B. ETUDE DE SURVEILLANCE BIOLOGIQUE DES EXPOSITIONS PROFESSIONNELLES AU
4. DISCUSSION
La modélisation bayésienne estime, pour les données urinaires, une variabilité inter-sujet
supérieure à la variabilité intra-sujet ( > ), pour une exposition atmosphérique donnée
au sein d'un GES (ce qui ne serait pas observable à exposition atmosphérique différente). Ce
résultat est cohérent avec notre analyse des données historiques des métaux collectées par
notre laboratoire (non publiée), réalisée par un modèle mixte incluant l'exposition
atmosphérique: la composante de variance entre les sujets était en effet supérieure à la
composante de variance intra-sujet, ajustée sur l'exposition atmosphérique. En effet, les
paramètres physiologiques spécifiques au sujet tels que la taille, le poids, l'IMC et le métabolisme
varient considérablement d'un sujet à l'autre, alors que chez un sujet donné, l'excrétion urinaire
ajustée à la créatinine dépend principalement de l'exposition professionnelle et du métal
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d’intérêt. Truchon et al. (87), dans leur travaux visant à élaborer une démarche stratégique
d’utilisation de la surveillance biologique et d ‘interprétation de résultats intègrent et exploitent
cette variabilité biologique intra et inter-individuelle. Ainsi, cette variabilité inter-sujet ne peut
être ignorée lors de l'analyse des données de surveillance biologique.
À l'opposé, notre modèle bayésien estime, pour les données atmosphériques, une variabilité
inter-sujet inférieure à la variabilité intra-sujet ( > ). En effet, pour le modèle
d'exposition atmosphérique, la variabilité intra-sujet, liée aux différences de tâches
quotidiennes, est généralement plus grande (35) que la variabilité inter-sujet qui dépend
principalement des pratiques spécifiques au travailleur, l’estimation de cette variabilité se
rapproche ainsi de ce qui est publié dans la littérature scientifique par Kromhout al. (35).
Un premier modèle a été testé, proche du modèle présenté, à la différence qu’il modélisait
l’exposition atmosphérique non pas par GES, mais par entreprise. Les estimations des
paramètres de régression étaient similaires à celles présentées dans le 4. Seule la variabilité
intra-sujet sur les données atmosphériques, , était plus importante ( =1.93 avec IC95%
[1,54; 2,54]), liée aux différences entre les GES à l’intérieur des entreprises qui n’étaient pas
prises en compte, comme attendu en visualisant le tableau 3.
a)Limites
La modélisation ne tient pas compte de la solubilité des aérosols, évaluée au préalable dans
l’ambiance de travail de certains GES, mais pas disponible pour tous les GES. Les données ne
sont ainsi pas assez nombreuses pour intégrer cette variable au modèle. De même, le port d’un
équipement de protection respiratoire (EPI) n’a pas été pris en compte dans l’analyse, les
pratiques de port d’EPI n’étant pas homogènes.
Egalement, une hypothèse de ce modèle est la représentativité de l’exposition chronique à partir
des mesures d’exposition de la semaine. Il n’est pas possible de vérifier cette hypothèse.
Cependant, en considérant la relation estimée entre les mesures urinaires et l’exposition
chronique estimée, qui exclut une absence de liaison, cette hypothèse peut paraître raisonnable.
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Finalement, on peut se demander si l’hypothèse de linéarité entre le logarithme des mesures
urinaire et le logarithme de l’exposition chronique est raisonnable pour les faibles valeurs en
béryllium urinaire, qui sont de l’ordre des valeurs de population non professionnellement
exposée (valeur BAR allemande, ou valeur biologique de référence proposée par l’ANSES). En
effet, à ces faibles niveaux urinaires de béryllium, on peut se poser la question de la nature
professionnelle de l’exposition. Une analyse de sensibilité à ces faibles valeurs a été réalisée,
avec le même modèle. En supprimant les mesures urinaires et atmosphériques issues de
l’entreprise E, les plus faibles, la valeur de la pente a alors été estimée à 0,88 (IC 95%
[0,56 ;1,23]). Cette estimation plus importante qu’en intégrant les mesures plus basses de
l’entreprise E, avec une estimation de la pente à 0,59 (IC95% [0,41 ;0,77], voir tableau 4).
L’intervalle de crédibilité de cette pente contient la valeur 1, qui correspond à une
proportionnalité rendant peut-être ce dernier modèle plus vraisemblable.
Notons que le nombre de mesures atmosphériques inférieures à la LQ de cette entreprise n’était
pas plus important que dans les autres entreprises (tableau 3).
Par ailleurs, la suppression des mesures atmosphériques inférieures à la LQ, implicite dans la
méthode basée sur le maximum de vraisemblance, aurait surestimé les moyennes d’exposition
des sujets qui présentaient de telles valeurs, et aurait possiblement ainsi induit un biais sur
l’estimation de la relation, avec une surestimation de la pente.
b)Estimation des VLB
Sur la base de la VLEP-8h française de 2 µg/m
3, nous proposons une estimation la VLB à 0,06
μg/g de créatinine, avec un large intervalle de confiance à 95 % [0,03-0,13], lié à la variabilité
des données. Cette estimation est proche de la valeur BAR allemande (0,05 μg/L, soit 0,035 μg/g
de créatinine si l'on considère une concentration moyenne de 1,4 g/L de créatinine dans la
population (88)). Notons que la VLB est estimée à 0,15 µg/g de créatinine en supprimant les
mesures issues de l’entreprise E, avec la plus faible exposition atmosphérique.
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Cependant, l'utilisation de la VLB ne doit pas être dissociée de l'estimation de la variabilité des
mesures urinaire d’un même sujet sur la semaine ( ). En effet, si on veut comparer une
mesure ponctuelle de béryllium urinaire à la VLB, il faudra prendre en compte la variabilité de
cette mesure sur la semaine. Le modèle a estimé cette variabilité (tableau 4) ; ainsi,
pour une mesure donnée U, il y a 95 % de chance que la valeur urinaire moyenne de la personne
se situe entre U-29%U et U+41%U
3de cette mesure. Pour une application en médecine du
travail, si une mesure urinaire ponctuelle est réalisée, et il faudra s’assurer que cette mesure à
laquelle on ajoute sa variabilité maximum de 41 % soit inférieure à la VLB considérée.
Dans le document
Analyse de données de biométrologie : aspects méthodologiques et applications
(Page 104-107)