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Cette étude montre que la transposition des artifices techniques utilisés en urétroplastie pour les sténoses associées aux fractures pelviennes est une option chirurgicale efficace dans la réparation des sténoses urétrales bulbaires proximales non traumatiques, avec un taux de succès de 83 % à 42 mois de suivi moyen. En effet, tant la diminution de la tension anastomotique par le raccourcissement du trajet urétral que la résection suffisamment proximale en tissu sain grâce à l’exposition originale avec le speculum nasal peuvent expliquer en partie ce taux de réussite significatif, de même que l'utilisation d'instruments spécifiques pour améliorer l'exposition urétrale proximale et la réalisation des sutures lors de l’anastomose.

De nombreuses larges études ont rapporté les résultats des traitements pour les sténoses urétrales bulbaires proximales consécutives aux fractures pelviennes, avec des taux de succès à long terme favorables de 86-93% pour le traitement le plus utilisé, à savoir l’urétroplastie par résection-anastomose5,41–44. En revanche, la littérature est moins riche en ce qui concerne les traitements pour les sténoses urétrales bulbaires proximales d’origine non traumatique. La dilatation urétrale et l'urétrotomie interne ont l’avantage d’être des procédures minimalement invasives, mais leurs taux d’échec sont similairement significatifs, de l’ordre de 30-65 %32,45–47 à long terme. Le succès de ces traitements dépend principalement de la localisation et de la longueur de la sténose, avec les taux de succès les plus élevés pour les sténoses bulbaires de moins de 1 cm33,34.

Les urétroplasties par résection-anastomose pour le traitement des sténoses urétrales bulbaires proximales ou bulbo-membaneuses non-traumatiques montrent de meilleures

réussites que les deux techniques précitées (cf tableau 1). Toutefois, les très bons résultats de Morey et al.48 et Terlecki et al.2 doivent être mitigés par le fait que le suivi est trop court. Il est en effet primordial de rappeler que les taux de récidive post urétroplastie par résection-anastomose sont connus pour augmenter progressivement jusqu’à 5 ans après intervention3, avec un temps de récidive moyen d’environ 2.5 ans49. En accord avec ce qui précède, les résultats à moyen terme diminuent mais restent globalement bons et varient entre 63-83 %. Les succès les moins bons sont retrouvés pour les sténoses d’origine post-radique. Hofer et al. de même que Keith et al. ont en effet montré des taux de récidive significatifs pour ce type d’étiologie spécifique, de 37 % et 30 % respectivement50,51. Les sténoses post-radique ayant été exclues de notre cohorte, il est possible que ceci explique en partie notre taux de succès plus élevé comparé à ces études.

Tableau 1. Récapitulatif des études sur les urétroplasties par résection-anastomose pour les sténoses urétrales bulbaires proximales non traumatiques (en caractères gras, les études avec un suivi ≥ 2.5 ans).

Année de

Le tableau 2 résume les résultats des études obtenus avec les autres techniques d’urétroplastie pour les sténoses bulbaires proximales non traumatiques. Utilisée pour les sténoses souvent plus longues, les urétroplasties avec tissu de substitution aboutissent à de bons taux de succès à moyen terme, globalement similaires à ceux des urétroplasties par résection-anastomose. Seule l’étude de Gimbernat et al. rapporte un meilleur taux de succès de 93 % à 4.5 ans de suivi, avec 1 patient sur un petit collectif de 14 qui a bénéficié d’une dilation urétrale à 4 ans post-opératoires et a donc été considéré comme un échec55. Toutefois, leurs résultats mentionnent 3 autres patients avec des signes endoscopiques ou radiologiques de récidive de sténose au cours du suivi, sans que ces derniers n’aient été considérés comme des échecs au vu de leur amélioration clinique post-opératoire.

A l’heure actuelle, l’urétroplastie par résection-anastomose est dès que possible privilégié par rapport à l’urétroplastie avec tissu de substitution, et il est légitime de se demander pour quelles raisons. Premièrement, les taux de succès diminuent significativement avec le temps pour cette dernière technique, au-delà même de 10 ans post-opératoires. Dans une étude de Andrich et al. publiée en 2003 avec le plus long suivi de la littérature actuelle, il a en effet été rapporté sur 116 patients traités par urétroplastie avec tissu de substitution pour des sténoses urétrales bulbaires de localisation et d’étiologie mixtes, des taux de récidive diminuant significativement avec le temps (21 %, 31 %, et 58 % à respectivement 5, 10 et 15 ans post-opératoires)3. D’autre part, la difficulté technique de suture du greffon à une localisation périnéale profonde, ou encore les risques post-opératoires de sacculation avec perte d’urine involontaire post-mictionnelle et éjaculation

« baveuse »56,57, peuvent aussi expliquer son utilisation encore limitée aux sténoses ne pouvant être traitées par résection-anastomose, soient en général celles de plus de 2 cm.

Enfin, l'urétroplastie anastomotique sans transsection avec épargne vasculaire bulbo-urétrale est une technique opératoire prometteuse, avec d’excellents résultats à court terme pour les sténoses proximales courtes non associées aux fractures pelviennes40,58,59. Ces résultats sont néanmoins préliminaires avec des suivis de tout juste 12 à 18 mois. Il est également à souligner que cette intervention, au même titre que l’urétroplastie par tissu de substitution d’ailleurs, ne permet pas d’exciser entièrement le tissu sténotique cicatriciel et certains chirurgiens craignent que cela puisse entraîner des taux de récidive plus élevés à long terme. À ce stade, d’autres études sont donc encore nécessaires pour évaluer les réels avantages de cette nouvelle technique par rapport à l'urétroplastie par résection-anastomose classique.

Tableau 2. Récapitulatif des études sur les autres techniques d’urétroplastie pour les sténoses urétrales bulbaires proximales non traumatiques

Dans notre cohorte, la longueur de la sténose et le débit maximum (Qmax) pré-opératoire étaient similaires chez les patients ayant récidivé et chez ceux ayant bénéficié de l’intervention avec succès, ces deux facteurs n’étant donc pas pronostiques de récidive.

En revanche, concernant l'étiologie, nous avons observé que les sténoses post-RTU présentaient un taux d'échec (33 %) quatre fois plus élevé que celui des sténoses sondage et des sténoses idiopathiques (8 %). Les sténoses bulbaires proximales post-RTUP ne sont pas rares64 (dans cette série, un tiers des patients), et présentent un double défi. Le premier est attribué à la crainte que l'anastomose de la portion urétrale distale sur le sphincter urétral externe puisse compromettre la continence, en raison du fait que le col vésical réséqué et largement ouvert post-RTUP ne peut plus fonctionner comme mécanisme primaire de continence. En effet, dans le cadre d'une urétroplastie bulbo-prostatique pour sténoses post-traumatisme pelvien, où la fonction du col de la vessie est rarement compromise, une telle complication est rarement rencontrée36,65. Toutefois, contrairement à ce que l’on pourrait craindre quant à ce risque présumé sur la continence, notre étude montre que l'urétroplastie anastomotique n'a pas eu d'impact défavorable sur la continence des patients post-RTU. Ceci renforce l’intérêt thérapeutique de l'urétroplastie anastomotique pour de telles sténoses qui, en raison de la crainte de l'incontinence, sont trop fréquemment traitées par urétrotomies et/ou dilatations endoscopiques répétées sans succès. Le deuxième défi de ces sténoses post-RTU est à mettre en lien, selon les résultats de notre série, avec leur tendance plus élevée à la récidive comparé aux sténoses d’autre étiologie. Cela pourrait être lié à la quantité de fibrose générée par le diamètre important des résecteurs endoscopiques utilisés lors des RTU, ainsi qu'à l'éventuelle propagation de courant électrique pouvant causer des lésions thermiques urétrales. Dans notre série, 12 des 15 patients présentant une sténose post-RTU ont été opérés avec un résecteur de grande taille (26 Fr), introduit après un calibrage

urétral jusqu’à 28 Fr avec un uréthrotome d’Otis. Pour les 3 autres, les données étaient manquantes. Dans ce contexte, il semble donc que l'excision du tissu fibreux sténotique soit d’autant plus recommandée pour les sténoses post-RTU.

Nous avons également cherché à savoir si une chirurgie urétrale antérieure avait eu un impact sur le taux de succès post-urétroplastie, ce qui n'était pas le cas, comme le décrit également une autre série récente66. Cependant, bien qu’il n'y eût pas de différence statistiquement significative, nous avons observé que la majorité des patients qui ont récidivés avaient déjà subi une chirurgie urétrale (86 %). Il est par ailleurs intéressant de noter qu'aucune corrélation significative n'a été trouvée entre le type de chirurgie antérieure (urétrotomie interne ou urétroplastie de substitution par greffon) et la récidive.

L'urétroplastie par résection-anastomose est le plus souvent réservée aux sténoses d'une longueur ne dépassant pas 2 cm, car on craint en effet que la tension sur l’anastomose ne provoque une récidive sténotique ou des problèmes érectiles67,68. Cependant, il a été décrit des réparations anastomotiques réussies pour des résections urétrales allant jusqu'à 5 cm chez certains hommes présentant des sténoses urétrales bulbaires proximales48. Dans notre série, un patient de 69 ans a eu une urétroplastie pour une sténose de 5 cm suite à une oblitération proximale complète de l'urètre bulbaire qui ne permettait pas de réaliser une urétroplastie de substitution. L'intervention a été un succès

; malheureusement, le patient a développé une chorde ventrale post-opératoire en raison du raccourcissement urétral qui a nécessité un redressement pénien selon Nesbit. Dans la mesure du possible, et selon ce qui précède, l'urétroplastie par résection-anastomose doit donc être évitée pour les sténoses urétrales de plus de 2 cm de longueur.

La dysfonction érectile (DE) post-urétroplastie est également une complication fréquemment évoquée. Son étiologie évidente est liée au potentiel traumatisme opératoire partiel des nerfs érectiles situés à proximité de la face dorsale de l'urètre bulbaire proximal obligatoirement mobilisé et incisé pour obtenir une extrémité proximale saine à anastomoser. La séparation des corps caverneux est un autre facteur étiologique potentiel. A noter que cette complication est souvent mal évaluée69, et fréquemment qualifiée de transitoire et d'intensité légère70. De plus, il a été implicitement démontré qu'elle est plus fréquente chez les patients âgés69. Nous avons également observé un taux de DE de novo de 13 % dans notre série, décrit en majorité chez les hommes âgés (en moyenne 63 ans), ce qui est en accord avec ce qui précède. Ce taux est d’un ordre de grandeur similaire, bien que discrètement inférieur, au taux de 18-22,5 % associé à l'urétroplastie par résection-anastomose cité dans la littérature71,72. A noter qu’il n'y a pas d'impact érectile significatif chez les patients plus jeunes, comme le montrent les séries d'urétroplasties pour sténoses associées aux fractures pelviennes44,73, ainsi que dans notre cohorte, dont aucun des patients de moins de 40 ans n'a souffert de DE de novo.

Lors de la consultation pré-opératoire, nous informons désormais systématiquement les patients de plus de soixante ans de ce faible risque de DE. D’utilité certaine pour le raccourcissement du trajet urétral et donc du succès élevé de l’urétroplastie bulbaire transpérinéale, la séparation proximale des corps caverneux nécessite un potentiel compromis fonctionnel érectile chez la population de plus de 60 ans.

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