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L’absence totale ou même le recouvrement seulement partiel, par des CE, de la surface luminale des prothèses de petit calibre peut conduire à une thrombose. La formation d’une monocouche cellulaire confluente est donc une condition favorisant la « durabilité » de ces prothèses synthétiques [146]. L’endothélium vasculaire participe à l’intégrité structurale des vaisseaux sanguins en formant une barrière à perméabilité sélective et thromborésistante entre le sang et la paroi. Il contrôle l’activation, l’adhérence et l’agrégation des plaquettes [55]. L’ensemencement des CE dans la lumière des prothèses vasculaires synthétiques de faible diamètre est donc une approche qui a été proposée pour améliorer l’hémocompatibilité de la surface luminale. L’endothélialisation se fait de manière spontanée chez l’animal mais, chez l’homme, elle ne se produit qu’au niveau de l’anastomose [124].

Différentes techniques ont été utilisées pour améliorer l’adhésion des CE sur la surface luminale de substituts synthétiques à base de PTFEe initialement peu favorable à l’adhésion cellulaire. La principale approche a consisté à déposer des protéines sur la surface luminale

des substituts, notamment l’héparine et la colle de fibrine [89, 136, 139, 171-173]. Les résultats sont assez encourageants mais nuancés par les risques inhérents à l’utilisation de dérivés sanguins. Ces protéines sont non seulement d’un coût élevé mais elles présentent le risque de transmission d’agents viraux et de développement de réactions immunitaires indésirables.

Nous avons donc proposé le développement d’un greffon vasculaire de faible diamètre basé sur le dépôt de CE sur la surface luminale d’un substitut synthétique en PTFEe, fonctionnalisée par un film multicouche de polyélectrolytes (FMP) afin d’obtenir des substituts vasculaires hémocompatibles. En effet, cette technique de faible coût, dépourvue de préoccupations infectieuses, a déjà montré son intérêt dans la fonctionnalisation d’artères ombilicales cryoconservées en vu de développer un substitut vasculaire [399], mais il serait intéressant d’appliquer cette technique aux substituts synthétiques. Ces vaisseaux, les plus utilisés, quand les autogreffes ne sont pas disponibles, nécessitent à vie un traitement anticoagulant. Le développement d’un substitut vasculaire synthétique, qui permettrait de s’affranchir de ce lourd traitement médicamenteux, présente donc un enjeu considérable aussi bien médical qu’économique.

Nous avons évalué l’efficacité de l’adhésion de CE sur la surface luminale de substituts vasculaires à base de PTFEe fonctionnalisée par un FMP. La morphologie cellulaire doit être prise en considération. L’observation au MEB de la surface luminale des substituts, fonctionnalisée ou non, montre une différence morphologique des CE en fonction de la présence et du type de fonctionnalisation. En effet, les CE, ensemencées sur la surface luminale non fonctionnalisée de substituts, sont grossièrement arrondies, alors que sur celle modifiée avec une monocouche de PAH, elles sont étalées mais en nombre limité. Les CE ensemencées sur le film multicouche de polyélectrolytes présentent une forme pavimenteuse caractéristique des CE et constituent une monocouche confluente. La présence d’une seule couche de polyélectrolyte (monocouche de PAH) a permis d’augmenter l’attachement cellulaire car les cellules, présentes sur la surface luminale de ce substitut modifié, ont une forme étalée, témoin d’un attachement cellulaire efficace, contrairement aux cellules rondes présentes sur la surface luminale du substitut non modifié, témoin d’un faible attachement cellulaire. Mais cette amélioration de l’attachement ne s’accompagne pas de la formation d’une monocouche cellulaire confluente. Par contre, avec une modification de surface par un FMP, on trouve non seulement la présence de cellules étalées, mais la croissance de ces cellules est telle qu’elles constituent une monocouche confluente. Donc, ce n’est pas

seulement la dernière couche de polyélectrolytes qui favorise la croissance cellulaire mais vraiment l’architecture en multicouche.

Une densité cellulaire initiale relativement faible de 5x104 cellules/cm2 est suffisante pour obtenir la formation d’une monocouche cellulaire confluente. La densité cellulaire est parfois tellement importante qu’il nous est difficile de différencier les cellules les unes des autres comme cela a été décrit précédemment par Bowlin et al (1998) pour une densité d’ensemencement initiale plus importante que dans notre cas [179]. De plus, dans leur étude, la néo-intima qui se forme dans la lumière de la greffe n’a pas de propriétés physiologiques comparables à celles d’un endothélium naturel (production de prostacyclines ou de thromboxane A2). Laube et al (2000) [139] et Deutsch et al (1999) [89] ont également obtenu, avec une modification par colle de fibrine, une monocouche confluente de CE dont l’intégrité a été maintenue après implantation clinique. Cependant, ils ont eu ce résultat, sur une prothèse en PTFEe de diamètre comparable au nôtre, avec une densité d’ensemencement initiale supérieure à celle que nous avons utilisée et un temps de culture jusqu’à trois fois supérieur. Or ces deux paramètres doivent être les plus réduits possible pour répondre aux exigences d’une application clinique.

Nous avons montré par ailleurs qu’à 7 jours de culture, les cellules ensemencées sur FMP présentent une activité métabolique comparable à celle des cellules ensemencées sur TCPS. Or TCPS est un support classiquement utilisé en culture cellulaire car il est connu comme favorable à l’adhésion et la croissance cellulaires. La culture des CE sur FMP est donc aussi efficace que sur ce support de référence. Le PTFEe modifié par FMP constitue donc une excellente matrice pour la croissance des CE.

La surface d’adhésion peut influencer le phénotype cellulaire après plusieurs jours de culture et les cellules tendent à se différencier [400-401]. Dans cette étude, nous avons voulu vérifier qu’aucune différenciation ni perte du phénotype endothélial ne s’était produite sur la surface luminale des substituts fonctionnalisés et cellularisés après 7 jours de culture. Nous avons effectué cette vérification par l’observation en microscopie confocale d’un marqueur endothélial spécifique: vWF. C’est un facteur uniquement exprimé par les CE et les mégacaryocytes et il est couramment utilisé comme marqueur phénotypique endothélial [402]. Les HUVEC adhérentes sur la surface luminale fonctionnalisée des substituts synthétiques expriment le marqueur vWF, montrant qu’il n’y a pas eu de modification phénotypique. Dans des études complémentaires, on pourrait confirmer cette observation par un marquage par un autre marqueur spécifique : PECAM, quoique vWF est un marqueur à lui seul, suffisamment convaincant.