• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : Estimation de la probabilité de présence de coupe rase

4 Discussion

Utilisation du modèle

Les quatre classes de probabilité de coupe identifiées par le modèle permettent la réalisation d’un plan à la résolution spatiale des images MODIS. L’interprétation et l’utilisation de ces quatre classes est fonction des objectifs d’analyse que l’on se fixe :

- Dans une approche de quantification des surfaces coupées, ce sont les classes de moyenne et très forte probabilité de coupe rase (M et VH) qui présentent un véritable intérêt pour l’utilisateur. En cumulant ces deux classes, la majorité des coupes rases de grande superficie sont détectées. Cependant, le croisement avec les données terrain des coupes réalisées a montré que dans ce cas on sous-estime la surface d’environ 16,5%. L’erreur d’omission est surtout liée aux petites surfaces coupées qui n’induisent pas de rupture d’amplitude suffisamment forte pour être prise en compte dans les populations des classes VH et M. Les surfaces coupées de faible superficie (inférieure à 1 ha) sont détectables dans la classe L, mais celle-ci intègre également le signal correspondant à des perturbations non imputables à des coupes. Dans ce cas, rajouter cette classe a pour conséquence une surestimation importante des surfaces coupées, de l’ordre de 176%.

Dans une démarche de quantification des surfaces coupées il reste préférable de se limiter aux classes VH et M. La détection des coupes rases de petite taille reste une limite à l’utilisation de l’imagerie MODIS (Bucha et Stibig, 2008). On peut supposer que le modèle sera d’autant plus performant que les superficies coupées sont de grande taille, il conviendrait alors d’évaluer la robustesse de la méthode sur des peuplements forestiers moins fragmentés.

- Dans le cas d’une analyse de l’état des peuplements dépérissant, l’intérêt des classes de probabilité du modèle réside dans la constitution d’un masque superposable à une carte de changement d’activité, calculée sur la même période.

En intégrant les trois classes L, M et VH au masque, on peut identifier avec peu d’erreurs les surfaces non-impactées par les coupes durant la période d’étude. Pour les pixels de la classe restante (VL), la probabilité d’absence de coupe est de 96,2%.

On a pu montrer précédemment qu’une part non négligeable des pixels des classes de changement d’activité 2 et 3, montrent une baisse importante d’activité qui est le résultat d’un changement graduel d’état, sans rupture majeure pouvant correspondre à un effet de coupe. En appliquant le masque sur le plan des classes de changement d’activité, on peut ainsi localiser les peuplements montrant des signes de dépérissement que l’on souhaite caractériser et suivre dans le temps (surface, intensité de la perturbation, répartition dans le massif...).

Pour l’étape de validation (chapitre suivant) un masque de probabilité de coupe sera calculé selon les valeurs seuils précédemment définies pour être appliqué sur l’ensemble de la sapinière des Pyrénées étudiée.

Considérations méthodologiques

L’approche probabiliste, basée sur la méthode CIT, a permis de proposer un modèle de détection des coupes pour des peuplements de résineux.

Par ailleurs, même si l'approche probabiliste présente des possibilités intéressantes, par rapport à une approche binaire, la résolution spatiale de MODIS reste le facteur le plus limitant. Plusieurs auteurs ont évalué le potentiel des méthodes de détection basées sur les séries d’images Landsat (Kennedy et al., 2010 ; Röder et al., 2008), mais étant donné leur faible fréquence d'acquisition, les images Landsat, sont encore difficiles à exploiter avec des outils d'analyse de séries temporelles comme BFAST. Les séries temporelles Landsat, même avec plus d'une image par an, ne permet pas d'étudier les

95 dynamiques de la végétation. Les images à basse résolution spatiale, grâce à l'acquisition fréquente d'images, à l’existence d’archives sur plusieurs années et à une couverture mondiale ou régionale, sont plus adaptées au suivi de la végétation. Compte tenu de l’objectif de cette étude, qui est de distinguer les changements brutaux d’origine anthropique de la dégradation graduelle de la santé des forêts, des séries temporelles qui permettent de suivre la dynamique intra-annuelle sont indispensables.

La précision du modèle dépend fortement du seuil considéré. Les taux d’omission vont de 19% à 81% en fonction des seuils. Inversement, les erreurs de commission vont de 5% à 54%. De nombreuses études pour la détection des coupes rases, basées sur l’analyse d’images MODIS, montrent de fortes erreurs de commission. Par exemple, en milieu boréal, en utilisant la méthode « Change vector

analysis », des niveaux d’omission et de commission, du même ordre de grandeur que ceux de notre

étude, ont été obtenus (respectivement 29% et 90%) (Bucha et Stibig, 2008). De même, en intégrant plusieurs méthodes d’analyse de changement, d’autres auteurs ont mesuré des valeurs d’omission et de commission de 26% et 68% (Zhan et al., 2002).

Ces résultats confortent le potentiel de BFAST pour la détection des coupes rases. En prenant comme référence le seuil de -10,5, les erreurs de commission et d’omission sont du même ordre de grandeur que ceux observés dans la littérature. Il a été montré que la précision de la détection de coupe rase peut être améliorée en supprimant les pixels classés comme coupés qui sont isolés (Bucha et Stibig, 2008). Cependant, dans le cadre de notre étude, le nombre important de pixels isolés rend inappropriée cette approche, vu le nombre important de coupes rases de petite taille.

La proportion de coupe rase intra-pixel pour la mise en place des données de référence, pour la calibration du modèle, a un fort impact sur les résultats. Les tests réalisés montrent que le seuil de 30% permet un bon compromis entre erreurs d’omission et de commission.

Dans le cadre de la détection de coupe rase, de nombreuses interrogations persistent :

(1) quelle méthode de détection utiliser ? il a été démontré que les méthodes basées sur l’analyse des changements spectraux sont plus adaptées que les méthodes basées sur des changements de texture (Bucha et Stibig, 2008) ; (Zhan et al., 2002). Cependant, la combinaison de plusieurs approches permet d’améliorer les résultats.

(2) Quel seuillage appliquer ? Les résultats issus d’approches probabilistes montrent clairement l’impact du seuillage dans la précision finale. Comme nous pouvons l’observer dans notre étude, plus le seuil défini isole avec un haut niveau de probabilité les pixels coupés, plus le taux d’omission est élevé. (Bontemps et al., 2008 ; Fraser et al., 2005) soulignent que la définition de plusieurs seuils de détection permet à l’utilisateur final plus de flexibilité quant à son objectif, en retenant un seuil particulier. Dans le cas de notre étude, le choix du seuillage à appliquer a permis de répondre à un objectif bien défini, celui de masquer les situations présentant un niveau de probabilité de présence de coupe rase non négligeable.

(3) Quelles données de références utiliser? Dans le cadre de la détection de perturbations à partir d’images à basse résolution spatiale, de nombreux auteurs utilisent comme données de référence des images de résolution plus fine comme Landsat (Bucha et Stibig, 2008 ; Fraser et al., 2005) ou des données de terrain (Hais et al., 2009). Le point le plus important étant le passage d’une observation au sol ou à une résolution spatiale fine, à une information à une résolution plus large. Dans cette étude, deux critères bien définis ont été pris en compte pour la mise en place de données de référence à la résolution des images MODIS.

Enfin, (4) Comment évaluer la précision d’un modèle de détection des coupe rase ? Dans le cadre de la définition de différents seuils, le passage en données binaires, pour chaque seuil permet le calcul de matrice de confusion et le calcul d’erreurs d’omission et de commission. L’utilisation d’indicateurs généraux de précision comme la précision globale ou l’indice Kappa ne permettent pas à l’utilisateur

96 d’être totalement renseigné quant aux limites et avantages d’une méthode (Liu et al., 2007). C’est pour cette raison qu’ils n’ont pas été utilisés dans le cadre de cette étude. Pour la validation de leur modèle probabiliste, certains auteurs ne retiennent que le seuil ayant le meilleur compromis entre erreurs d’omission et de commission (Jiménez-Valverde et Lobo, 2007). Ici, les indices de précision (erreurs d’omission et de commission) ont été calculés pour chaque seuil, pour aider au choix du seuil le plus cohérent pour l’utilisation finale, en particulier pour la constitution du masque des valeurs de baisse d’activité.

Les résultats de ce chapitre ainsi que le précédent (chapitre 3), démontrent le potentiel de BFAST pour localiser et dater des perturbations brutales. Le modèle de détection des coupes pourrait être appliqué sur d'autres peuplements. Théoriquement les seuils d’amplitude de rupture définis par le modèle doivent être directement applicables sur d'autres formations forestières ayant un comportement phénologique semblable aux peuplements de conifères étudiés ici.

97

Chapitre 5 : Validation des indicateurs de