Nous allons à présent chercher à expliquer les dédoublements asymétriques des pics de
co-hérence observés dans divers échantillons.
5.5.1 Possibilité d’un effet Zeeman?
La première idée qui vient à l’esprit est celle d’un dédoublement des pics lié à un effet
Zee-man. Qualitativement, les courbes montrées sur la Fig. 5.7 ressemblent, en ajoutant un fond,
à celles des expériences de Tedrow et Meservey [6] et à la théorie développée à la Fig. 1.17.
D’après la Fig. 5.7, l’écart observé entre pics pourrait être expliqué par un champ (champ
d’échange ou champ magnétique) de 3T. Pour trouver une telle valeur de champ, nous nous
apercevons que le champ magnétique des agrégats est insuffisant, il faut faire intervenir le champ
d’échange (1109 T pour du cobalt massif). Nous n’expliquerons pas plus longuement l’origine
possible d’un tel champ car une interprétation en termes d’effet Zeeman se révèle être
incom-patible avec les courbes mesurées. En effet, la figure 1.17 montre qu’en l’absence de champ
magnétique, les pics de cohérence sont positionnés autour de ±∆. En présence d’un champ B,
le pic de cohérence en +∆ (-∆) se scinde en deux pics autour de ∆±µBB (-∆±µBB). Or
lorsque nous superposons un spectre "dédoublé" (réputé soumis à un champ magnétique dans
ce modèle) sur un spectre non "dédoublé" (soumis à aucun champ significatif), nous constatons
que la position des pics extérieurs n’a pas évolué (voir Fig. 5.10), contrairement aux prédictions
de l’effet Zeeman. Ce n’est donc pas un effet Zeeman que nous observons.
0
100
200
300
400
-3 -2 -1 0 1 2 3
dI/dV
(nS)
V (mV)
FIG. 5.10 –Comparaison des deux spectres (a) (pointillés) et (d) (trait plein) de la Fig. 5.7. Le spectre
présentant une sur-structure a son pic extérieur à la même position que le pic de cohérence du spectre
non-dédoublé. Le dédoublement n’est pas lié à un effet Zeeman.
5.5.2 Effet d’impuretés
Comparons à présent nos mesures à celles de Yazdani et collaborateurs présentées au
cha-pitre 1 [78, 79]. Pour cela, nous traçons comme eux la différence de la conductance différentielle
obtenue sans agrégats et à proximité de l’agrégat. Sur la Fig. 5.11, nous avons repris les courbes
de la Fig. 5.7 et avons considéré la position (a) comme référence. Les cinq courbes présentées
correspondent aux différences de conductance observées entre la courbe (a) et les courbes (b) à
(f).
0
100
200
300
400
500
600
700
-3 -2 -1 0 1 2 3
∆dI/dV
V (mV)
FIG. 5.11 –Différence entre les conductances (b) (courbe du bas) et (f) (courbe du haut) différentielles
présentées sur la Fig. 5.7 avec la courbe (a). Pour plus de lisibilité, les courbes ont été décalées de 150
nS l’une par rapport à l’autre.
Dans leur expérience avec une impureté de gadolinium, Yazdani et collaborateurs ont
ob-servé des différences de conductance différentielle présentant les mêmes formes que nous.
Ce-pendant, dans nos expériences, les variations d’amplitude de la conductance atteignent 200%de
la conductance de fond, alors que chez Yazdani et collaborateurs, elles sont de l’ordre de 20%.
Par ailleurs, dans leurs expériences, l’évolution de la conductance différentielle se fait sur 1 nm,
à comparer à 9 chez nous. Nous nous garderons donc bien de faire une comparaison directe. En
effet, nos "impuretés" sont constituées de mille fois plus d’atomes et ont un diamètre de 3 nm.
Il est néanmoins intéressant de retrouver ces analogies.
Nous ne pouvons aller plus en avant dans la comparaison. Les modèles développés dans
la Fig. 1.23 ou dans l’équation 1.83 ne permettent pas d’expliquer un doublement des pics de
cohérence en présence d’impuretés magnétiques. Nous ne pouvons donc pas traiter nos agrégats
comme des impuretés magnétiques.
5.5.3 Etats liés
Une possibilité pour expliquer l’apparition de sur-structures sur le spectre de densité d’états
consiste à invoquer des états liés. Au voisinage d’un agrégat le paramètre d’ordre du
supracon-ducteur est affaibli par l’interaction avec le cobalt. De ce fait, on peut envisager la présence
d’un puits de potentiel pour les quasi-particules. Dans ce puits des états résonnants peuvent être
présents, comme on peut le visualiser sur la Fig. 5.12 et donc induire des états supplémentaires
dans la bande interdite. Ce modèle permet d’expliquer que les pics supplémentaires arrivent sans
que le pic le plus extérieur ne bouge en position. En appliquant un modèle primaire de puits de
potentiel infini au niveau de l’agrégat, nous montrons que pour avoir des états à une énergie de
0,4 meV, le diamètre du puits de potentiel devrait être 25 nm. Ceci correspond
approximative-ment à la taille d’un agrégat augapproximative-menté de deux fois la longueur de cohérence (2ξS). Ceci peut
s’expliquer par le fait que les paires de Cooper voient tout les événements survenant dans leur
volume de cohérence, donc elles perçoivent l’agrégat jusqu’à une distanceξSde lui. De plus,ξS
est la longueur sur laquelle la réflexion d’Andreev a lieu. Ce modèle n’est malheureusement pas
entièrement satisfaisant car il ne rend pas compte de la dissymétrie des pics.
FIG. 5.12 – (gauche) : cas d’un supraconducteur pur : l’amplitude de paires est constante. (droite) :
Perturbation sphérique équivalent à un puits de potentiel.
5.5.4 Artefacts
Reste à envisager le cas des artefacts de mesure. A ce niveau, il est toujours possible
d’en-visager des scénarii complexes pour expliquer les phénomènes observés. Par exemple, nous
pourrions imaginer qu’un agrégat a été accroché par la pointe. De ce fait, un léger blocage de
Coulomb peut apparaître, avec des pics dans la courbe de conductance différentielle. Si l’on
sup-pose en plus que lorsque la pointe se déplace, elle chasse devant elle l’agrégat pour le récupérer
quelques nanomètres plus loin, on explique l’alternance des courbes avec ou sans sur-structures.
Et si en plus, la pointe est une double pointe, une contribution supplémentaire peut être ajoutée à
la conductance différentielle pour expliquer le fond observé. Néanmoins, ce scénario est très peu
probable pour une expérience donnée. Comme ces sur-structures ont été observées sur plusieurs
échantillons différents, ce scénario est exclu.
Dans le document
Nanospectroscopie par microscopie à effet tunnel à très basse température de jonctions supraconductrices hybrides
(Page 141-145)