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Discussion de l’activité des nouvelles formulations d’antifongiques sur les souches

Chapitre 4. Effet de l’activité des nouvelles formulations d’antifongiques sur des souches

3. Présentation des résultats

3.6. Discussion de l’activité des nouvelles formulations d’antifongiques sur les souches

Tel que discuté précédemment, les infections fongiques causées par des souches formant du biofilm restent de nos jours extrêmement difficiles à traiter et à éradiquer. Le problème de l’efficacité des ces traitements restent donc un sujet très préoccupant et toujours d’actualité. Face à des patients de plus en plus résistants aux traitements antifongiques, les cliniciens n’ont pas d’autre choix que d’augmenter les doses de PA pour éradiquer les biofilms. Or, l’augmentation des doses n’est pas toujours corrélée avec une augmentation de l’efficacité du traitement, sans oublier que les effets secondaires deviennent alors très importants. Puisque la découverte de nouveaux agents antifongiques est une alternative coûteuse et fastidieuse, l’encapsulation de PA dans des NP polymériques peut être une alternative intéressante advenant qu’elle permette d’améliorer l’action antifongique sur les biofilms voire de les éradiquer. Or, à ce jour, aucune étude d’efficacité d’antifongiques encapsulés dans des NP sur des souches de patients infectés par des biofilms fongiques n’a été publiée.

Les mécanismes de résistance dus aux biofilms sont différents des mécanismes de résistance des cellules planctoniques. La résistance des biofilms aux antifongiques est un phénomène complexe et relève de plusieurs facteurs. Il est bien établi dans la littérature que les biofilms sont résistants en raison de leur structure physique et de leur densité cellulaire. Mais à ce jour, les mécanismes de résistance des biofilms de Candida ne sont pas très bien décrits et restent incompris. Très peu de chercheurs se sont penchés sur la caractérisation structurale des biofilms fongiques. Toutefois, de récentes publications ont proposé plusieurs explications et celles-ci sont présentées à la figure 36 [23, 29, 157]. En plus de l’architecture propre au biofilm et de l’importante densité cellulaire, il semblerait que la surexpression des cibles d’action, l’efficacité d’expulsion des pompes d’efflux et le phénomène de diffusion limitée auraient aussi un rôle dans la résistance [158]. Toutes ses formes de résistances sont utilisées par le champignon pour combattre les traitements antifongiques.

Figure 36 : Aperçu général des mécanismes de résistance des biofilms associés au C. albicans, mais qui sont susceptibles d'être communs à d'autres champignons. Cette figure illustre la densité et la complexité du biofilm de C. albicans, avec différents morphotypes présents entourés par MEC. Les flèches représentent les différents facteurs qui déterminent la résistance antifongique dans le biofilm[159]

En mettant en relation les résultats d’efficacité antifongique, les propriétés physicochimiques des NP et les mécanismes présentés à la figure 36, nous pouvons avancer quelques hypothèses permettant d’expliquer les résultats obtenus.

 Processus de diffusion dans le biofilm

Les processus de diffusion par les canaux aqueux des espèces chimiques dans un biofilm sont importants car ils contrôlent en partie la disponibilité des nutriments pour les microorganismes. Les composantes limitant la diffusion peuvent provenir de la densité cellulaire ainsi que de la matrice extracellulaire. Ces phénomènes sont bien décrits dans le cas du biofilm bactérien [160, 161]. Toutefois, le mécanisme de diffusion dans les biofilms fongiques reste encore aujourd’hui inconnu. Néanmoins, la perfusion des nutriments et l’expulsion des déchets sont nécessaires à la survie des cellules fongiques. C’est pour cette raison que quelques auteurs estiment que la présence de canaux aqueux dans les biofilms fongiques est possible par analogie aux biofilms bactériens [30, 157, 162].

Sachant que la plupart des antifongiques sont hydrophobes, la diffusion par les canaux aqueux dans les biofilms fongiques n’est peut-être pas favorable, d’où leur diffusion limitée. Mais cela pourrait être différent pour les nouvelles formulations. En effet, les NP sont recouvertes de PEG en surface, ce qui confère un caractère hydrophile et neutre à la particule. Cette caractéristique pourrait permettre aux NP de mieux diffuser et de circuler dans les canaux aqueux du biofilm. En effet, des chercheurs ont récemment démontré la présence de NP pegylées de polystyrène dans des canaux aqueux de biofilms bactériens [163]. Dans cette étude, les auteurs ont prouvé par microscopie de fluorescence (100x), microscopie confocale (60x) et par microscopie de suivi particulaire (« single-particle tracking ») que les particules pegylées de taille de 100 ou 200 nm avec un potentiel zêta neutre en surface diffusaient principalement dans les canaux aqueux. Par conséquent, ces particules n’étaient pas en contact avec les amas de cellules bactériennes et donc sans interactions directes possibles. Ainsi, ces travaux nous permettent de faire une analogie avec nos propres résultats sur les biofilms fongiques. Par comparaison avec le biofilm bactérien, nous pouvons avancer l’hypothèse que les NP se retrouveraient principalement dans les canaux aqueux et y resteraient puisque leur nature hydrophile ne serait pas favorable à une interaction avec les amas de cellules (ou MEC) de nature plutôt hydrophobe. Cette hypothèse justifierait la raison pour laquelle les

formulations ont peu d’activité antifongique sur les biofilms, même si elles pénètrent dans la structure de celui-ci.

 La chimie de surface des NP et la MEC

La matrice extracellulaire est une composante du biofilm fongique qui fournit aux cellules une protection immunitaire et contre les agents antifongiques. La composition de la matrice extracellulaire est complexe. Toutefois, quelques études ont réussi à la caractériser [24]. En effet, la MEC contient des protéines, de l’hexosamine, du phosphore, de l’acide uronique ainsi que des carbohydrates. Toutefois, le principal carbohydrate rentrant dans la composition du biofilm est le beta-1,3-glucan. Le beta-1,3-glucan est un polysaccharide de nature hydrophile et soluble dans l’eau. Plusieurs auteurs ont montré que la quantité de beta-1,3-glucan était plus importante dans le biofilm que dans la paroi des cellules planctoniques [133, 164]. Il se retrouve en grande quantité dans la MEC ainsi que dans la paroi cellulaire. Sa participation au déclenchement d’une forme de résistance a aussi été évaluée. Des études ont montré que la MEC freinait la diffusion des PA libres. En effet, il a été démontré dans une étude que le beta- 1,3-glucan agissait comme une « éponge » vis-à-vis l’AMB en retenant 4 à 5 fois plus d’antifongique que lorsque l’AMB a été utilisé sur des cellules planctoniques [165]. Ce phénomène confère un important mécanisme de résistance au biofilm fongique[23]. Les auteurs ont aussi démontré que l’AMB se liait physiquement au beta-1,3-glucan [27, 134]. Ainsi, ces travaux nous permettent de faire une analogie avec nos propres résultats sur les biofilms fongiques. Nous pouvons avancer l’hypothèse que les NP ne peuvent pas atteindre les cellules fongiques puisque le PEG en surface des NP aurait une affinité avec le beta-1,3- glucan. En effet, le beta-1,3-glucan a un caractère hydrophile tout comme le PEG. Ainsi, une fois l’AMB relarguée de la NP, nous émettons l’hypothèse que la partie hydrophile de l’AMB serait retenue par le beta-1,3 glucan, ce qui expliquerait la faible efficacité antifongique. La même hypothèse pourrait être avancée pour le VRZ puisqu’il a un log P de 1,8 (un peu hydrophile).