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7.6.1

Solution continue

En tant utilisateur familier de techniques comme les noyaux de phase qui généralisent une solution discrète à des instruments continus, je ne peux m’empêcher d’envisager que ces concepts puissent donner lieu de manière pratique à des solutions continues en optique de volume. Hors, comme mis en évidence par l’équation (2.6), les combinaisons produites pour des directions situées symétriquement de part et d’autre de l’axe optique sont complexe conjuguées et donc énantiomorphes. Par conséquent, si ces deux combinaisons sont obscures, alors elles rempliront tous les critères identifiés dans ce chapitre et pourront constituer, par soustraction, des noyaux d’obscurité.

Il conviendra d’examiner en particulier la soustraction d’images obtenues avec des coronographes à masque de pupille binaire, par leur image tournée de 180 degrés. Cette approche peut être rapprochée aux travaux de Bloemhof (2006) sur la soustraction des speckles symétriques, et de Soummer et al. (2007) sur le speckle pinning. Le phénomène n’est donc pas inconnu, mais pourrait être difficile à obtenir aux plus faibles séparations.

7.6.2

Interprétation de mesures en noyau d’obscurité

Un aspect de ces noyaux d’obscurité qui les distingue d’autres observations interférométriques est que chaque sortie est le résultat de la combinaison, non-pas de paires de télescopes, mais de trois télescopes (comme pour les clôtures) ou plus. Par conséquent, les valeurs mesurées ne sont pas liées directement à des valeurs de visibilité qui seraient l’expression des fréquences spatiales correspondantes de la distribution d’intensité sur le ciel.

En d’autres termes, le théorème de Van Cittert-Zernike mentionné au chapitre 3 ne peut pas être utilisé directement. Cependant, les principes fondamentaux sur lequel il repose, l’incohérence des sources de lumière et la linéarité de la réponse, demeurent valides, et permettent la comparaison et l’ajustement de modèles, tout comme elles le permettent pour les clôtures et les noyaux de phase. Ici,

Figure 7.15: Une simulation du combineur annulant à trois entrées proposé par BRIGHT. La carte montre l’intensité du champ électrique à l’intérieur du coupleur à interférence multimode dans lequel sont injectés des champs électriques cophasés par les trois entrées à gauche. La totalité de ce champ cophasé produit une interférence constructive dans la première sortie, tandis que des champs spa- tialements incohérents produiraient de la lumière dans les deux autres sorties. Chacune des entrées et sorties présentent un amincissement progressif en forme d’entonnoir qui est optimisé pour mieux contrôler le contenu modal généré par la transition entre les guides d’ondes monomodes et multimodes.

10

5

0

5

10

Position relative (mas)

10.0

7.5

5.0

2.5

0.0

2.5

5.0

7.5

10.0

1.00

0.75

0.50

0.25

0.00

0.25

0.50

0.75

1.00

Figure 7.16: Une carte de colinéarité correspondant à une observation en snapshot du signal simulé avec d’un compagnon. Des contours noirs soulignent les valeurs les plus élevées, et un + rouge indique la position du compagnon. Même si la carte présente de nombreux extrema locaux, la position du maximum coïncide avec la position du compagnon. On peut noter également la nature antisymétrique de la carte.

la signature en intensité à la sortie du combineur d’une source ponctuelle d’intensité s localisée en un point (α, β) par rapport à l’axe optique peut s’écrire :

xO(α, β, s) = (Mz(α, β, s))∗◦ Mz(α, β, s) = [(mlz(α, β, s))∗mlz(α, β, s)]|l (7.28)

où ◦ désigne le produit de Hadamard (produit terme-à-terme) et z est le vecteur de champ électrique aux entrées, qui s’exprime (en l’absence d’aberrations) :

z(α, β, s) =h√sej2πλ(Xkαs+Ykβs)

i

|k (7.29)

où Xk et Yk sont les coordonnées projetées des sous-pupilles, et αs et βs sont les coordonnées sur le

ciel relatives à l’axe optique.

Ayant effectué les mesures d’intensité x à la sortie du combineur, on pourra donc réaliser un ajustement de modèle en noyaux d’obscurité en utilisant l’équation :

Kx = KxO+ εκ (7.30)

où K est la matrice du noyau qui réalise la soustraction par paire des nuls énantiomorphes, et εκ est

le résidu.

Des raccourcis, comme les cartes de colinéarité décrites en section 3.2.3 pourront toujours être utilisés. La figure 7.16 montre un exemple de carte pour le signal simulé d’un compagnon observé avec la configuration décrite en section 5.3 et figure 7 de l’article et utilisant un combineur à six télescope, alimenté par l’interféromètre CHARA observant au zénith. On peut noter que la carte présente de nombreux extrema locaux, à cause du petit nombre d’observables (10 dans ce cas). La super synthèse permettra d’augmenter le nombre d’observables et conduira à des cartes présentant (en l’absence de tout autre bruit) un maximum plus prononcé, marquant la position du compagnon comme c’est le cas avec les cartes de colinéarité des noyaux de phase. Cette étude fait l’objet de la thèse de Peter

Chingaipe de l’équipe KERNEL qui va également veiller à l’intégration et à la caractérisation du prototype de combineur fabriqué par BRIGHT Photonics.

Dans ce nouveau cas, le signal modèle (pour toutes les sorties du combineur) s’écrit : gO(α, β) = Z + inf − inf (Mz(α, β))∗◦ Mz(α, β) = " Z + inf − inf (mlz(α, β))∗mlz(α, β) # |l (7.31) En injectant (7.29) dans (7.31), on obtient, pour chaque sortie, l’équation qui joue le même rôle que (3.7). Ici, au lieu de former un jeu de franges, dont la visibilité complexe pourra être comparée à la fréquence spatiale correspondante du plan uv, on obtient une unique intensité par sortie.

De même que le théorème de Van Cittert-Zernike opère une comparaison dans l’espace de Fourier (une décomposition en fonctions propres du signal), le signal que nous mesurons ici est une projection de la fonction de distribution d’intensité de la scène sur la base décrite par xO. L’exploration des

propriétés de cette nouvelle transformée en est à son balbutiement. Il sera intéressant de comparer cette base à la base de Fourier qui sert généralement en interférométrie. L’existence de séparabilité, orthogonalité, ainsi que l’existence de relations linéaires de passage (de projection) de l’une vers l’autre pourraient faciliter l’adaptation de certains outils d’analyse des données et de reconstruction d’images.

7.6.3

Conclusion

Le concept de noyau d’obscurité, ou kernel nulling est un concept balbutiant qui donne un nouveau sens au sujet de cette thèse en combinant dans une même approche le rejet du bruit de photons nécessaire à l’obtention de mesures à haut contraste avec la construction d’observables robustes de l’approche kernel. Par la construction d’un nouvel outil de représentation nous avons pu consolider notre compréhension des principes qui permettent la production de ces observables robustes. Grâce à cet outil, nous avons pu démontrer leurs propriétés de robustesse et de sensibilité, ainsi que concevoir de tels combineurs pour un nombre arbitraire de pupilles.

Les interféromètres CHARA et VLTI sont maintenant équipés d’instruments capables de recombi- ner quatre télescopes ou plus (Lopez et al., 2014; Gravity Collaboration et al., 2017). Des améliorations de l’infrastructure (optique adaptative, suiveur de franges de GRAVITY (Choquet et al., 2010; Lacour et al., 2019a)) permettent d’envisager la mise en œuvre de combineurs optimisés pour les observa- tions haut contraste. Dans ces régimes, les solutions de recombinaison à noyaux d’obscurité sont très intéressantes.

Par ailleurs, la possibilité de construire ce type de combineurs produisant un grand nombre d’ob- servables ouvre la possibilité de mieux comprendre des objets plus complexes comme par exemple des systèmes abritant plusieurs planètes. Grâce à leur propriété de robustesse, de telles architectures pourraient prendre une place de choix dans la comparaison des coronographes à faible angle intérieur de travail analysés par Guyon et al. (2006). De plus, en combinant les noyaux d’obscurité à d’autres observables donnant accès à la partie symétrique de la scène observée, on peut même espérer un jour faire de la reconstruction d’images à haut contraste (Renard et al., 2015; Domiciano De Souza et al., 2014).

Chapitre 8

Conclusion

8.1

Contexte

L’état actuel de notre société permet le financement d’un nombre réduit d’instruments scientifiques de pointe dans le but de repousser la frontière de nos connaissances. Il est de notre responsabilité, non-seulement d’en faire le meilleur usage possible, mais aussi de partager le fruit de cet usage avec le plus grand nombre. Si la production de belles images joue un rôle important dans le partage de cette connaissance et la transmission de la passion qui nous anime pour l’exploration scientifique, l’exploitation de ces instruments à la limite de leur capacité offre généralement un aspect moins flatteur.

Ces limites sont définies par la quantité de lumière disponible, la dimension finie de l’instrument, les défauts de celui-ci et de l’atmosphère à travers laquelle il observe, et les défauts du détecteur ; plus particulièrement par les régimes dans lesquels ces défauts deviennent dominants. Connaître ces défauts, leur nature et leur comportement, permet d’employer les bonnes méthodes physiques, mathématiques, et statistiques pour les prendre en compte de la meilleure manière et fournir un résultat maîtrisé.