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Dans cette première partie, le but était de mettre au point une méthode de phénotypage de la tolérance au froid d’eucalyptus au stade plantules afin de mettre en évidence le plus tôt possible des différences dans la tolérance au froid entre des espèces d’abord, puis entre des plantules d’E. gunnii.

Un test de phénotypage pour la tolérance au gel avec la méthode de la fuite d’ions a été mis au point sur des plantules issues de semis de six espèces d’Eucalyptus et une espèce de

Corymbia. Des différences très importantes du développement entre les espèces ont rendu

difficile leur comparaison vis-à-vis de la tolérance au froid. Néanmoins, un classement des espèces a été réalisé pour leur tolérance au gel à -6 °C.

Les espèces appartenant aux Symphyomyrtus ont une efficience métabolique plus basse que celles appartenant aux Monocalyptus qui ont une croissance rapide dans leur aire d’origine, mais les Symphyomyrtus survivent plus facilement dans des régions où les températures varient fortement (Anekonda et al., 1999). Les espèces les plus cultivées à travers le monde appartiennent aux Symphyomyrtus ce qui suppose une très forte adaptation à des environnements très variés et en particulier au froid. L’étude en laboratoire porte sur une espèce du genre

Corymbia (C. maculata) et six espèces du genre Eucalyptus dont cinq du sous-genre Symphyomyrtus (E. gunnii, E. nitens, E. camaldulensis, E. pellita et E. urophylla) et un du sous-

genre Monocalyptus (E. pauciflora).

Pour la plupart de ces espèces, la tolérance au froid des arbres est connue au stade adulte dans la nature (Tableau 2), (Booth et Pryor, 1991). Dans notre test, le classement des espèces au stade juvénile suit le classement de la littérature excepté pour E. pauciflora. Ainsi, l’espèce E.

gunnii est la plus tolérante au froid, C. maculata et E. camaldulensis sont plutôt tolérantes au

stade plantule. E. pellita et E. urophylla sont classées parmi les plus sensibles au stade précoce. Pour E. pauciflora qui présente la croissance la plus lente, le développement des plantules est différent des autres plantules à 25 °C / 22 °C dans notre étude. La capacité photosynthétique de plantules d’E. pauciflora est réduite pour des températures de culture élevée (35 °C) par rapport à celle mesurée avec des températures fraîches (15 °C) (Ferrar et al., 1989). On suppose donc que nos conditions de culture à 25 °C / 22 °C sont plutôt stressantes pour ces plantules. De plus, l’exposition au froid de plantules d’E. pauciflora avec un rayonnement lumineux important, réduit la capacité des photosystèmes de 51 % par photoinhibition par rapport à des feuilles d’autres espèces, mais sans dommage sur les photosystèmes (Ball et al., 1991). Les conditions de culture et acclimatation conviennent certainement mieux aux autres espèces étudiées comme en témoigne leur croissance. Cette vigueur pourrait expliquer leur meilleure survie lors d’une

exposition à un stress et la tolérance intrinsèque d’E. pauciflora pourrait au contraire être sous- estimée dans ces conditions non optimales. D’autre part, E. nitens s’est montré un peu plus sensible qu’attendu dans nos expériences, mais dans les conditions de test les plus discriminantes, cette espèce présente tout de même une tolérance intermédiaire entre celle d’E.

gunnii et celle des espèces sensibles. D’autre part, il existe une forte variabilité dans la tolérance

au froid au sein des familles et des provenances (Raymond et al., 1992). Il se peut donc également que l’unique lot de graines que nous avons testé ne corresponde pas à une des familles les plus tolérantes. Les différentes espèces ont été comparées en utilisant des feuilles de plusieurs plantules d’âge similaire, de même étage foliaire et les feuilles ont été prélevées et testées dans les mêmes conditions. Les plantules avaient un âge inférieur à 6 mois, donc encore avec une sensibilité importante au froid. D’autres études ont montré que chez E. delegatensis il existe des variations ontogénétiques dans la tolérance au gel. Celle-ci augmente avec des plantes âgées de plus de 2 mois et aussi après l’étalement des deux premières paires de feuilles. Les changements dans la température moyenne létale avant l’âge de 6 mois chez E. delegatensis sont comparables avec les changements dans la tolérance au gel entre 1 et 5 ans chez E. nitens (Battaglia et Reid, 1993).

Au stade adulte, des comparaisons de plusieurs espèces ont été réalisées sur le site de Snug Plains en Tasmanie. Après un épisode de froid particulièrement rigoureux l’espèce E.

gunnii est celle qui a le mieux résisté au froid intense par rapport aux espèces de tolérance

décroissante comme E. coccifera, E. johnstonii, E. delegatensis et E. pulchella (Davidson et Reid, 1985). Au laboratoire, après différents essais d’acclimatation de plantules d’E. gunnii et

d’E. urophylla  E. grandis à plusieurs âges, les plantules d’E. gunnii se sont toujours montrées

plus tolérantes au froid avec ou sans acclimatation comparé à l’hybride E. urophylla  E.

grandis. Dans toutes les conditions testées E. gunnii s’est acclimaté malgré une baisse de

l’efficience de la chlorophylle transitoire alors que l’hybride n’a pas augmenté sa tolérance à 6 mois ou 8 mois avec un programme similaire. Chez E. nitens tolérant au froid et appartenant à la section Maidenaria comme E. gunnii, une photoinhibition est observée sous des intensités lumineuses trop importantes et un simple ombrage permet de réduire fortement ce phénomène (Close et Beadle, 2003). Dans nos essais, la culture en armoire climatique est pourtant optimisée avec une intensité lumineuse divisée par trois par rapport aux conditions standards avant toute acclimatation en jours courts et les valeurs de Fv/Fm redeviennent normales avant la fin de l’acclimatation. Ce test mis au point sur les espèces contrastées a été ensuite utilisé pour phénotyper des plantules d’E. gunnii issues de provenances de Tasmanie, aire d’origine d’E.

Malgré une tolérance intrinsèque au froid et une acclimatation élevés chez E. gunnii, il existe une grande variabilité à l’intérieur de l’espèce qui est fonction de la provenance en Tasmanie. Cela a été observé par l’AFOCEL lors d’essais de plantations en France de 1972 à 1978. Parmi les plantules d’E. gunnii les provenances de la localité Miena (près de Shannon Lagoon) ne présentent aucun dégât de gel à la fin du premier hiver et sont donc classées parmi les plus tolérantes. Des essais complémentaires en 1985 sur de nombreuses familles de provenances d’E. gunnii ont montré également que les plantules issues de Shannon du Plateau Central en Tasmanie sont les plus tolérantes dans plusieurs localités en France avec un froid naturel (Cauvin, 1987). Dans nos tests de tolérance en laboratoire, les plantules issues de Shannon Lagoon ont également une très bonne tolérance intrinsèque (SL6-1) ou une bonne acclimatation (SL6-3). Les plantules de la population de Snug Plains ne faisant pas partie du Plateau Central en Tasmanie ont aussi une très bonne tolérance intrinsèque. Ce site correspond à un plateau avec des sols hydromorphes et les arbres d’E. gunnii ont des feuilles très glauques comme la sous espèce E. gunnii ssp. gunnii très tolérante au froid (Potts et Reid, 1985a).

Chez E. nitens, une étude sur 198 familles de différentes provenances a montré qu’il n’y a pas de relation forte entre l’altitude d’origine de la famille et la tolérance au gel (Raymond et al., 1992) alors qu’une autre étude a démontré que chez E. nitens un gradient altitudinal de tolérance au froid existe chez les plantules issues des provenances du nord du New South Wales en Australie (Tibbits et Reid, 1987b). Ces résultats contradictoires montrent qu’il est difficile d’établir une relation directe entre altitude de provenance et tolérance. D’autres facteurs comme les flux d’air interviennent dans l’intensité du stress froid subi par la végétation. En Tasmanie, le relief local est important, car par exemple le site de Shannon Lagoon est une dépression où de l’air froid peut s’accumuler pendant assez longtemps en hiver où les températures sont très basses (Potts, 1985). Dans nos tests des provenances d’E. gunnii, la tolérance au froid varie fortement entre individus, familles et provenances, mais aucune relation n’a pu être établie avec l’altitude.

En conclusion, les tests de tolérance au froid avant ou après acclimatation ont montré qu’E. gunnii est l’espèce la plus tolérante au stade plantule et donc la plus intéressante pour étudier les gènes de tolérance au froid pour aider à la sélection d’eucalyptus tolérants au froid à l’aide de marqueurs génétiques. Les conditions de phénotypage ont été optimisées et s’avèrent discriminantes pour distinguer des provenances différentes chez E. gunnii. Des marqueurs seront recherchés à partir de séquences partielles des gènes CBF d’E. gunnii impliqués dans la réponse au froid. Il reste donc à identifier et caractériser la plupart de ces gènes de famille multigénique chez E. gunnii et quelques espèces d’Eucalyptus pour mieux comprendre leur implication dans la réponse au froid chez les eucalyptus.

Chapitre II

Isolement et caractérisation

des gènes CBF

Figure 15 : Spécificité et relations entre les principales voies de régulation dans la réponse au froid et aux stress osmotiques comme la sécheresse et les fortes salinités chez les plantes (d’après Nakashima et Yamaguchi-Shinozaki, 2006)

Les boîtes rectangulaires indiquent les éléments cis, les boîtes ovales représentent les facteurs de transcription en réponse au stress, les petits cercles montrent les modifications comme la phosphorylation nécessaires pour l’activation des facteurs de transcription. Les lignes en pointillés correspondent aux possibles régulations et les doubles flèches indiquent les possibles interférences.

1. Etude bibliographique : les gènes de réponse au froid chez les