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DISCUSSION

Dans le document (PARIS VI) (Page 62-70)

A. Validité et fiabilité de l’échoscopie dans le diagnostic d’une grossesse

IV. DISCUSSION

1. RESUME DES RESULTATS

Cette étude a permis de déterminer les performances diagnostiques de l’échoscopie, dans la détection d’une grossesse intra-utérine comparée au test de référence, l’échographie transabdominale seule ou complétée si besoin par voie transabdominale. La réalisation des tests par deux opérateurs indépendants a permis d’évaluer la variabilité inter-opérateur de l’échoscopie pour détecter une GIU. L’étude a aussi évalué la concordance entre 2 méthodes, l’échoscopie et l’échographie (transabdominale seule ou complétée par la voie transvaginale), pour la datation de grossesse. La variabilité inter-opérateur de datation de grossesse était évaluée pour 2 operateurs experts indépendants.

La performance diagnostique de l’échoscopie (ES) comparée à l’échographie transabdominale (ETA) et à l’échographie transabdominale complétée par la voie transvaginale (ETATV) était satisfaisante. L’échoscopie à une sensibilité de 83-98%, une spécificité de 89-99%, une valeur prédictive positive de 86-99% et une valeur prédictive négative de 76-98% dans la détection d’une GIU comparée à l’ETA seule. Comparée à l’ETATV, la sensibilité de l’ES est de 68-91%, la spécificité de 87-100%, la valeur prédictive positive de 90-100% et la valeur prédictive négative de 60-87%. La concordance entre les opérateurs pour détecter une GIU était excellente avec un kappa à 1.0 CI95% [1.0-1.0]. La sensibilité de l’ES pour détecter une double couronne, un embryon, une activité cardiaque, une vésicule vitelline, un épanchement intra-péritonéal, était de 97-100%, 91-94%, 97-97-100%, 88-97% et 50% respectivement. La spécificité de l’ES pour détecter une double couronne, un embryon, une activité cardiaque, une vésicule vitelline, un épanchement intra-péritonéal, était de 100% pour chaque variable.

L’étude a montré une bonne concordance de l’ES versus l’ETA et l’ES versus l’ETATV pour la datation de grossesse. Les limites de concordance (moyenne des différences 2DS) étaient de -4.9 à +4.9 jours pour l’expert 1, de -3.4 à +3.3 jours l’expert 2 pour la datation par ES comparée à l’ETA, et de -5.3 à +4.9 jours pour la datation par ES comparée à l’ETATV. Ces limites de concordance correspondent à la précision (à la marge d’incertitude) de datation de +/- 5 jours de l’échographie utilisée en pratique clinique (9, 15). La reproductibilité des mesures d’âge gestationnel par ES entre les 2 opérateurs était très bonne avec un coefficient de corrélation interclasse (CCI) à 0.99, CI 95% [0.98 - 0.99].

2. VALIDITE INTERNE

Cette étude était réalisée dans un environnement de routine clinique, un centre d’orthogénie, par des médecins généralistes indépendants formés à l’échographie. L’échoscopie est destinée à être utilisée par les cliniciens qui vont se poser la question de la localisation d’une grossesse devant une femme enceinte. Ils pourront ensuite en fonction de leurs compétences dater la grossesse s’il y a une utilité clinique (8). En cas de résultat négatif, une grossesse intra-utérine ne peut pas être éliminée (VPN=76.5%). C’est au clinicien de décider s’il préfère poursuivre les investigations et dans quel délai il souhaite répéter l’échoscopie ou demander une échographie de référence.

La répartition de l’âge gestationnel de la population de l’étude montre que l’échoscopie peut s’utiliser en pratique au cabinet de médecine générale. Le délai de prise en charge d’une IVG médicamenteuse en ville est de 7SA, or 18/37 cas de grossesses datées par échoscopie correspondent à cet âge. En fonction de l’âge gestationnel le médecin généraliste peut rapidement orienter la prise en charge sans attendre l’examen de référence.

La courte durée de l’examen (environ 1-4 minutes pour l’échoscopie) permettait de réaliser l’étude pendant les horaires de consultation habituelle et diminuer le

biais de sélection. En plus, les conditions d’examen sans préparation avec vessie correspondent aux conditions de pratique réelle en consultation de médecine générale ce qui renforce la validité des résultats.

La population de patientes inclues au départ correspondait à celle à la fin de l’étude ce qui évite le biais d’exclusion. Les 7 patientes exclues étaient toutes mineures et il n‘y a eu aucun refus de consentement ce qui suggère une bonne acceptabilité de l’échoscopie.

L’excellente concordance entre les opérateurs experts dans la détection d’une GIU (kappa=1.0) et la datation (ICC=0.99) peut être expliquée par la facilité d’utilisation de l’échoscopie. Des réglages basiques étaient utilisés comme le préréglage du 1er trimestre de grossesse, le gain, la profondeur de champ, le zoom et l’utilisation des curseurs pour la prise des mesures. La familiarité et l’expérience avec échoscopie n’ont pas eu d’impact sur la concordance. La capacité de reconnaître et mesurer les structures par l’échographie traditionnelle permet de faire la même chose avec un appareil portable de taille réduite dans très peu de temps. Les structures identifiées étaient faciles à reconnaître et mesurer (16). Le format de tablette est adapté à une pratique en obstétrique car la taille de l’écran tactile permet de faire des mesures précises à l’aide du zoom ce qui est important pour la datation.

Les résultats de cette étude sont valides pour une population de femmes consultant dans un centre d’orthogénie, qui est similaire à la population des femmes qui consultent en médecine générale pré ou post IVG. Le statut de certaines patientes ayant eu un test de grossesse était déjà connu mais le choix de cette population correspondait à la pratique quotidienne et le recrutement a été consécutif pour réduire le biais de sélection. Le choix d’une population post-IVG médicamenteuse seule aurait rendu cette population encore plus semblable à celle qu’on rencontre en médecine générale. L’analyse des performances a été faite sur la population totale mais aussi selon les sous-groupes pré et post-IVG. Les performances diagnostiques en termes de sensibilité et spécificité sont les mêmes dans la population totale et le groupe pré-IVG car le sous-groupe

post-semaines d’aménorrhée et les cas où la GIU n’était pas confirmée par l’ETA seule. La voie transabdominale a souvent été utilisée seule basée sur les résultats d’études qui n’ont pas pu démontrer la supériorité de la précision de l’échographie transvaginale comparée à la voie transabdominale pour ce qui est de la datation d’une grossesse. Ceci est en accord avec les résultats d’autres auteurs qui trouvent que les deux voies sont comparables pour déterminer l’âge gestationnel lorsque la mesure de la longueur cranio-caudale est possible après 6 semaines d’aménorrhée. (9-10,15-20).

Cette étude n’évalue pas la variabilité intra opérateur. Pendant la conception de l’étude cette possibilité a été discutée mais des mesures supplémentaires auraient allongé la durée d’examen. Pour les mêmes raisons de durée prolongée et d’inconfort de la patiente, l’échographie transvaginale n’était pas répétée par l’expert 2 mais réalisée uniquement une fois par l’expert 1. Concernant la voie transvaginale, il serait préférable de pratiquer une étude de reproductibilité et de fiabilité dans une population autre que celle de péri IVG, par exemple dans un contexte de suivi de grossesse. Une appréhension de certaines femmes vis-à-vis de l’examen par voie transvaginale a été observée. Dans la littérature une étude récente a aussi décrit une appréhension des patientes vis-à-vis de l’examen par voie transvaginale quand il n’y avait pas d’indication clinique. (21)

Les experts indépendants ont réalisé et interprété l’échoscopie et l’échographie de référence. Pour éviter le biais d’interprétation il est recommandé de séparer la réalisation de l’interprétation des images et organiser une lecture aveugle par un lecteur indépendant. Dans le cas de cette étude le biais d’interprétation est minimisé car il s’agit de critères objectifs, d’une question binaire simple, d’images et vidéos faciles à interpréter qui ne laissent pas de place à l’interprétation subjective (22).

Parmi les difficultés techniques rencontrées une fragilité du câble USB a été remarquée et souvent la tablette redémarrait ou s’éteignait en cours d’examen. Il est important d’avoir un bon service de maintenance pour pallier ces inconvénients.

VALIDITE EXTERNE

Une étude a évalué la validité d’un appareil d’échoscopie, le Vscan, sur une population de 101 patientes qui présentent des signes de douleurs pelviennes ou hémorragie pendant leur premier trimestre de grossesse. Il y a avait une bonne à très bonne concordance entre le Vscan et l’échographie de référence transabdominale et transvaginale pour la détection d’un embryon, d’un sac gestationnel, d’une activité cardiaque, avec des coefficients kappa a 0.844, 0.843 et 0.729, respectivement (p<0.0001). La concordance pour la mesure du LCC et du DMSG est très bonne avec un ICC >0.9 (p<0.0001) (16). Ces résultats sont en accord avec les résultats de notre étude sur 37 femmes qui retrouve une très bonne concordance entre les appareils d’échoscopie et l’échographie de référence pour mesurer l’âge gestationnel basée sur la LCC et le DMSG, ICC= 1.0 (p<0.0001).

Parmi les études en obstétrique, l’échographie au lit du malade est facilement acceptée et permet de surveiller avec précision la grossesse à partir de 5 semaines d’aménorrhée. Les douleurs pelviennes en début de grossesse peuvent faire suspecter une grossesse extra-utérine en cas d’absence d’un sac gestationnel utérin, de présence d’une masse annexielle ou d’un épanchement intra péritonéal associé à une rupture tubaire. Les résultats d’une première méta-analyse sur le diagnostic de grossesse extra-utérine par échographie au lit du malade pratiquée par les urgentistes, montrent une haute spécificité et haute sensibilité de l’échographie au lit du malade dans la localisation d’une grossesse mais elle reste opérateur-dépendant (22-26). Nos résultats retrouvent une très bonne performance diagnostique et concordance entre les deux opérateurs pour la détection d’une grossesse intra-utérine (kappa=1, p<0.0001).

Selon d’autres études dont une qui évaluait l’impact de l’échographie utilisée par les sages-femmes en Zambie, parmi tous les champs d’application de l’échoscopie

4. HYPOTHESES, INTERPRETATION DES RESULTATS

L’échoscopie pratiquée par les 2 experts retrouvait 37/71 cas de vrais positifs, l’ETA retrouvait 39/71 GIUs par l’expert 1, 37/71 GIUs par l’expert 2 et l’ETATV 45/71 GIUs. Parmi les 34 patientes qui avaient une ES négative, l’ETA a mis en évidence 2 cas de faux négatifs, et l’ETATV a mis en évidence 8 faux négatifs. Les 8 cas de faux négatifs présentaient une double couronne seule (signe d’un sac gestationnel) à l’échoscopie. L’âge gestationnel de ces grossesses était encore très jeune pour visualiser une vésicule vitelline avec une sonde d’échoscopie (5-2MHz) dont la résolution est limitée par rapport à la sonde transvaginale de haute fréquence (7.5-3.8MHz). Une publication récente a montré que la présence d’une double couronne est un signe qui permet de confirmer une GIU avant la visualisation de la vésicule vitelline ou de l’embryon mais l’étude a été faite seulement par voie transvaginale aux 33-34 e jours et il n’y a pas de données par voie transabdominale (21). Une autre raison qui peut expliquer la difficulté de visualisation d’une GIU très jeune était la position utérine retroversé chez 2 cas de faux négatifs par voie transabdominale. Les conditions de l’examen étaient parfois difficiles car les patientes n’avaient aucune préparation à l’examen et la vessie était vide. Il y a eu un seul cas de faux positif pour l’expert 2. Dans cette situation l’échoscopie avait détecté une vésicule vitelline non détectée par ETA mais ensuite confirmée par voie transvaginale. Ceci peut être dû à un mauvais réglage de l’appareil de référence ou à la présence d’air et au manque de manœuvres pour chasser l’air présent dans l’appareil digestif.

En ce qui concerne la population des vrais négatifs il n’y a pas eu de cas de grossesse arrêtée, d’œuf clair ou de pseudo-sac gestationnel. Un cas de grossesse de localisation indéterminée a été adressé aux urgences et un cas de faux betaHCG positifs a été observé suite à une erreur de laboratoire.

Les sous-groupes d’utérus retroversé et d’IMC>25 avaient un nombre de patientes très limité (n=10). Pour pouvoir interpréter les résultats il faudrait inclure plus de patientes. L’analyse du sous-groupe selon l’IMC montre un seul

cas de faux négatif sur 10 patientes ayant un IMC>25 ce qui est considéré comme insuffisant pour conclure à une différence entre les 2 groupes. Dans le groupe IMC<25 (n=25) tous les patients étaient bien classées. Pour améliorer l’analyse en sous-groupe il faudrait augmenter leur effectif.

La concordance de datation est bonne entre les deux méthodes que ce soit entre l’ES vs. l’ETA ou l’ES vs. l’ETATV. Les graphiques de Bland-Altman permettent d’évaluer la dispersion autour de la différence moyenne d’âge gestationnel. Elle est homogène, ce qui implique qu’il n’y a pas de sous–estimation ou surestimation de l’âge gestationnel.

5. PERSPECTIVES

Les résultats de l’étude ont montré que les performances diagnostiques de l’échoscopie pour détecter une grossesse intra-utérine étaient satisfaisantes. La fiabilité de l’échoscopie pour dater une grossesse était comparable à l’échographie avec une précision de +/- 5 jours. Cette population de femmes au 1er trimestre de grossesse était asymptomatique, mais l’étude peut s’étendre à d’autres indications en médecine générale ou à une autre population de femmes symptomatiques.

L’utilisation de l’échoscopie peut être évaluée dans le cabinet du généraliste pour d’autres situations cliniques comme le bon positionnement d’un dispositif intra-utérin dans le cadre d’une consultation de contraception. Dans le cadre d’un suivi de grossesse la présentation du fœtus et la localisation du placenta peuvent être évaluées. Dans un contexte de consultations d’urgences gynécologiques comme la présence de métrorragies et/ou de douleurs pelviennes, l’échoscopie peut évaluer la viabilité de la grossesse et diminuer le délai d’attente souvent anxiogène pour les patientes. Une réponse immédiate dans ces situations diminuerait le nombre d’intervenants et aurait un impact sur le bien-être des femmes. D’autres indications de l’échoscopie sont possibles dans le cadre de la

Le progrès technologique permettra d’avoir une meilleure résolution de l’image. Après les sondes transabdominales et linéaires que l’on peut relier au smartphone pour le transformer en échoscope, peut-être une sonde transvaginale verra bientôt le jour? De nouveaux projets sont en cours afin de rendre cette technique, aujourd’hui encore coûteuse, disponible et d’accessible à tous les cliniciens. Telle est l’initiative française d’Echopen dont l’objectif est de créer une sonde « low-cost » avec un mode de fabrication « open source. » (29). Pour améliorer les compétences des médecins afin d’utiliser l’échoscopie pour toutes ses indications, une formation est nécessaire. Cette formation spécifique à la médecine générale devrait permettre aux médecins généralistes et aux étudiants d’améliorer leurs compétences tout en prévenant les risques de surmédicalisation (3).

Ce travail interdisciplinaire peut faire l’objet de présentations au réseau ville-hôpital REHVO, aux congrès de médecine générale et d’imagerie ultrasonore. Les médecins souhaitant prolonger leur examen clinique seraient ainsi informés des avantages et des indications de l’échoscopie.

L’examen clinique se potentialise avec l’échoscopie. Il devient plus performant par la combinaison des compétences traditionnelles avec l’extension des sens rendue possible par la technologie. L’avantage pour les patientes est la rapidité du diagnostic et une meilleure orientation. Pour les cliniciens le gain est dans l’efficacité. Les médecins de toute spécialité devront travailler ensemble dans des groupes de travail interdisciplinaires pour reconnaître le potentiel et les limites de l’échoscopie, pour enseigner aux professionnels de soins actuels et futurs comment utiliser les ultrasons de façon responsable en maximisant la qualité des soins tout en réduisant les risques. (24).

Dans le document (PARIS VI) (Page 62-70)

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