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D- Relation concentration effet chez les patients atteints d’un carcinome rénal

IV- Discussion

Cette étude est la première à montrer une association entre la concentration nivolumab et la réponse clinique. Nous mettons en évidence une meilleure SSP chez les patients ayant des concentrations de nivolumab élevées, aussi bien chez les patients porteurs d’un CBNPC (p=0,018) que chez ceux atteints d’un CR (p=0,039). De plus, chez les patients atteints d’un CBNPC, nous avons observé que la survenue du premier effet indésirable était plus rapide lorsque la dernière concentration mesurée (p=0,004) ou lorsque la concentration mesurée à l’équilibre (p=0,038) était élevée.

La relation concentration-effet du nivolumab a été peu étudiée. La réponse clinique a été corrélée aux concentrations sériques de nivolumab dans certaines études (7,8) mais non confirmée par d’autres (9–11). Aucune étude n’avait observé d’association entre la survenue d’effets indésirables et des concentrations élevées de nivolumab (10–12) (Tableau 1).

Les concentrations sériques résiduelles mesurées dans notre étude étaient du même ordre de grandeur que celles rapportées dans la littérature (17,18). Elles étaient comparables chez les patients atteints d’un CBNPC et d’un CR. De manière inattendue, la demi-vie d’élimination du nivolumab était plus élevée dans notre étude (60 jours) que dans la littérature (environ 25 jours) (12). Cette différence de demi-vie a également été constatée avec d’autres anticorps thérapeutiques, comme avec l’anticorps anti-CD20, le rituximab. Elle était de de 21 jours chez les patients atteints d’un lymphome folliculaire (19) ou de polyarthrite rhumatoïde (20), alors qu’elle est de 37 jours chez les patients atteints d’un lymphome B à grandes cellules (21). De même l’anticorps anti-HER2, trastuzumab, présente une demi-vie d’élimination plus élevée chez les patientes présentant un cancer du sein métastatique (22) que chez celles atteintes d’un cancer du sein localisé (23). De manière analogue, la demi-vie de l’anticorps anti-VEGF, bevacizumab, est allongée chez les patients atteints d’un carcinome colique métastatique par rapport aux patients non métastatiques (6). Une des sources possibles de ce phénomène pourrait être la rétention de l’anticorps monoclonal par les antigènes cibles de la tumeur (24). Dans notre étude, l’allongement de la demi-vie à 60 jours entraîne l’obtention d’un état d’équilibre des concentrations sériques de nivolumab plus tardif. Ainsi, celui-ci se situerait à environ 300 jours après l’initiation du traitement contre classiquement 125 jours. Ce retard dans l’obtention des concentrations optimales pourrait également différer l’effet thérapeutique. L’administration de dose(s) de charge, comme cela a été proposé pour le trastuzumab, dans le cancer du sein (25), est une piste de recherche intéressante pour l’amélioration de l’efficacité thérapeutique du nivolumab.

Dans notre étude, nous avons montré que le poids, la leucocytose et la concentration de l’albumine influençaient la PK du nivolumab. Ces paramètres sont classiquement associées à des variations de clairance des différents anticorps thérapeutiques (5,6) incluant le nivolumab (9). Un poids élevé entraine une augmentation de la clairance et donc une diminution des concentrations du nivolumab. A l’inverse, un poids faible entraine une diminution de la clairance du nivolumab et donc des concentrations plus élevées. Il y aurait donc un risque de sur-exposition des patients et donc d’observation d’effets indésirables lors de l’administration,

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à dose fixe, du traitement. Cependant, récemment (16), les concentrations sériques résiduelles et la survenue d’effets indésirables ont été étudiés selon trois modes d’administration, la dose usuelle de 3 mg/kg versus une dose fixe à 240 mg toutes les 2 semaines ou 480 mg tous les mois. Aucune différence n’a été retrouvé entre les trois modes d’administrations et les concentrations résiduelles de nivolumab observées et la survenue d’effets indésirables (16). Le poids médian était identique (80 kg) dans les trois groupes, révélant ainsi une équivalence de dose entre l’administration standard de 3 mg/kg et les doses fixes de 240 mg ou 480 mg (16). Dans notre étude, le poids médian était inférieur, 70 kg chez les patients atteints d’un CBNPC et 72 kg chez ceux atteints d’un CR. Ainsi, l’administration du nivolumab à dose fixe pourrait amener à une sur-exposition des patients en pratique clinique.

Par ailleurs, l’analyse des covariables a permis de montrer que l’augmentation de la numération de leucocytes est associée à une augmentation de la clairance du nivolumab. Cette observation peut être expliquée par l’augmentation de la masse antigénique. La masse antigénique correspond au nombre de cellules immunitaires exprimant PD-1, elle est responsable d’une captation plus importante du nivolumab et donc d’une diminution du nivolumab libre sérique. Cependant, nous n’avons pas retrouvé de variation de la clairance du nivolumab au cours du temps liée au volume tumoral précédemment rapporté (26) ni observé d’influence du type de tumeur ou du nombre de sites métastatiques sur la PK du nivolumab. Cela suggère des liens complexes entre masse antigénique et pharmacocinétique. L’observation d’une corrélation inverse entre l’albuminémie et la clairance du nivolumab pourrait être lié à l’activité du FcRn (Neonatal Fc Receptor). Le FcRn est un récepteur de la portion Fc des IgG impliqué dans le recyclage des IgG dans le sérum évitant ainsi le catabolisme endothélial des IgG. Puisque l’albumine et les IgG sont toutes deux recyclées par le FcRn dans le sérum de façon non compétitive (27), le lien entre faible concentration d’albumine et forte clairance des anticorps pourrait être dû à une activité du FcRn faible.

Dans notre étude, la dernière concentration mesurée semble être la manière la plus pertinente pour apprécier l’exposition au nivolumab. La mesure de l’aire sous la courbe (AUC ou Area Under the Curve) est le « gold standard » pour décrire la relation concentration-effet. Cependant l’estimation de l’AUC nécessite de riches données PK et donc un nombre important de prélèvements sanguins. Ces conditions sont difficiles à obtenir en pratique clinique. Les concentrations résiduelles que nous avons choisi de mesurer sont celles étudiées dans toutes les études PK du nivolumab (7–12,17,18). Elles sont également plus souvent étudiées que l’AUC pour beaucoup d’autres anticorps thérapeutiques (5,6,22,28).

La dernière concentration mesurée était dans notre étude la concentration permettant le meilleur reflet de l’exposition des patients au nivolumab. En effet, l’état d’équilibre n’a pas été atteint chez tous les patients, souvent du fait d’une progression précoce de la maladie. Ainsi l’analyse de la concentration à l’état d’équilibre entrainait une perte de puissance liée à la diminution de l’effectif. Néanmoins, l’analyse de la dernière concentration mesurée présente l’inconvénient d’étudier les données à des moments différents par rapport à l’initiation du traitement. La dernière concentration était celle observée à la progression de la maladie chez 24 patients (37,5%), 17 (39,5%) atteints d’un CBNPC et 7 (33,3%) atteints d’un CR. Il serait intéressant d’inclure uniquement des patients dès l’initiation du traitement par nivolumab pour

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une évaluation plus précise de la relation concentration-effet. Par ailleurs, dans cette étude l’influence des concentrations sur la SSP, sans incidence sur la réponse objective, pourrait suggérer que la réponse objective n’est pas corrélée à la SSP. En revanche cela suggère que le maintien de la réponse thérapeutique dépend de l’exposition au nivolumab. Ainsi, une exposition suffisante au traitement permettrait un bon maintien thérapeutique et un allongement de la SSP. Il serait intéressant de déterminer la PK rapidement après l’initiation du traitement afin de calculer la dose nécessaire pour que chaque patient soit au-dessus d’une certaine valeur seuil de concentration (cut-off à définir).

Dans les études d’enregistrement du nivolumab (10–12), les concentrations élevées de nivolumab n’étaient pas associées de manière statistiquement significative à la fréquence de survenue des effets indésirables. Ces études de développement du nivolumab concernaient des patients sélectionnés, toutes pathologies confondues, avec moins de comorbidités et en général plus de lignes de traitements antérieurs. Les analyses pharmacocinétiques nécessitent toujours d’être réalisées en pratique clinique pour être plus proche de « la vie réelle".

Nos résultats suggèrent que l’augmentation de l’exposition au nivolumab augmente son efficacité mais également les effets indésirables liés au traitement, chez les patients atteints d’un CBNPC et d’un CR. Une augmentation des doses de nivolumab pourrait être proposée en cas de concentration sérique basse afin d’éviter une progression de la maladie par sous-exposition. Une diminution de la dose administrée pourrait être envisagée lorsque les concentrations sériques sont élevées afin d’éviter d’éventuels effets indésirables. La connaissance de la pharmacocinétique pourra permettre, à terme, de définir la posologie optimale pour chaque patient. Cette dose pourra permettre d’atteindre la concentration de nivolumab permettant de maximiser la réponse clinique tout en minimisant le risque de survenue d’effets indésirables.

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