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La sensibilité d’un dosage correspond au risque pour le clinicien de ne pas classer comme malade un patient réellement atteint de la maladie recherchée. La spécificité est au contraire le risque de classer comme malade un sujet sain. En pratique quotidienne, le clinicien se pose la question de l’interprétation d’un résultat négatif ou positif, ce qui revient la plupart du temps à parler de VPP : quel est le risque pour un résultat positif de considérer comme malade un patient sain, et de VPN : quel est le risque pour un résultat négatif d’exclure la maladie chez un patient malade.

Un des inconvénients de la recherche de la protéine 14.3.3 par Western Blot est le caractère semi quantitatif de la technique utilisée et par conséquent l’existence d’une catégorie de résultats « douteux », intermédiaires entre le « positif » et le « négatif ». Une autre difficulté dans l’interprétation de cette recherche réside dans la non spécificité de la protéine 14.3.3 vis-à-vis des EST, de nombreuses autres causes pouvant être responsables de sa présence dans le LCR (Bahl et al, 2008; Hsich et al, 1996).

Pour exploiter les résultats de notre étude et décrire les performances analytiques de la recherche de protéine 14.3.3 dans le cadre du diagnostic d’EST du vivant du patient, nous pourrions considérer les douteux soit comme positifs, soit comme négatifs ou encore être un critère d’exclusion des patients de la cohorte étudiée. Dans la mesure où tous les patients inclus dans notre étude ont été caractérisés de façon définitive sur le plan du diagnostic de certitude vis-à-vis des EST, l’exclusion de ces cas diminuait de façon significative (14,2 %) notre cohorte. Nous avons donc décidé de les considérer soit comme négatifs, soit comme positifs.

En choisissant de les classer comme négatifs, la spécificité de la recherche de la protéine 14.3.3 est de 67,6 % pour une sensibilité de 74,8 % pour l’ensemble des étiologies d’EST. Cette sensibilité est très variable selon l’étiologie d’EST puisqu’elle varie de seulement 16,6 % dans les cas vMCJ à 84,3 % pour les formes sMCJ. Ces résultats sont cohérents avec ceux rapportés par Sanchez-Juan et al qui a choisi ce mode de classification des résultats douteux (Sanchez-Juan et al, 2006). Ces données sont notamment comparables pour les cas sporadiques qui constituent notre plus important sous-groupe (85 %). Pour les

formes génétiques, la sensibilité globale tend à s’approcher des formes sporadiques, même si elle s’avère être variable en fonction de l’anomalie génétique et la plus élevée, 66,6 %, dans la mutation la plus fréquente (E200K). Dans ce choix de classification, la VPN est de seulement 61,7 %, ce qui signifie que de nombreux cas positifs ne sont pas détectés. La VPP est de 79,3

% et représente le risque que le résultat positif soit attribué à un patient malade. Comme elle est assez faible, cela peut déclencher pour le clinicien la demande d’autopsie pour confirmation du diagnostic.

Dans notre pratique courante, le résultat douteux n’est pas considéré comme négatif mais au contraire il alerte le clinicien sur une éventuelle EST débutante. Du fait du caractère particulier lié au problème de santé publique des EST, on préfère considérer ce résultat douteux comme plutôt positif jusqu’à ce qu’il soit confirmé ou infirmé. Il est alors interprété en fonction des autres évènements intercurrents lors du prélèvement de LCR qui pourraient être responsable d’un phénomène de libération de protéine 14.3.3 non spécifiquement relié à une EST.

La spécificité dans la stratégie où les résultats douteux sont considérés comme positifs ne s’élève qu’à 47,3 %, ce qui est très faible et très sensiblement inférieur à la première option (67,6 %). Cela reflète sans doute un biais dans la sélection des cas non EST de notre étude.

Pour pouvoir classer correctement les résultats de protéine 14.3.3, nous avons choisi de n’inclure que les cas confirmés positifs ou négatifs sur tissu cérébral. Hors, sur la totalité de dans notre cohorte témoin, seuls 35 cas présentaient une recherche de protéine 14.3.3 initialement négative. Lors de la répétition de la ponction pour suivre la cinétique de la présence de la protéine 14.3.3, 6 cas sur les 7 douteux sont retrouvés douteux ou positifs et sur les 6 cas positifs ayant bénéficiés d’un deuxième prélèvement, 4 restent positifs. Ces résultats douteux ou positifs associés à des signes cliniques laissant un doute sur le diagnostic d’EST ont certainement motivé la réalisation de l’autopsie par les cliniciens pour obtenir un diagnostic de certitude. L’analyse du tissu cérébral obtenu lors des autopsies a montré pour la plupart de ces patients qu’ils souffraient de pathologies inflammatoires, infectieuses ou ischémiques, causes qui ont été reliées à la positivité de la recherche de la protéine 14.3.3 (Hsich et al, 1996; Sanchez-Juan et al, 2006). Notre cohorte de témoins négatifs n’est donc pas représentative des diagnostics définitifs de l’ensemble des cas de suspicion d’EST reçus au laboratoire. Il serait donc intéressant d’évaluer la spécificité de la recherche de protéine

14.3.3 vis-à-vis de l’ensemble des LCR analysés au laboratoire pour lesquels le diagnostic définitif d’EST a été exclu.

Dans cette stratégie où les résultats douteux sont considérés comme positifs, la sensibilité est meilleure puisqu’elle s’élève à 85,4 % dans l’ensemble de la cohorte. Là encore, il existe des variations significatives entre les étiologies : de 92 % pour les sMCJ à 66,6 % pour les formes acquises. La sensibilité de la recherche doit donc bien être spécifiée en fonction de l’étiologie envisagée. La VPP est de 72,9 % pour une VPN à 66% ce qui n’est pas très différent de l’hypothèse précédente. Là encore, la faible VPN déclenche pour le clinicien la demande de confirmation diagnostic sur autopsie. Les résultats douteux ont donc été considérés comme positifs pour la suite de l’exploitation des critères analytiques.

Pour les formes sMCJ, la répétition des ponctions améliore nettement la sensibilité, puis qu’elle atteint 96,6 %. Ces résultats sont cohérents avec ceux de la littérature (Gmitterova et al, 2008; Sanchez-Juan et al, 2007). La spécificité reste malgré tout faible (55,4 %). Toutefois, on remarque que la sensibilité est variable selon le sous-type de sMCJ.

Elle est notamment la plus faible pour les cas MV2, alors qu’elle s’avère être très élevée pour les cas de présentation clinique plus classique MM1 (95,8 % ou 100 % selon le classement des résultats douteux). Ces résultats sont cohérents avec les observations des autres études (Castellani et al, 2004; Collins et al, 2006; Gmitterova et al, 2008; Sanchez-Juan et al, 2006).

La difficulté dans l’évaluation non seulement de la spécificité, mais aussi de la sensibilité, réside dans le fait que le diagnostic de certitude après autopsie n’est que trop peu souvent réalisé. Le résultat négatif de la recherche de protéine 14.3.3 entraîne généralement une levée de la suspicion d’EST. La confirmation diagnostique après autopsie n’est en définitive que très rarement réalisée dans ce cas, ce qui entraîne une sous-estimation des cas les moins fréquents, qui sont aussi ceux pour lesquels la sensibilité est faible par rapport aux formes les plus représentées. A contrario, un résultat positif déclenchera plus souvent l’autopsie, y compris dans le but d’infirmer la suspicion d’EST. On aura alors tendance à surestimer les résultats positifs non reliés à une EST et donc à diminuer la spécificité quand on utilise comme témoins la cohorte confirmée sur autopsie.

L’aldolase est une enzyme de la voie de la glycolyse qui catalyse les réactions entre le fructose 1-6 biphosphate et le glycéraldéhyde phosphate. Elle existe sous trois isoformes,

l’isoforme C étant plus spécifiquement présente dans le tissu cérébral (Thompson et al, 1982).

Dans notre étude, l’activité enzymatique de l’aldolase est significativement différente entre les deux populations testées avec néanmoins un chevauchement important. La sensibilité et la spécificité du dosage isolé ne sont pas meilleures que pour la recherche de protéine 14.3.3.

L’activité enzymatique de l’aldolase semble tout comme la protéine 14.3.3 être influencée par le polymorphisme du codon 129 et le type de PrPres. Toutefois, couplée à la recherche de protéine 14.3.3 dans notre étude, la mesure de l’activité de l’aldolase ne permet pas d’augmenter la sensibilité ni la spécificité de façon significative. Le choix de doser l’activité enzymatique de l’aldolase dans notre série a été guidé par le fait qu’elle avait été proposée comme un excellent marqueur de lyse neuronale du fait de sa forte présence dans les neurones et les astrocytes (Thompson et al, 1982). De plus, l’existence d’une technique automatisée fait d’elle un marqueur de lyse neuronale dont le résultat était disponible immédiatement, en même temps que la protéinorachie. Un inconvénient réside dans le fait qu’il s’agit d’une technique de mesure de l’activité enzymatique globale de l’ensemble des différentes isoformes, ce qui nous a poussé à l’utiliser dans l’objectif d’un gain global de sensibilité. Un autre inconvénient de ce marqueur est sa mauvaise stabilité de conservation à +4°C ou après congélation à -20°C mais aussi à -80°C (données non présentées). De plus, dans le LCR, une augmentation de l’activité enzymatique de l’isoforme C a été récemment décrite dans les cas sévères de traumatismes crâniens et d’accidents vasculaires cérébraux (Linke et al, 2006). Sa spécificité vis-à-vis des EST ne sera donc pas forcément meilleure que celle de l’activité totale de l’aldolase. Cela limite l’intérêt du développement du marqueur aldolase C.

En revanche, pour améliorer la spécificité du marqueur protéine 14.3.3, le dosage de la néoptérine semble être pertinent. La néoptérine est produite par les macrophages après stimulation par l’interféron γ sécrété par les lymphocytes T, elle représente donc un marqueur de l’activation immunitaire (Huber et al, 1984). Son dosage dans le LCR permet d’évaluer une activation immunitaire intrathécale et sa concentration reflète le degré d’activation des macrophages (Abdulle et al, 2002). Ce dosage est notamment proposé comme marqueur de suivi des complications neurologiques dans les infections liées au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) (Abdulle et al, 2008; Gisslen et al, 2007). Cette activation immunitaire n’est pas présente dans les EST, la concentration en néoptérine est donc basse dans ce contexte, même s’il est impossible d’exclure la possibilité d’infections combinées en cas de valeur élevée.

En faisant varier la concentration seuil de néoptérine à 10 nM, 15 nM ou 20 nM et en recalculant la sensibilité et la spécificité en fonction des nouveaux effectifs, cette dernière est très sensiblement améliorée. Le meilleur seuil pour la spécificité se situe à 10 nM (spécificité à 71,2 %, contre 46,6 % sans tenir compte de la néoptérine) mais il entraîne une baisse de sensibilité de 3,5 points à 81,3 %. En effet, dans cette stratégie, quatre cas du groupe EST sont exclus par ce seuil et présentent des taux élevés de néoptérine entre 15 nM et 65 nM. Le meilleur compromis pour ne pas perdre trop de patients réellement atteints d’EST semble être un seuil à 20 nM qui permet d’obtenir une sensibilité de 83,1 % pour une spécificité de 61,6

% et une efficacité globale du test de 74,6%.

La néoptérine ne doit donc pas être interprétée seule comme critère d’exclusion, car dans certaines circonstances, l’association d’une EST et d’une autre pathologie présentant une activation macrophagique est bien sûr possible. Interprété en fonction de l’ensemble du contexte clinico-biologique, ce marqueur est très utile dans l’interprétation d’un résultat de protéine 14.3.3 positif.