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Chapitre 2 Patrons de végétation riveraine bordant les principaux types de

2.5 Discussion

La plupart des études en milieu riverain comprenant des dispositifs dans différentes régions ont cherché à minimiser les écarts environnementaux entre ces régions afin d’évaluer des patrons généraux de répartition de la végétation riveraine pour l’ensemble de leur aire d’étude (Tabacchi et Planty-Tabacchi 1996, Pabst et Spies 1999). Sans faire directement l’objet de leur étude, l’influence de la région échantillonnée et de la taille des cours d’eau sur les gradients environnementaux locaux a déjà été relevée par Pabst et Spies (1999) pour les essences forestières. Nos résultats confirment ceux de Pabst et Spies (1999) à l’effet que, selon le contexte régional, ce ne sont pas les mêmes facteurs qui influencent la végétation riveraine à l’échelle du site.

No mbr e mo yen de types de végétations di ff érentes p ar cour s d ’e au ou pla n d’ea u

Sur le Plateau de la Basse-Côte-Nord, d’après l’arbre de régression multivariable, le milieu riverain semble majoritairement sec tout le long des rives et la végétation varie d’un site à l’autre selon le type de milieu aquatique, soit lotique ou lentique, et selon le type de dépôts de surface en milieu lotique. À l’échelle du bassin versant, en relief très accidenté, d’importants processus d’érosion et de sédimentation entrainent souvent une différentiation des types de dépôts de surface et cette différentiation influence généralement la répartition de la végétation riveraine (Gregory 1992). Par contre, à l’échelle du site, le relief très abrupt, comme c’est le cas des vallées encaissées du Plateau de la Basse-Côte-Nord, entraîne peu de patron de végétation riveraine à partir de la rive vers les hautes terres. La végétation riveraine n’est souvent plus en contact avec le milieu aquatique en raison d’une accumulation de sédiments ou de fréquents glissements de terrains. L’observation d’éléments de végétation particuliers au milieu riverain peut n’être que le reflet des vestiges de l’influence du milieu aquatique dans les processus pédologiques passés (Malanson 1993, Guénat et al. 2003). Sans être déconnectée, la végétation riveraine peut également être restreinte à de très étroites zones par la faible étendue des gradients écotonaux (Pinay et al. 1990). Au contraire, d’amont en aval, sous de forts gradients d’influence des processus hydrologiques, un tri des particules de dépôt de surface s’effectue et entraine généralement une distinction des rives en zones de milieux physiques plus homogènes le long des cours d’eau et plans d’eau (Guénat et al. 2003). Toutefois, la plus grande diversité de rives a été trouvée dans les Laurentides centrales plutôt qu’au Plateau de la Basse-Côte-Nord. Ce résultat non attendu pourrait s’expliquer justement par l’étroitesse du milieu riverain naturel pour le Plateau de la Basse- Côte-Nord qui serait sous le seuil de l’aire minimale de cartographie utilisée pour la carte écoforestière. Les polygones supposés représenter la végétation riveraine représenteraient alors plutôt l’écosystème terrestre adjacent comparativement à la végétation riveraine des Laurentides centrales qui serait davantage cartographiée. La plus grande diversité de types de végétation le long des rives dans les Laurentides centrales pourrait donc être due à un relief à la fois suffisamment

abrupt pour diversifier les processus survenant le long du canal et suffisamment plat dans l’axe latéral pour permettre le développement de communautés végétales diversifiées qui se poursuivent sur de longues distances le long des tronçons de rives. Dans des provinces naturelles plates comme les Basses-terres de l’Abitibi, une plus grande diversité de communautés végétales à partir de la rive vers les hautes terres serait liée à des conditions édaphiques et de drainage qui changent graduellement le long du profil d’élévation, permettant l’établissement de communautés riveraines qui couvrent de plus larges distances (Guénat et al. 2003). Ces communautés riveraines, puisque plus étendues, sont mieux définies et expliquent le plus grand nombre de groupements végétaux dans les Basses- terres de l’Abitibi. Au contraire, dans l’axe amont-aval, les processus hydrologiques responsables des changements pédologiques et de la création de types géomorphologiques sont moins accentués en raison de la faible dénivellation (Pinay et al. 1990, Gregory 1992, Piégay et al. 2003a) et expliqueraient une moins grande diversité le long des rives, telle que trouvée lors de l’analyse géomatique.

À l’échelle du site, le profil d’élévation détermine de manière importante les niches de végétation riveraine. Alors que de nombreuses études se sont intéressées à la délimitation d’habitats et de services écologiques riverains sans tenir compte des variations topographiques (O'Connell et al. 1993, Kennedy et al. 2003, Marczak et al. 2010), l’ analyse de diversité alpha confirme l’influence plus forte de l’élévation par rapport à la rive plutôt que la distance par rapport à la rive (Lyon et Sagers 1997, Boughton 2006), et ce, malgré une faible précision dans nos mesures d’élévation. L’élévation serait plus efficace que la distance à la rive pour résumer les principales variables physiques influençant la végétation riveraine, entre autres la profondeur et l’ampleur des fluctuations de la nappe phréatique (Metzger et al. 1997, Denneler et al. 1999) de même que le taux de matière organique au sol (Pautou et al. 1996).

Notre étude, comme plusieurs autres auparavant (Tabacchi 1992, Andersson et al. 2000, Hylander et al. 2002, Shafroth et al. 2002, Scalley et al. 2009), confirme le

paradigme d’une plus grande richesse spécifique en milieu riverain que dans le milieu terrestre adjacent. La richesse spécifique maximale a été observée au niveau de la rive et tendait à diminuer à mesure que le relief s’élevait. Les niches très humides en zone riveraine permettent la croissance d’espèces hydrophytes et hydrophiles retrouvées nulle part ailleurs en forêt boréale qu’aux bords des plans d’eau et cours d’eau. Contrairement à un écosystème plus sec, qui favoriserait une plus grande variation de composition entre le milieu riverain et le milieu terrestre par la création de niches très différentes (Sabo et Soykan 2006), un écosystème très humide de la forêt boréale (Wells et al. 2010) favorise la cohabitation en zone riveraine d’espèces boréales généralistes, qui sont bien souvent très tolérantes à l’humidité, et d’espèces particulières à la zone riveraine par l’ajout de niches très humides et ensoleillées. Une plus grande richesse spécifique près de la rive liée à l’ajout de niches spécifiques en zone riveraine et à un grande présence d’espèces généralistes a également été observée en forêt subtropicale humide peu perturbée (Scalley et al. 2009). Toutefois, le faible taux de corrélation entre la diversité alpha et l’élévation indique que d’autres facteurs environnementaux influencent la richesse spécifique et devraient être évalués, notamment par des mesures plus précises des conditions édaphiques (Lyon et Sagers 1997). En comparant la diversité de tous les transects, ceux faiblement inclinés possèdent une plus grande richesse, ce qui pourrait s’expliquer par un gradient d’influence hydrologique plus étendu, supportant ainsi plus d’espèces de milieu très humide que sur un transect à plus forte dénivellation (Pinay et al. 1990, Gregory 1992, Piégay et al. 2003a). Cette tendance vers une plus grande diversité lorsque l’élévation est faible a également été observée chez les champignons forestiers (Komonen 2009).

Au sein du milieu riverain, la végétation forme une mosaïque très diversifiée qui réflète un plus grand taux de changements en espèces dans ce milieu que dans le milieu terrestre adjacent (Decocq 2002, Scalley et al. 2009). Dans la région la plus plate, soit les Basses-terres de l’Abitibi, le taux de variation en espèces était très constant le long du transect. La faible dénivellation dans cette région forme des zones riveraines plus étendues en largeur et qui permettent aux espèces

hydrophiles et hydrophytes de se succéder sur une plus longue distance (Pinay et al. 1990). Les autres régions montraient des profils de changement en espèces bien différents et desquelles ressortaient trois sous-zones au milieu riverain. Tout d’abord, une première sous-zone de changement rapide se trouve près de la rive et semble correspondre à la perte des espèces hydrophytes dans les premiers mètres après la rive. Puis, l’atteinte d’un milieu plus homogène vers 40 m refléterait la localisation d’une sous-zone forestière sur un sol toujours humide où les espèces hydrophiles tolérantes à des conditions plus sèches et ombragées sont toujours présentes et partagent les niches avec certaines espèces généralistes de la forêt boréale qui tolèrent l’humidité. Cette sous-zone se poursuivrait tant que les conditions hydriques permettent le maintien à la fois d’espèces particulières au milieu riverain et de certaines espèces généralistes. Lorsque les conditions hydriques deviennent trop sèches pour les espèces particulières du milieu riverain, elles sont graduellement remplacées par la seule présence d’espèces généralistes, formant alors une sous-zone forestière sèche. Cette dernière sous-zone pourrait sans doute être distinguée de la zone terrestre adjacente d’après un changement en structure plutôt qu’en composition (non évalué ici). En général, lorsque le gradient d’humidité n’est plus présent, d’autres effets de lisière, comme la luminosité, contribuent à créer une végétation riveraine plus étagée. Cette végétation est d’ailleurs prisée par de nombreux animaux dont les oiseaux (Huot et Vandal 1985). Des mesures par couverts de strates précis auraient sans doute permis de mieux délimiter la fin de cette dernière sous-zone.

Les assemblages de végétation riveraine sont beaucoup plus complexes qu’un gradient régulier de pertes ou de gain d’espèces comme le décrivait Odum (1971). Contrairement à l’étude de Decocq (2002) qui attribuait différentes échelles spatiales d’influence pour différentes formes de végétation (herbacées, arbustes, arbres), il a été possible de créer des assemblages réalistes combinant des espèces herbacées, arbustives et arborescentes et répondant aux mêmes gradients environnementaux à une même échelle spatiale. Les groupements végétaux se distinguent majoritairement selon l’élévation à la rive, le drainage, le

type de sol et le type de cours d’eau ou plan d’eau. De plus, les toposéquences montrent que l’emplacement de chaque groupement par rapport à la rive est plus variable en distance qu’en élévation, réaffirmant que la mesure d’élévation permet de cerner plus précisément les patrons de la végétation riveraine. Les deux premières bipartitions confirment les résultats de l’analyse de variance pour données mutlivariables à l’effet que la province naturelle a une influence non négligeable sur la végétation riveraine. Tel que décrit précédemment, la structure de la végétation est simplifiée dans des régions au relief abrupt comme le Plateau de la Basse-Côte-Nord (Pinay et al. 1990). Les toposéquences pour les autres provinces naturelles confirment l’existence de trois sous-zones appartenant au milieu riverain : le dénudé humide, la forêt riveraine humide et la forêt riveraine sèche (Morissette et Donnelly 2010). Dans toutes les régions sauf sur le Plateau de la Basse-Côte-Nord, chaque sous-zone est représentée par un à trois différents groupements végétaux. Ce sont principalement les types de cours d’eau et plans d’eau affichant des profils d’élévation distinctifs qui sont caractérisés par des communautés différentes. Par exemple, dans les Hautes-terres de Mistassini, les lacs et les ruisseaux intermittents, qui ont un profil d’élévation plus incliné, ont des communautés plus productives près des rives alors que les rivières et les étangs, dont les profils d’élévation s’élèvent beaucoup moins par rapport à la rive, ont un dénudé humide peu productif composé d’espèces de tourbière. Dans les Laurentides centrales, les étangs, qui ont un profil d’élévation plus incliné que les autres types de plans d’eau et cours d’eau, ont une forêt riveraine sèche particulière : la pinède grise. Le pin gris est une espèce à cônes sérotineux dont la présence indique généralement le passage d’un feu (Stocks 1989). La forte élévation des peuplements trouvés près de ces étangs semble donc augmenter leur fréquence de perturbation par le feu. De manière générale, tous les peuplements de la sous-zone de forêt riveraine sèche sont plus à risque d’être perturbés par le feu en raison d’une humidité au sol plus faible (Braithwaite et Mallik 2012) comparativement au dénudé humide et à la forêt riveraine humide. D’après Boughton (2006), ce serait la modulation de l’intensité des perturbations sévères comme le feu par la topographie et l’humidité du sol qui maintiendrait en

grande partie les frontières entre les différentes sous-zones propres au milieu riverain. Les différentes communautés végétales trouvées semblent donc résulter à la fois de l’influence tridimensionnelle (longueur le long du cours d’eau, gradient transversal à partir de la rive vers les hautes terres et élévation par rapport à la rive) de la topographie à différentes échelles spatiales (province naturelle, site observé, microtopographie) et de son influence temporelle sur les perturbations naturelles dans le milieu riverain (récurrence du feu, des chablis, des barrages de castors, etc.).

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