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5.1 RECONTEXTUALISATION

L’objectif de cette étude était d’observer si les dispositifs d’entraide permettent aux élèves cibles (et plus largement à la classe) d’améliorer leur persévérance lors des temps d’exercices en autonomie et leur implication dans l’apprentissage.

5.2 L’ENTRÉE DANS LA TÂCHE

La première hypothèse émise au début du protocole était que l’entrée des élèves dans la tâche s’améliore au travers de dispositifs d’entraide. Afin d’analyser cette hypothèse, je me suis intéressée au lien entre l’attention et la compréhension des consignes par les élèves et leur entrée dans la tâche. En effet, comme nous l’avons vu dans la partie théorique, l’attention des élèves est aujourd’hui modifiée, sujette au « surfing » et pour que le cerveau puisse fixer l’apprentissage et mettre en route les bons connecteurs, il est nécessaire, selon Éric Gaspar, que les élèves aient à réaliser une tâche clairement explicitée et qui provoque chez eux de l’intérêt.

Les tableaux 1 à 3 (attention, compréhension de la consigne et entrée dans la tâche) et le graphique 1 (relation entre ces trois critères) montrent les résultats de cette analyse. On peut remarquer que lors de l’observation initiale, alors qu’il n’y avait pas d’aide instaurée en classe, deux des élèves cibles n’ont pas été attentifs et n’ont pas cherché à comprendre la consigne par la suite. Ces deux mêmes élèves ont eu besoin d’un rappel de ma part pour entrer dans la tâche. C’est la seule fois du protocole où j’ai dû intervenir auprès de ces élèves afin qu’ils se mettent au travail. Dès la mise en place de l’entraide, j’ai pu constater que tous les élèves ont tenté de persévérer dans la compréhension de la consigne, en cherchant les réponses dans leurs outils ou en posant une question que ce soit à moi ou à un camarade. Au moment de l’observation finale, globalement, les élèves ont été attentifs pendant la consigne et sont rentrés immédiatement dans l’activité. En ce qui concerne A., on notera que même s’il n’était pas attentif, il a tout de même cherché à persévérer, ce qui montre qu’il y a eu une amélioration dans sa mise au travail. Si on observe L., on remarque qu’au moment de la phase d’observation par affinité, elle n’a pas été attentive lors de la consigne. Elle est entrée dans la tâche de manière différée avec un rappel de ma part tandis que sur le reste de l’étude elle se montre plutôt en réussite sur ces critères. On pourrait en conclure que l’entraide par affinité n’a pas été pertinente pour lui permettre une mise au travail efficace.

Au terme de l’analyse concernant cette hypothèse, le graphique 1 (sur la relation entre l’attention, la compréhension de la consigne et l’entrée dans la tâche) met en évidence qu’il

existe une relation entre ces trois critères d’observation. On note aussi que quelles que soient les modalités d’entraide, l’entrée dans la tâche, pour les élèves cibles a donc bien été améliorée au cours de cette étude. L’évolution est très nette et d’ailleurs de manière assez lisse, ce qui m’a permis très rapidement de vérifier mon hypothèse. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’entraide provoque de l’intérêt pour la tâche, car les élèves cherchent à surmonter les difficultés ensemble. Ils sont ainsi plus attentifs lors des moments clés comme la passation de consigne, afin de s’assurer qu’ils seront en capacité d’aider leur camarade si besoin.

5.3 LES HABILETÉS SOCIALES AU SERVICE DE L’APPRENTISSAGE

La deuxième hypothèse de cette étude était que l’entraide permet de développer chez les élèves des habiletés sociales au service de l’apprentissage. Pour analyser cette hypothèse, je me suis intéressée à plusieurs critères : la sollicitation d’aide des élèves, leur rôle dans les temps d’entraide et les modalités d’échange entre les élèves.

Tout d’abord, concernant la sollicitation de l’aide par les élèves (tableau 4 : sollicitation de l’aide par les élèves), on peut noter que les élèves, lors de l’observation initiale, n’ont naturellement pas demandé l’aide leur camarade. Ceci reflète bien l’importance d’initier les élèves à l’utilisation de l’entraide, comme l’explique Alain Baudrit (2007). Une fois cette pratique de l’entraide instaurée, notamment par la mise en forme d’une fiche-mémo, les élèves ont peu à peu développé leur capacité à solliciter l’aide de leurs pairs. Ils ont ainsi développé leur autocontrôle et leur autonomie. Comme nous l’avons vu dans l’état de l’art, ce n’est pas parce que l’aide est instaurée qu’elle sera forcément utilisée. M. est un bon exemple de ce constat. En effet, sur l’ensemble du protocole, il n’a sollicité de l’aide qu’une seule fois, lors de la mise en route de l’entraide. Pour certains élèves, l’appropriation de ce dispositif a mis plus de temps à se révéler, notamment pour A. et N. pour qui la sollicitation n’est intervenue qu’à partir de la phase par affinité. L. pour sa part, s’est régulièrement référée à l’enseignante même si elle a montré une capacité à demander de l’aide à son camarade lors de l’installation de l’entraide et du tétra’aide. On pourrait expliquer cela par sa difficulté à se décentrer et à passer au-dessus de son appréhension de l’erreur.

Ensuite, je me suis intéressée à l’évolution des rôles des élèves dans leurs échanges (graphique 2 : rôle dans la relation d’aide). Selon Dewey, l’entraide favorise l’échange, et représente donc un levier dans les apprentissages. Cette observation m’a permis de confirmer que l’entraide était bien un dispositif d’échanges mutuels, comme le décrit Sylvain Connac. En effet l’observation du graphique 2, montre que tous les élèves se sont investis à la fois dans leur

rôle d’aidant que dans leur rôle d’aidé. Seul A., lors de la phase 1, n’a pas apporté d’aide. Il me semble important de rappeler que c’est un élève en difficulté scolaire, qui montre une certaine lenteur dans la réalisation de ses exercices et qui bénéficie d’un aménagement de son travail. L’aide qu’il a pu apporter lors des phases suivantes a été très valorisante pour lui, même si elle paraît moins forte que pour les autres élèves cibles. N. pour sa part s’est révélé bien à l’aise dans la relation d’aidant, ce qui va de pair avec une forte intelligence extrapersonnelle.

Enfin, lors de l’observation des échanges entre les élèves, j’ai pu constater qu’ils avaient globalement une volonté de se mettre d’accord sur leurs réponses (graphique 3 : consensus sur les réponses). Cet exercice de communication s’est avéré difficile pour certains d’entre eux. En effet, comme l’explique Alain Baudrit, les échanges lors des temps d’entraide obligent les élèves à justifier leurs choix, les mettant dans une démarche explicite, ce qui peut parfois s’avérer complexe en fonction de la relation entretenue par les pairs. D’ailleurs, si on observe plus particulièrement la phase de travail par affinité, on remarquera qu’un plus grand nombre d’élèves s’est retrouvé en difficulté pour se mettre d’accord. Ceci est confirmé si on s’intéresse aux stratégies mises en place par les élèves lorsqu’ils étaient en désaccord (graphique 4 : stratégies lors des échanges). Un binôme n’a pas réussi à trouver un consensus, et 3 d’entre eux a eu recours à une aide peu élaborée, décrite par Webb. Selon Alain Baudrit, cette situation peut se produire lorsque les pairs n’osent pas se contredire, entrainant donc une entraide moins efficiente pour l’apprentissage.

5.4 LA PERSÉVÉRANCE DES ÉLÈVES

La troisième hypothèse de cette étude était que l’entraide allait permettre aux élèves d’améliorer leur persévérance et leur implication dans la tâche. Afin de vérifier cette hypothèse, j’ai observé la quantité d’exercices réalisés par les élèves tout au long de l’étude, les outils utilisés, mais aussi leur ressenti concernant la difficulté de ces exercices.

Nous pouvons constater que le ressenti des élèves quant à la difficulté des exercices réalisés s’améliore tout au long de l’étude (tableau 5 : ressenti des élèves sur la difficulté des exercices). Ceci peut avoir un lien avec l’évolution de la motivation des élèves. En effet, avant la mise en place des dispositifs d’entraide, les élèves étaient, pour la plupart sujets à une motivation extrinsèque et éprouvaient une certaine appréhension avant l’exercice. Celle-ci se perpétuait sur leur ressenti après réalisation. Par la suite, une grande partie des élèves a développé sa persévérance et donc une motivation intrinsèque, puisque par l’entraide, ils ont pu surmonter leurs difficultés entre pairs. Cela semble avoir amélioré leur confiance en eux.

L’entraide a aussi été un facteur d’évolution dans la perception de leurs erreurs. En effet, comme nous l’avons vu concernant les intérêts de l’entraide dans la classe, d’un point de vue socio-affectif, les échanges entre pairs peuvent s’avérer plus bénéfiques que lorsqu’ils ont lieu avec l’enseignant. Les élèves, en mettant leurs propres mots sur leur raisonnement, peuvent ainsi lever des blocages, et rendre l’erreur moins stigmatisante. L’élève se sent ainsi moins seul face à ses difficultés, ce qui semble améliorer son estime personnelle.

Du point de vue des outils utilisés lors des temps d’entraide, les graphiques 6 et 7 (utilisations des différents supports d’aide) amènent plusieurs constats. Tout d’abord, au cours du travail par l’entraide les élèves ont utilisé plus régulièrement leurs leçons pour justifier leur choix lors des temps d’échanges. Ceci montre bien une plus grande implication dans la tâche. Ensuite, si on regarde plus particulièrement l’utilisation du tétra’aide, on note que les élèves se sont rapidement approprié cet outil, mais ont continué à chercher la réponse par les affichages ou les leçons. Le tétra’aide étant une modalité de l’entraide, il est normal que tous les élèves ne l’utilisent pas de suite, sa mise en place nécessitant un temps d’adaptation.

Enfin, si on s’intéresse à la quantité d’exercices réalisés (graphique 5 : nombre d’exercices réalisés), on remarque une nette augmentation entre le début et la fin de l’étude. Ceci montre bien l’amélioration de leur persévérance, puisqu’au début de l’étude la plupart des élèves cibles ne réalisaient pas l’intégralité des exercices demandés et que lors de l’observation finale 1, 4 élèves sur 5 ont terminés les exercices demandés. L’observation finale 2 a été réalisée sur des exercices en mathématiques, ce qui peut expliquer que les résultats diffèrent en termes de réussite.

Ces résultats nous permettent de valider l’hypothèse qu’il existerait un lien entre l’entraide et l’amélioration de la persévérance et de l’implication des élèves.

5.5 LIMITES ET PERSPECTIVES

5.5.1 Les modalités de mise en œuvre des binômes par affinités

Au cours de cette étude nous avons vu que les élèves avaient travaillé sous différentes modalités : en binômes imposés, en binômes par affinités, puis avec le tétra’aide en lien avec les camarades de leur îlot voire même des îlots voisins. Ces différentes modalités, avaient été choisies afin d’observer les variations qu’elles pouvaient engendrer sur les élèves cibles et de voir quelle modalité paraissait la plus pertinente pour améliorer la persévérance et travailler l’entraide. Afin de mettre les élèves par affinités, ils ont pu indiquer leurs choix pour travailler plus efficacement. L’objectif était de voir si travailler avec un ami augmentait leur capacité

d’interaction, leur implication ou à l’inverse amenait plus de distractions et des difficultés de communications (A. Baudrit). Au moment de la lecture des choix des élèves, ils étaient souvent assez d’accord sur leurs choix de binômes (premier constat). Seul le cas d’A. m’a posé souci. En effet, beaucoup de camarades de la classe l’avaient mis dans l’élève non voulu. J’ai tout de même trouvé un camarade qui était volontaire pour être avec lui. N. et son binôme ont demandé à rester ensemble, unanimement. L. a souhaité être avec sa meilleure amie. Cette expérience a été assez compliquée pour elle. En effet, on peut le voir très clairement sur les résultats de l’étude, sa concentration, son implication et sa persévérance durant cette phase ont été plus faible que sur le reste de l’étude. Elle a elle-même reconnu, au moment du questionnaire de fin de phase, que cette expérience n’avait pas été bénéfique à son travail. S. s’est trouvée dans le même cas mais de manière moins flagrante. Plus inattendu, M. avait choisi une élève en grande difficulté, ce qui m’a étonnée, alors qu’il est un élève d’ordinaire plus dans la compétition que dans la coopération. Son bilan a été mitigé, parce que d’un côté il avait pu l’aider, mais de l’autre, il fallait l’attendre. De mon point de vue, cette expérience l’a canalisé et il s’est montré très attentif envers sa camarade.

D’une manière générale, ce travail par affinité ne s’est pas avéré pertinent pour améliorer la persévérance des élèves. Toutefois, il est important de noter que les élèves n’ont pas l’habitude de fonctionner ainsi et que si cette modalité était pratiquée de manière plus régulière, peut-être que les distractions diminueraient au profit des apprentissages.

5.5.2 La durée de l’étude et le panel d’élèves

Le constat concernant la phase par affinité peut être élargi à l’ensemble du protocole. Pour les besoins de cet écrit, le protocole ne s’est déroulé que sur 7 semaines. Il aurait été plus pertinent d’entamer cette recherche dès le début de l’année et d’opérer des phases d’observations plus longues, en favorisant l’alternance des dispositifs afin d’établir des constats plus réalistes sur chacune des phases.

Le panel restreint sur 5 élèves cibles aussi gagnerait à être augmenté. Pour des soucis de logistique, afin de pouvoir analyser toutes les données, j’avais fait le choix de ne pas observer tous mes élèves, bien que l’ensemble de la classe ait bénéficié des méthodes et des dispositifs d’entraide.

5.5.3 Retour sur la pratique professionnelle

Le travail de recherche, les échanges avec les collègues et la mise en place du protocole en classe ont été très enrichissant dans ma pratique. Les élèves se sont montrés réceptifs et volontaires aux différentes propositions faites tout au long de l’étude. Cela m’a amené à oser mettre en place une démarche de recherche et d’expérimentation, tout en respectant l’ensemble de la classe dans ses différentes modalités d’apprentissage. Enfin, cette étude a permis à la classe de développer un lien différent, en développant l’échange et en valorisant toujours plus la participation de chacun. De nouvelles affinités se sont créées entre les élèves, ce qui a apaisé le climat de la classe.

Dans le document L’entraide au service des apprentissages (Page 35-40)

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