent également faire intervenir des manipulations comportementales du vecteur par le pathogène, qui sont suscpetibles d’impacter sadispersion (Mayer et al. 2008).

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I.2.4- Etude des flux de gènes et modélisation de la dispersion: deux

approches complémentaires pour étudier la dispersion d’une espèce

invasive impliquée dans une APNF

Pour estimer au mieux la dispersion des espèces impliquées dans une APNF, il est donc essentiel d’estimer à la fois la dispersion du vecteur et de prédire l’effet synergique de l’association. Pour cela, l’utilisation simultanée d’approches de génétique (estimation des flux de gènes chez le vecteur) et de modélisation de la dispersion est particulièrement adaptée car elle apporte des informations complémentaires.

Nous l’avons vu précédemment, les méthodes d’estimation de la dispersion basées sur les flux de gènes permettent de décrire la dispersion naturelle du vecteur (barrières et couloirs de dispersion), mais également d’identifier les sauts à longue distance liés aux activités anthropiques (cf. section I.1.4). Cumulées, ces mesures contribuent à donner une image complète des phénomènes de dispersion chez le vecteur, et permettent de mieux identifier les voies potentielles d’invasion du phoronte. Ceci représente d’ailleurs une particularité des APNF qui contraste avec les invasions impliquant seulement une espèce et pour lesquelles une telle prévision n’est pas possible. Cependant, ces estimations présentent plusieurs limites. La première a été développée dans le chapitre précédent et correspond au fait que l’estimation basée sur les flux de gènes du vecteur ne prend pas en compte l’effet de synergie de l’APNF. La seconde, est que cette dispersion est inférée à partir de patrons génétiques qui se sont établis sur une échelle de temps inconnue. Il est donc parfois difficile de déterminer si ces patrons proviennent d’une dispersion contemporaine dans l’environnement présent, ou s’ils sont issus de la dispersion et de variations démographiques des individus au sein de paysages anciens (Broquet & Petit 2009).

Pour contourner ces difficultés, les approches de modélisation représentent une approche complémentaire. L’expansion des espèces invasives est en général modélisée à l’aide de modèles mathématiques de type réaction-diffusion (Shigesada & Kawasaki 1997). En tant qu’outils prédictifs, ces modèles offrent la possibilité d’intégrer non seulement le processus de dispersion par le vecteur

21 mais aussi les effets de synergie au sein de l’APNF (i.e. croissance des populations de vecteurs). De plus, la dispersion de l’invasif peut être simulée au sein de l’environnement présent, mais également être replacée dans un contexte de climat changeant ou de connectivité du paysage modifiée sous l’effet des activités anthropiques (Robinet et al. 2014). En revanche, l’application de ces modèles dépend de l’existence de connaissances relatives à la biologie et à la dispersion de l’espèce, qui sont parfois rares ou inexistantes. La modélisation est donc un complément intéressant à l’estimation des flux de gènes, mais elle dépend des données disponibles pour être appliquée.

En raison de la faible prévalence des APNF, ces deux outils ont très peu utilisés pour les cas d’APNF décrits et il n’existe pas – à notre conaissance – d’étude les intégrant simultanément. Plusieurs limites subsistent donc dans leur application, et celles-ci doivent être prises en compte lors de la prédiction de la dispersion des espèces impliquées dans ces associations. En particulier, les approches de génétique spatialisées, qui permettent de tester l’existence de barrières à la dispersion du vecteur (Manel & Holderegger 2013), montrent des limites lorsqu’elles sont utilisées chez des espèces à fort pouvoir dispersif (Dreier et al. 2014). En effet, ces approches ont été développées dans un but de conservation sur des espèces non voilières et à pouvoir dispersif relativement restreint (Cushman et al. 2006). Cependant, les espèces vectrices impliquées dans les APNF sont généralement des insectes voiliers pouvant disperser sur de grandes distances, et il existe très peu de travaux sur la dispersion de ces insectes (Zeller et al. 2012). En parallèle, il existe peu d’études modélisant la dispersion des espèces impliquées dans une APNF et ces travaux n’intègrent en général pas ou peu les multiples composants de l’interaction. Potter et al. (2011) ont par exemple modélisé la dispersion de la graphiose de l’orme en Angleterre en considérant le pathogène et le vecteur comme un seul organisme. Cette approche exclut donc les potentielles variations dans les optimums écologiques, la distribution ainsi que densité de vecteurs qui sont pourtant déterminants dans les processus de dispersion. Des modèles de type réaction-diffusion ou noyaux de dispersion ont été développés pour simuler la dispersion du nématode du pin en Asie et en Europe (Togashi & Shigesada 2006, Robinet et al. 2009, Robinet et al. 2011). Ces modèles considèrent soit la dispersion de la maladie associée au nématode (pine wilt disease, Robinet et al. 2009, 2011), soit la dispersion des insectes vecteurs (supposés être

22 tous porteurs du nématode) et le nombre d’arbres infestés à l’échelle d’une parcelle (Togashi & Shigesada 2006). Ces modèles n’intègrent donc pas les effets de synergie au sein de l’APNF étudiée. En conclusion, les approches visant à évaluer les flux de gènes du vecteur d’une APNF et les modèles mathématiques sont des outils complémentaires à adapter à la complexité des associations phorétiques nouvellement formées.

I.3 - Modèle biologique : l’association entre le nématode du pin et le