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L‘aboutissement du présent projet a permis de déterminer, pour le sud du Québec, la réduction de vie utile de différentes structures de chaussées ayant comme sols d’infrastructure, les quatre sols utilisés à savoir un till SM, un sable SP et deux argiles CL et CH. La valeur de réduction de vie utile moyenne obtenue au chapitre 8 de ce projet au 90e percentile est de 12 % dans la zone 1, 15 % dans la zone 2 et 17 % dans la zone 3 alors celle obtenue au 10e percentile est de 1 % dans la zone 1, 0 % dans 2 et 5 % dans la zone 3. Les 10e et 90e percentiles des scénarios peuvent être perçus comme étant les scénarios optimiste (faible augmentation des précipitations) et pessimiste (forte augmentation des précipitations) de réduction de la vie utile des chaussées, respectivement.

Le pourcentage d’incertitude, relié à la méthode d’analyse effectuée dans ce projet, peut s’avérer non négligeable. En l’occurrence, le modèle utilisé afin de déterminer la relation entre le comportement en déformation permanente et le niveau de saturation dans les sols est un modèle linéaire et qui ne tient en compte que le taux de déformation permanente du sol. Ce modèle pourrait ne pas refléter exactement le comportement du sol en déformation permanente. Cependant, l’avantage d’utilisation de lois d’endommagements (rapport des paramètres B et N entre une période de référence et une période future) demeure sa flexibilité et son universalité, étant donné qu’une valeur relative est mesurée. En effet, il est possible de reproduire le même type d’analyse afin de déterminer la réduction de vie utile relative de différentes structures de chaussées flexibles ayant une grande variabilité de sols d’infrastructure et se situant dans des zones différentes. Il suffit, comme à l‘instar du présent projet, d’avoir accès à des scénarios d’augmentations de précipitations futures adéquates pour ces zones. À titre d’exemple, dans le présent projet, le même exercice d’analyse a été effectué sur des types de chaussées complètement différents à savoir des routes nationales, régionales, locales et des routes municipales. Tous les résultats obtenus demeurent semblables. C’est pourquoi les résultats de l’analyse effectuée sur un seul type de chaussées ont été présentés.

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Il est également important de noter que la réduction de la durée de vie devient sensiblement plus importante au fur et à mesure que la zone étudiée s’approche du Nord. Cela s’explique entre autres par les plus grandes augmentations de précipitations prévues au Nord. Cette information permet de bien valider l’affirmation au chapitre 6 de ce mémoire qui expliquait les raisons de la faiblesse des scénarios futurs d’augmentation de précipitations.

Concernant les paramètres d’entrée des différents modèles du projet, à savoir les scénarios d’augmentation de précipitations, une analyse supplémentaire a été effectuée par Ouranos afin de relativiser les résultats obtenus. Sur cette analyse, une période future plus longue de 2046 à 2065 a été choisie sur une référence de 1961 à 1990. Aussi, un plus grand nombre de scénarios a été utilisé, tant des scénarios régionaux que globaux. La figure 9-1 qui suit montre les dispersions issues des scénarios entre 2046 et 2065.

Figure 9-1: Dispersions issues des scénarios entre 2046 et 2065 par rapport à une période de référence de 1961 à 1990.

Cette figure donne une information très importante par rapport aux valeurs d’entrée d’augmentation de précipitations. Le résultat de scénarios d’augmentation de précipitations pour la période choisie dans ce projet de 2010-2039 s’avère faible par rapport aux valeurs qui

-10 -5 0 5 10 15 20 25

161 pourraient être atteintes lorsque la période future change. En effet, il est possible de voir que lorsque la période future choisie change, la valeur d’augmentation de précipitations peut varier sur une plus grande plage et donc, les résultats de réduction de vie utiles à obtenir devraient différer par rapport à ceux obtenus dans le projet.

Plusieurs solutions sont envisagées afin d’atténuer la réduction prématurée de la durée de vie utile des chaussées. Ces méthodes sont issues de la littérature scientifique et ont la même finalité : empêcher la pénétration et la stagnation de l’eau dans les sols d’infrastructure des chaussées et réduire leur sensibilité à l’eau. À cet effet, quatre solutions sont proposées.

 La modification de la géométrie de la structure de chaussée ;

Tel qu’il a été illustré à la figure 2.8, sur les principaux modes d’infiltration d’eau dans les chaussées, la pénétration des eaux pluviales à travers les fissures participe grandement à l’augmentation du niveau de saturation des sols et des matériaux de chaussée. Ainsi, une modification de la géométrie de la structure de chaussée a pour objectif d’établir des tracés et des profils adéquats afin de permettre l’écoulement naturel des eaux pluviales. Bien que des valeurs maximales se situant entre 8% et 10% soient utilisées, il n’existe pas, dans les normes du MTQ, de valeurs minimales pour les déclivités afin d’éviter la présence excessive d’eau dans les structures de chaussée. Il faudrait donc s’assurer d’avoir un minimum de :

• 0,5% à 1% pour les zones où le devers est nul afin de s’assurer de l’évacuation des eaux de surface.

• 0,2% dans les longues sections en déblais afin d’éviter des sur-profondeurs pour le dispositif longitudinal d’évacuation des eaux pluviales.

Ces affirmations sont inspirées d’une combinaison entre la norme de conception géométrique des chaussées françaises et la norme de l’association de transport canadien (ATC).

 L’empêchement de la pénétration de l’eau par les fissures ;

Des travaux de scellement de fissures réguliers permettent le développement constant de fissures et ainsi réduire la pénétration d’eau. Il est important de noter que cette méthode n’est bénéfique que pour des dégradations de surface de la chaussée telles que des fissurations

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transversales (causées par le retrait thermique en hiver), les fissurations polygonales (causées par le vieillissement de l’enrobé qui s’oxyde et se fissure) ou encore certaines fissurations de centre au niveau des joints. Cependant, pour des dégradations de profondeurs, telles que des fissures de centre (causées par le gel des matériaux), les carrelages et fissures longitudinales (causés par un mauvais dimensionnement de la chaussée) et les lézardes (causées par un soulèvement différentiel et même souvent un dégel partiel), l’utilisation du scellement ne s’avère pas efficace d’autant plus que le problème est d’ordre structural. Dans ce cas, une réhabilitation en profondeur de la chaussée serait suggérée. L’envergure de cette réhabilitation dépend principalement du type de dégradation.

 L’utilisation de systèmes de drainage adéquats.

Les travaux effectués par Savoie (2013) ont permis d’identifier différents systèmes de drainage qui s’avèrent très efficaces pour l’évacuation de l’eau en dehors de la structure de chaussée. Entre autres, l’utilisation d’un géotextile de type nappe drainante s’avère donner des résultats assez satisfaisants quant au drainage de la chaussée.

Une nouvelle gamme de géo synthétique de drainage tissé (de type «woven»), nommée H2Ri,

a été introduite sur le marché en 2012 par la compagnie Tencate Mirafi, un leader mondial dans le domaine des matériaux géo composites. Selon Tencate, ce matériau a des caractéristiques de drainage, de renforcement, de confinement de filtration et de séparation. Bien que très intéressant, ce produit n’a pas encore été l’objet de multiples essais de terrain afin de prouver ces caractéristiques. Aussi, son coût élevé, qui peut atteindre 8 $ du m carré, est un enfreint à son utilisation.

 La réduction de la sensibilité à l’eau du sol d’infrastructure

En effet, l’idée demeure de réduire le problème à la source. Il s’agit de pallier toute sensibilité excessive des sols à l’eau pouvant éventuellement réduire leurs propriétés mécaniques et par conséquent réduire la durée de vie utile de la structure de chaussée subjacente. Pour ce faire, une approche de traitement à la chaux - des sols d’infrastructure, ou autre équivalent, - pourrait être considéré.

163 Le choix de l’utilisation de ces différentes méthodes demeure ainsi du ressort des autorités responsables du bon fonctionnement des routes au sud du Québec.

D’un point de vue pratique, les résultats obtenus dans ces travaux sont aussi intangibles que tangibles. Ils permettent de répondre avec un grand degré de fiabilité aux questionnements des différentes administrations –à savoir le ministère des transports du Québec (MTQ), la ville de Montréal et le consortium Ouranos- reliés à l’impact des changements climatiques sur les routes au Québec. De manière plus précise l’apport des résultats du projet, d’un point de vue pratique, est le suivant:

 La certitude de l’existence d’un impact non négligeable des futures augmentations de précipitations sur la performance des routes ;

 La quantification de cet impact (des augmentations de précipitations futures) sur la performance à long terme des différents types de chaussées conçues au Québec ;

 L’établissement d’une prise de conscience au niveau des décideurs ;

 La proposition de différentes solutions pouvant soit atténuer ou empêcher la réduction de la vie utile des routes, causée par les augmentations de précipitations futures. L’efficacité de ces solutions reste cependant à établir ;

 Le jugement de la nécessité d’inclure l’évolution du climat dans les méthodes de conception de routes ;

 La formation d’ingénieurs hautement qualifiés avec un niveau de connaissance sur les changements climatiques assez considérable pour participer à la mise en place de plans de protection de l’environnement bâti face aux changements climatiques.

Dans une perspective future, il serait important de procéder à des travaux supplémentaires dans le but d’appuyer les résultats. Tout d’abord, il serait important d’effectuer une instrumentation de chaussées additionnelles afin de collecter plus de données de précipitation et de teneur en eau. Ces travaux permettront de consolider la relation entre les précipitations et l’augmentation du niveau de saturation dans les sols (voir chapitre 4). Cette relation est la base de l’analyse effectuée car étant le premier modèle utilisé. Il serait également nécessaire de réévaluer l’utilisation du modèle de Dresden pour l’analyse des résultats issus des essais

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triaxiaux de déformation permanente et des essais au simulateur de charge. Le modèle de Dresden, bien qu’étant très fiable, pourrait être amélioré dans le futur soit en intégrant le paramètre A dans l’analyse (déformation à 1000 cycle) ou avec l’utilisation de points de niveaux de saturations additionnels. Cette dernière permettrait de mieux caractériser le comportement en déformation permanente des sols d’infrastructure (ce comportement n’étant pas linéaire). Il adviendrait également, dans le futur, d’évaluer l’augmentation en coût d’entretien reliée à la réduction prédite de la vie utile des chaussées. Une analyse économique de la sorte permettrait aux décideurs de mieux juger le besoin d’intégrer l’effet des changements climatiques dans les conceptions futures de routes au Québec. Du point de vue des changements climatiques, il serait important de quantifier l’effet d’autres éléments -tels que l’augmentation future des températures- sur la performance à long terme des chaussées au Québec. Il serait également important d’évaluer l’effet de ces changements durant les périodes hivernales (où l’évolution du climat est plus accentuée). Ainsi, cela permettrait d’avoir un aperçu global de l’effet de tous les changements climatiques (précipitation, température, redoux hivernaux, hausse du niveau des nappes phréatiques, etc) à différentes périodes de l’année sur la performance des routes. Il est très probable que cela cause des réductions plus accentuées de la vie utile des chaussées et permettrait d’élever le niveau de prise de conscience au sein des administrations. Enfin, il serait intéressant, dans des travaux futurs, d’effectuer la même analyse d’endommagement que celle utilisée pour ce projet mais pour une période future plus grande et plus lointaine. Cela permettrait une analyse comparative des résultats.

En somme, les résultats obtenus lors de ces travaux sont très satisfaisants. D’après la littérature, une recherche de la sorte dans un contexte Québécois est effectuée pour la première fois. Cela permet ainsi une ouverture ainsi qu’une perspective qui pourra faciliter la genèse d’un flux d’idées de recherche dans le futur afin de mieux certifier l’effet de l’évolution du climat sur la performance des routes.

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