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Chapitre I : Films d’homopolymères

I. 3. Influence des solvants sur la séparation de phase

I.3.2. Solvants d’exposition

I.3.2.4. Discussion

Les mélanges de PS / PLA ont été exposés à trois solvants différents : toluène, DCE et THF. Ces solvants appartiennent chacun à l’une des trois catégories du groupe des solvants des deux polymères, soit aux solvants faisant peu gonfler les deux polymères (toluène), soit au solvant faisant gonfler beaucoup plus le PLA que le PS (DCE), soit aux solvants faisant gonfler de façon importante les deux polymères (THF).

L’évolution des morphologies ainsi que les morphologies finales sont les mêmes pour le toluène et le DCE. Des morphologies similaires ont été observées par Roy et al. pour un mélange PS / PMMA exposé à des vapeurs de toluène ou de chloroforme [Roy 2015]. Pour les deux solvants, le PMMA forme, initialement, des domaines discrets qui croissent jusqu’à se rejoindre pour former la matrice. Pour ces deux solvants, ces auteurs ont obtenu des domaines de PS d’un diamètre supérieur à 10 µm entourés de PMMA. La même morphologie a été obtenue pour les deux solvants étudiés bien que le toluène soit sélectif du PS et le chloroforme, du PMMA. Ils expliquent l’obtention de ces morphologies par les différences d’énergies de surface entre les polymères et la forte interaction entre le PMMA et le substrat. De plus, ils observent que la cinétique d’obtention de leur domaine est plus rapide pour le chloroforme que pour le toluène. Le toluène, étant un moins bon solvant que le chloroforme, la mobilité des polymères est moins importante. La réorganisation se fait donc moins rapidement. Wang et al. ont également obtenu des morphologies similaires pour un mélange PMMA / SAN mais par recuit thermique [Wang 2000]. Ils ont suivi l’évolution des morphologies au cours du temps. Ils ont mis en évidence trois étapes pour atteindre la morphologie finale. La première consiste en la ségrégation du film en trois couches : PMMA / SAN / PMMA (figure I.28 a). Ils expliquent l’obtention de cette première morphologie par le fait que le PMMA possède une plus grande affinité avec les deux interfaces (polymère / substrat et air / polymère). La seconde étape est une interconnexion du PMMA, ce qui donne pour une vue topographique de la surface des domaines de PMMA enfoncés (figure I.28 b). Cette morphologie est expliquée par une séparation de phase latérale dans la couche du milieu et un amincissement de la couche de mouillage de surface. La morphologie finale est constituée de domaines cylindriques de SAN de plus de 10 µm de diamètre inclus dans une couche continue de PMMA (figure I.28 c). Cette dernière

morphologie est formée par la fragmentation de la couche de SAN qui démouille dans celle de PMMA pour donner ces domaines.

Figure I.28 : Schémas extrait de la publication de Wang et al. expliquant les trois morphologies obtenues au cours du recuit thermique avec en noir le PMMA et en blanc le SAN.

Source [Wang 2000].

Dans notre cas, la cinétique est plus rapide pour le DCE. Comme pour Roy et al., le DCE a plus d’affinité pour les polymères que le toluène [Roy 2015]. La mobilité des chaînes est donc plus importante pour ce solvant. De plus, les tensions de vapeur saturante du DCE et du toluène sont de 87 et 29 hPa respectivement. Ainsi, les vapeurs de DCE vont s’établir plus rapidement que celles du toluène et donc favoriser une cinétique de réorganisation plus rapide.

Contrairement à Roy et al., nous ne pouvons expliquer l’obtention des morphologies obtenues dans le DCE et le toluène par la simple différence d’énergies de surface et d’affinités avec le substrat [Roy 2015]. En effet, les énergies de surface du PLA, du PS et du Si sont de 39, 41 et 36 mN.m-1 respectivement. Ainsi, d’après Roy et al., le polymère possédant la plus faible énergie de surface doit être présent à la surface du film, ce qui n’est pas notre cas puisqu’une couche de mouillage de PLA sur le substrat est présente

[Roy 2015]. Au contraire, tout comme Wang et al., la morphologie initiale est une

stable puisque l’énergie de contact entre les deux polymères qui sont incompatibles n’est pas minimale. Un schéma représentant de façon simplifiée l’évolution de la morphologie au cours du temps est proposé en figure I.29. Lors de l’exposition aux vapeurs de solvant, le toluène fait peu gonfler les deux polymères et le DCE possède un fort gonflement différentiel avec une très grande affinité avec le PLA. Ainsi, ces solvants ayant peu d’affinité ou une affinité très sélective ne permettent pas la compatibilisation des polymères entre eux. Le gonflement va donc provoquer la fragmentation de la couche de PS (figure I.29 b) et entraîner la minimisation de la surface de contact entre les deux polymères [Wang 2000]. Ceci va entraîner une augmentation de la rugosité de surface qui est observée en figures I.23 a-c, I.25 a-b. Ces fractures vont s’élargir jusqu’à former des domaines cylindriques de PS (figure I.29 c) [Heriot 2005]. L’évolution et l’obtention de la morphologie finale ne peut être réalisée que pour des solvants ne permettant pas la compatibilisation des deux polymères. En effet, l’énergie de contact entre les deux polymères est la plus faible pour des domaines de taille importante. Pour un film de PS / PLA de 100 nm d’épaisseur, la surface de contact entre le PS et le PLA pour des domaines de 1 µm est de 1000 µm² et pour 10 µm seulement de 90 µm². La présence d’une couche de mouillage de PLA sur le substrat est due à sa plus faible différence d’énergie de surface avec le silicium, ce qui traduit une plus grande affinité du PLA pour le substrat. Les morphologies obtenues présentent donc une couche complète de mouillage de PLA sur le silicium avec des domaines discrets de PS inclus dans cette couche (figures I.22 g, I.23 m, I.24 j, I.25 m).

Figure I.29 : Schémas représentant la morphologie d’un mélange PS / PLA (a) après spin-coating ; (b), (c) pendant l’exposition aux vapeurs de DCE ou de toluène. Les schémas du haut

représentent les morphologies vues sur la tranche et ceux du bas vues du dessus. Le PLA est représenté en rouge et le PS en bleu. Le hachurage représente la présence d’une fine couche

Pour le THF, la morphologie finale est totalement différente. A partir d’un certain taux de gonflement, les domaines de PLA ne grossissent plus (figures I.26 f, I.27 e). Un schéma représentant de façon simplifiée l’évolution de la morphologie au cours du temps est proposé en figure I.30. Le THF est un solvant particulier : il fait gonfler de façon importante les deux polymères. Ceci traduit une grande affinité du solvant avec le PS et le PLA. Ainsi, il permet la compatibilisation des deux polymères. Contrairement au toluène ou au DCE, la minimisation de la surface de contact entre les polymères n’est alors plus un facteur prépondérant. Cette grande affinité permet également de moyenner l’énergie de surface du système et ainsi éviter la présence d’une couche aux interfaces (polymère / substrat et solvant / polymère). La couche de PS va alors se fragmenter en de multiples endroits afin de permettre aux deux polymères d’être aux deux interfaces (figure I.30 b, c). Il n’y aura alors pas de coalescence des domaines puisque la minimisation de la surface de contact entre les polymères n’est plus importante grâce à la compatibilisation induite par le THF. Une morphologie avec des domaines cylindriques traversants sub-micrométriques est alors obtenue (figures I.26 g, I.27 j). Par ailleurs, d’après Walheim et al., l’enfoncement ou non d’un polymère vis-à-vis d’un autre est fonction du taux de gonflement du polymère dans le solvant [Walheim 1997]. Le PLA gonflant à un taux de 3 et le PS de 2,5 dans le THF, le PLA doit se rétracter le plus et par conséquent être plus bas que le PS après le dégonflement (figure I.30 d). Ceci est en accord avec l’observation AFM (figure I.26 g).

Figure I.30 : Schémas représentant la morphologie d’un mélange PS / PLA (a) après spin-coating ; (b), (c) pendant l’exposition aux vapeurs de THF ; (d) après l’exposition aux vapeurs de THF. Les schémas du haut représentent les morphologies vues sur la tranche et ceux du bas vues du dessus. Le PLA est représenté en rouge et le PS en bleu. Le hachurage représente la

Pour conclure, l’affinité des solvants pour les polymères ainsi que les énergies de surface ont permis d’expliquer les morphologies finales. De plus, elles ont été produites par un mécanisme de démouillage d’une couche de polymère sur une autre pour les trois solvants. Des domaines séparés latéralement de forme cylindriques et de taille sub-micrométrique avec une faible dispersion n’ont pu être obtenus que pour l’exposition aux vapeurs de THF grâce à sa grande affinité pour les deux polymères. Ainsi, pour la suite, l’exposition sera réalisée avec ce solvant.

I. 4. Paramètres influençant la taille des