CHAPITRE 3 : RESULTATS ET DISCUSSION
3.2. DISCUSSION
La prévalence élevée de patients infectés par HBV est certes liée à leur recrutement
dans un service d'hépatologie. Cependant, une étude réalisée entre Novembre et
Décembre 2005 chez 525 enfants centrafricains consultant pour une suspicion de
paludisme a montré que la prévalence des marqueurs du VHB était de 10 % pour
l’AgHBs et de 16 % pour les anticorps anti-HBc (travaux de thèse de Ndala Stella,
Institut Pasteur de Bangui). avec une augmentation brutale du taux d’anticorps
anti-HBc (49,1 %) dans la tranche d’âge des 10-16 ans, suggérant une acquisition de
l’infection lors des jeux, de la pratique de sport ou des premiers rapports sexuels. Cette
dernière hypothèse est renforcée par les résultats d’un dépistage réalisé chez les
adolescents et jeunes adultes sexuellement actifs reçus en consultation au centre
MST/SIDA de Bangui, qui a montré que la prévalence de l’infection par le VHB était de
89 % et celle de l’AgHBs était de 15,4% (Pawlotsky et al., 1995).
La présente étude montre que le VHB de génotype E, largement prédominant en
Afrique sub-saharienne dans un territoire allant du Sénégal à l’Angola (Figure 31),
s'étend assez loin à l'Est incluant au moins les régions les plus peuplées de la RCA. Plus
de 98% de séquences ont été obtenues chez les patients AgHBs et Anti-HBc positifs
atteints d’hépatite chronique. Ainsi cette prévalence élevée pourrait être biaisée si les
souches du génotype E sont plus susceptibles de provoquer des infections chroniques ou
bien s'ils ont une infectivité périnatale plus élevée. Cependant, des études semblables
réalisées avec des populations non sélectionnées dans d'autres pays de l’Afrique
Subsaharienne (Bénin, Togo, Mali, Gabon et le Cameroun), et chez les patients atteints
d’hépatite chronique au Nigeria et en Côte d'Ivoire (Odemuyiwa et al., 2001; Suzuki et
et al., 2006; Huy et al., 2006) ont montré aussi une prévalence élevée du génotype E.
Celle-ci variait de 43% au Cameroun à 87,4% chez les patients atteints d’hépatite en
Côte d'Ivoire, mais elle reste néanmoins inférieure à celle observée en RCA.
La variabilité des séquences entre les souches de la RCA au sein du génotype E reste
faible (1,37%) en ce qui concerne le génome complet ; cela n’augmente pas non plus
lorsque ces séquences sont comparées aux séquences génomiques complètes de tous les
VHB du génotype E enregistrées dans les bases de données (1,67%). Des analyses
précises par comparaison de séquences ont montré que la majorité des souches
centrafricaines du génotype E était semblable aux souches isolées dans certains pays de
l’Afrique de l’Ouest. En effet, le génotype E est présent dans de nombreux pays
d’Afrique de l’Ouest, en République Démocratique du Congo et en Angola où il est soit
le seul génotype présent soit le génotype prédominant. La faible variabilité de séquence
du génotype E et son endémicité exclusive en Afrique Sub-saharienne laisseraient penser
qu’il est d’émergence récente, à partir d’un virus apparenté, au sein des populations
africaines (Mulders et al., 2004). Le génotype E n’a pas été décrit jusqu’à présent au
sein de la population noire d’Amérique originaire d’Afriquemais quelques cas isolés ont
été décrits chez les africains noirs vivant en Europe (Ganne-Carrie et al., 2006) et chez
un argentin d’origine africaine en Amérique du sud (Mathet et al., 2006). Cela renforce
l’hypothèse selon laquelle une introduction récente dans la population africaine aurait
pour origine le singe, et plus particulièrement le chimpanzé, dont les virus ont des ADN
de séquences proches de celle du génotype E. (Norder et al., 1994; Aurauz-Ruiz et al.,
1997; Takahashi et al., 2000). Après un tel événement, dû à un contact accidentel, une
dissémination rapide à la faveur de brassage de populations pourrait expliquer une
distribution géographique relativement limitée et l’apparente homogénéité de ce
génotype. La faible diversité du génotype ainsi que les faibles valeurs de Bootstrap ne
permettent pas de délimiter les régions géographiques d'où le virus a pu émerger.
La souche de génotype A1 présente en RCA diffère de celles décrites au Cameroun et
au Mali mais elle se regroupe dans un cluster avec les souches du génotype A1
fréquemment décrites en Afrique Orientale et du Sud (Malawi, Tanzanie, Ouganda et
Afrique du Sud (Kramvis et al., 2002; Sugauchi et al., 2002; Kimbi et al., 2004
Hannoun et al., 2005).
Les trois souches de génotype D selon leur embranchement sur l’arbre et les distances
génétiques, semblent partager un ancêtre commun avec les souches identifiées comme
étant du groupe D4. Ces souches très minoritaires pourraient être d’importation.
Les recombinaisons de génomes de VHB semblent être plus fréquentes que prévues
(Hannoun et al., 2000; Sugauchi et al., 2002; Kurbanov et al., 2005). Plusieurs
génotypes hybrides ont été décrits tels que C/D au Tibet (Cui et al., 2002), une
recombinaison entre les génotypes A et C au Viêt-Nam (Hannoun et al., 2000). Au
Nigeria, le génotype A (Mulders et al., 2004; Olinger et al., 2006)recombiné avec une
séquence E/D en une triple recombinaison.Ici un nouvel hybride, du VHB de génotypes
E (gènes S-X) et D (gène préC/C),a été identifié. Le site de recombinaison a été localisé
dans le gène C, mais il n’est pas possible de déterminer si la souche d’origine est du
génotypes D3 ou du génotype D4, car seule une séquence incomplète des souches
somaliennes du génotype D4 est disponible. Les séquence de la région correspondant aux
gènes X et C des génotypes E et D sont très semblables suggérant qu'un précurseur de
Figure 30 : Répartition des génotypes du VHB en Afrique.
Les différentes couleurs indiquent les différents génotypes.
Les résultats partiels de la 2
èmepartie de ce travail montrent que le carcinome
hépatocellulaire est une pathologie fréquente en RCA avec une prédominance dans la
population masculine et, selon les données de l’imagerie médicale, les patients consultent
CHC en RCA. De plus, chez 26,5% des patients le virus de l’hépatite Delta (VHD) est
associé aux formes graves de la maladie. Quelques études ont montré que la surinfection
par le VHD entraîne fréquemment une hépatite chronique active qui évolue dans 60 à
70% des cas vers des cirrhoses juvéniles (en 2 à 6 ans) et s’associe à un développement
précoce du CHC (Mammette A, 2002). Cependant, le potentiel oncogénique direct du
VHD reste controversé.
L’échographie est un moyen d’exploration essentiel qui a permis l’orientation du
diagnostic du CHC et la répartition des lésions hépatiques observées en deux entités
différentes : les masses (69%) et les nodules uniques ou multiples de taille variable
(31%). Elle doit cependant s’intégrer aux autres examens spécifiques telle que la
cytologie qui reste l’examen de certitude de diagnostic d’un CHC car, le dosage de l’AFP
en situation de diagnostic est insuffisant d’autant que chez 12% de patients dont le CHC
a été confirmé par les examens cytologiques, l’AFP n’était pas sécrétée. Par ailleurs
l’échographie a aussi ses limites même si ici, la confusion d’un CHC avec un abcès de
foie ne représentait qu’un cas. De plus, la pratique de la cytoponction, même si elle est
échoguidée, nécessite une certaine expérience de l’opérateur.
La RCA est située en zone tropicale où, le climat chaud et humide remplit les
conditions idéales de synthèse des aflatoxines par les Aspergillus ; aussi le risque de
survenue des CHC lié à l’infection par le VHB et l’exposition à l’AFB1 doit être pris en
Dans le document
Aspects cliniques et épidémiologiques des infections à virus de l'hépatite B en République Centrafricaine
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