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Le concept de fièvre d’origine indéterminée est complexe et changeant. Les progrès de la médecine et la variation des étiologies de FUO au cours du temps sont en faveur d’une révision régulière de la définition afin de correspondre au mieux à l’évolution des pratiques médicales. Les changements de définition proposés par Petersdorf et al. , Durack et al. puis plus récemment par Knockaert et al. vont dans ce sens par une modification des frontières du cadre nosologique des FUO mais pas du concept, celui de diagnostic complexe face à un symptôme clinique ou biologique. En effet, certaines pathologies, notamment infectieuses ou cancéreuses qui pouvaient poser des problèmes diagnostiques à la fin du XXème siècle sont maintenant rapidement diagnostiquées par les techniques modernes, et pourraient sortir du champ des FUO/IUO. Dans cette étude prospective, nous avons pris le parti de reconsidérer la définition des FUO afin de mettre de côté certaines pathologies de diagnostic simple mais sans altérer le concept de FUO. Nous nous sommes ainsi focalisés sur les FUO de diagnostic difficile, plus problématiques, afin d’élaborer une stratégie pertinente et aider les cliniciens dans leur pratique. En nous rapprochant de la définition de Knockaert et al. , nous avons mis l’accent sur des critères qualitatifs, en proposant un bilan minimal complémentaire tel que réalisé dans la pratique quotidienne devant une fièvre ou un syndrome inflammatoire biologique. Ainsi, seuls les patients pour lesquels les hémocultures, l’examen cytobactériologique urinaire et la TDM TAP n’étaient pas contributifs au diagnostic étaient inclus. Ce changement a comme conséquence de modifier le spectre étiologique des FUO/IUO, mais de notre point de vue s’accorde mieux à la pratique actuelle. Nous avons également raccourci le délai d’apparition de la fièvre à une semaine au lieu de 3 semaines. En effet, le recours aux soins et aux spécialistes est de nos jours facilité et la réalisation des examens paracliniques plus rapide, rendant ainsi le délai de 3 semaines obsolète. Concernant la réduction du délai de fièvre à une semaine, 7

patients étaient fébriles depuis moins de 3 semaines, parmi lesquels 4 ont eu un diagnostic final. Il n’y avait pas de différence de répartition des étiologies associées aux FUO et IUO.

Concernant le syndrome inflammatoire, nous avons fixé un seuil de CRP à 5mg/L. En effet, il s’agit du seuil de définition du syndrome inflammatoire biologique déterminé par le laboratoire. Cependant, ce seuil est variable en fonction des études (de 20 à 30 mg/L) (8,9). Par ailleurs, contrairement à plusieurs études, nous avons choisi de ne pas utiliser la VS, car cet examen n’est plus réalisé en pratique courante du fait de nombreux biais dans son interprétation. Nos critères d’exclusion respectaient la définition des FUO de Durack et al. et les fièvres d’origine nosocomiale et de l’immunodéprimé n’étaient pas prisent en compte. De fait, ce type de FUO présente un spectre étiologique différent, notamment concernant les infections bactériennes, virales ou parasitaires. Par ailleurs, la fragilité des patients immunodéprimés nécessite souvent une prise en charge urgente incluant la mise en route rapide d’un traitement probabiliste (2,3). Étaient également exclus les patients sous antibiothérapie, du fait de risque de décapiter un prélèvement dans le cadre d’une infection bactérienne et inclure à tort le patient.

Entre décembre 2015 et décembre 2017, 39 patients ont été pris en charge au Centre Hospitalier de Grenoble Alpes pour une fièvre ou un syndrome inflammatoire inexpliqués. La répartition était homogène au sein des deux services de médecine interne et du service de maladies infectieuses (respectivement 72% et 28%). Un diagnostic étiologique était fait dans 67% des cas, avec en premier lieu les MINI (50%), suivies par les cancers et hémopathies malignes (31%), les causes infectieuses (15%) et enfin les causes autres (4%). Le taux de diagnostics dans notre centre est comparable aux données de la littérature (tableau 2). La répartition étiologique diffère cependant. En effet, dans la plupart des études les causes infectieuses (32%) et inflammatoires (30%) sont majoritaires, alors que la proportion des causes néoplasiques (12%) et des causes diverses (8%) est moindre.

Les infections bactériennes telles que l’endocardite infectieuse, une infection du tractus urinaire, un abcès profond ou encore la tuberculose pulmonaire font partie des principales causes infectieuses de FUO/IUO (4–6,12,15–17). Dans notre étude, l’exclusion des patients sur les données microbiologiques apportées par les hémocultures, l’examen bactériologique des urines et la réalisation d’une TDM TAP a fortement contribué à la diminution de la proportion des infections. Ainsi, aucune de ces pathologies n’a été diagnostiquée dans notre population. La sérologie a quant à elle une place discutée. En effet, réalisée à l’aveugle, son intérêt parait limité. Seules les sérologies CMV, EBV, toxoplasmose, Bartonella, ou encore parvovirus B19 semblent être utiles, notamment en l’absence d’orientation diagnostique (3,4). La primo- infection à CMV notamment, mal connue dans les années 60, est devenue une cause commune de FUO (3,4,12). La contribution de la sérologie est également supérieure dans certaines régions de France ou du monde, du fait d’une forte prévalence d’infections telles que la fièvre Q, la brucellose, ou encore les borrélioses (3,5,6). L’utilisation des sérologies parait adaptée selon l’épidémiologie locale et les signes cliniques d’orientation mais ne doit pas être systématique.

La recherche de tuberculose est également peu contributive dans notre étude, car la négativité de la TDM TAP limite fortement la probabilité de cette pathologie. Les tests IGRA (Quantiféron chez le sujet immunocompétent) ne devraient quant à eux pas être réalisés chez un patient avec une FUO/IUO isolée avec imagerie normale.

Le bilan auto-immun occupe une place importante lorsqu’une maladie auto-immune est suspectée, mais la présence isolée d’auto-anticorps ne permet pas de poser le diagnostic. La recherche de PDCs est donc bien plus importante qu’un bilan « systématique » pour le diagnostic de maladie auto immune. L’ACG et la PPR représentent près de la moitié de cette catégorie (46%). Ces deux étiologies sont la principale cause de FUO d’origine inflammatoire du sujet de plus de 50 ans (3–5,8,18). Le diagnostic est assez aisé lorsque le patient présente des PDCs tels que des céphalées ou des douleurs des ceintures, ce qui était le cas pour 83% des

patients atteints d’une ACG ou d’une PPR dans notre étude. Mais, il arrive qu’une fièvre isolée ou un syndrome inflammatoire biologique soit la seule manifestation clinique. C’est alors que la biopsie d’artère temporale (dont la sensibilité varie de 60 à 80%), et la TEP-18FFDG peuvent

contribuer au diagnostic. Cependant, la biopsie d’artère temporale, n’a été contributive que dans un cas d’ACG. La TEP-18FFDG a elle aidé au diagnostic dans 3 cas sur 6. Ces résultats

confirment que le diagnostic d’ACG et PPR doit reposer sur un faisceau d’arguments clinico- biologiques (recommandations diagnostiques ACR 1990 et EULAR 2009) et histologiques mais également scintigraphiques dans les cas difficiles. La maladie de Still de l’adulte est quant à elle en tête de liste des causes de FUO/IUO chez l’adulte jeune (3–6,19). La maladie de Behcet, dont la prévalence varie en fonction de la zone géographique d’étude, et les vascularites à ANCA sont des causes également classiques de FUO/IUO (4,6).

La réalisation de la TDM TAP dans le bilan d’inclusion limite la rentabilité des examens d’imagerie. Ainsi, même si tous les patients ont eu au moins un examen d’imagerie au cours du suivi, celui-ci avait souvent un but précis (TDM des sinus, TDM ou IRM cérébrale, IRM des membres, échographie cardiaque, doppler veineux) et donc une probabilité plus faible d’apporter le diagnostic.

La contribution diagnostique des biopsies tissulaires (ganglionnaire, ostéo-médullaire, artère temporale…) est plus élevée, de l’ordre de 55% et l’analyse histologique permet souvent de poser directement le diagnostic final. Les biopsies étaient utiles au diagnostic de 87,5% des cancers et hémopathies. Il faut cependant souligner que ce type de prélèvement n’est jamais réalisé à l’aveugle (sauf pour la biopsie d’artère temporale), et dépend de la découverte d’une formation tissulaire à l’examen clinique ou sur l’imagerie (4). Les hémopathies représentaient la première cause maligne de FUO/IUO avec une nette prédominance des lymphomes malins non Hodgkiniens de type B et T (50%). Ces données sont comparables à la littérature (4,5,12,18).

Un seul patient faisait partie de la catégorie « autre ». Ce dernier présentait un SALH considéré comme idiopathique et donc classé dans cette catégorie. Le SALH représente une cause émergente de FUO (3) mais pose également des problèmes diagnostiques dans la recherche de son étiologie. Dans le cas de notre série aucune pathologie causale n’a pu être mise en évidence malgré une forte suspicion de lymphome. Mais devant l’absence de confirmation histologique nous avons classé le patient comme idiopathique.

La TEP-18FFDG avait une place centrale dans notre étude. En effet, cet examen a été

réalisé chez 82% des patients, souvent de manière précoce (81% dès l’inclusion), et permettait d’aider au diagnostic dans 47% des cas. Outre l’analyse anatomopathologique, parfois guidée par la TEP-18FFDG, il s’agit de l’examen le plus rentable. Ce résultat est comparable à ceux de la littérature (tableau 2) (9,20–26). Les caractéristiques intrinsèques de la TEP-18FFDG (sensibilité de 74%, spécificité de 69%) sont proches de celles retrouvées dans la littérature (9,20–26). Il est intéressant de noter qu’en cas d’absence de PDCs la sensibilité augmente à 86% avec une valeur prédictive négative de 90%. Ces patients ont par ailleurs à 1 an une bonne évolution. Ces résultats inciteraient à réaliser précocement une scintigraphie aux patients présentant une FUO/IUO nue. En effet, la négativité de l’examen serait rassurante sur le pronostic, éviterait la réalisation d’examens supplémentaires peu rentables et ne justifierait que d’une surveillance clinique simple. La TEP-18FFDG était également plus contributive pour le

diagnostic de néoplasies ou hémopathies malignes (86%), et de maladies inflammatoires (64%). Plusieurs auteurs incitent à la prudence en soulignant la forte proportion de résultats anormaux de la TEP-18FFDG sans interprétation possible (20)(21). Néanmoins, seuls 4 faux positifs ont été trouvés dans notre étude.

Le taux de FUO et IUO sans diagnostic final à un an est relativement élevé (33%) dans notre étude. Ce résultat est superposable aux données de la littérature (tableau 2). Il souligne la complexité diagnostique des FUO/IUO, ce malgré les progrès technologiques actuels, et la

Cependant, aucun patient sans diagnostic à un an n’est décédé, ce qui tend à confirmer le pronostic favorable des FUO sans diagnostic final, comme le suggère d’autres équipes (3,4,7).

Le taux de PDCs dans notre étude était supérieur aux données de la littérature (3,11). Quarante-quatre pourcent des patients présentaient au moins un élément diagnostic clé à l’examen clinique permettant d’orienter la démarche diagnostique. Tous les patients présentant un PDCs ont eu un diagnostic final. Les diagnostics étaient posés rapidement, dès l’inclusion (42%) ou entre 1 et 3 mois (39%). Les pathologies dont le diagnostic était tardif étaient principalement les MINI et les cancers ou hémopathies malignes, dont la présentation était complexe. Par exemple, la patiente 32 a été hospitalisée pour une importante altération de l’état général fébrile. Cette dernière a eu une TEP-18FFDG dès l’inclusion montrant une hyperfixation splénique intense associée à des adénopathies médiastinales. Une splénectomie diagnostique réalisée à 1 mois est revenue normale. Une nouvelle biopsie ganglionnaire a finalement permis de faire le diagnostic de lymphome T anaplasique à 6 mois du suivi. Malgré les moyens mis en œuvre, cette patiente est décédée au cours de l’étude. Les signes de gravité comme une altération importante de l’état général associée à un résultat de TEP-18FFDG

anormal inciteraient donc à être d’avantage agressif dans la démarche diagnostique, comme le propose Knockaert dans son approche différenciée des patients FUO (3).

Trente-deux patients (82%) ont reçu un traitement, en lien avec le diagnostic final pour 25 d’entre eux (78%). En l’absence de diagnostic, un traitement symptomatique ou une antibiothérapie d’épreuve était plus volontiers introduit lorsque le patient présentait de la fièvre (26%), considérée probablement comme un symptôme gênant, que pour ceux avec un syndrome inflammatoire biologique isolé (aucun), alors que la répartition étiologique et le pronostic étaient semblables dans les deux groupes (Tableau 5). Par ailleurs, le type de traitement empirique diffère en fonction de la spécialité de prise en charge. Ainsi les patients suivis en maladies infectieuses recevaient une antibiothérapie à visée intracellulaire par tétracyclines, et les patients suivis en médecine interne une corticothérapie d’épreuve. L’antibiothérapie

d’épreuve par tétracyclines est fréquemment utilisée en pratique courante lors d’une suspicion d’infection à bactérie intracellulaire, dont la présentation peut-être une fièvre isolée et dont le diagnostic sérologique n’est pas évident (5). Il est cependant possible que la fièvre régresse spontanément, aussi certains auteurs proposent de ne pas recommander systématiquement de traitement d’épreuve (antibiothérapie ou corticothérapie) au vu du bon pronostic des patients sans diagnostic final (3,27).

Le taux de décès était de 15%, à chaque fois en lien avec la pathologie causale. Ce taux est semblable aux données de la littérature (6,7,27). Comme dans la plupart des études, la majorité des décès était liée à un cancer solide ou une hémopathie maligne (67%) (4).

Notre étude présente plusieurs avantages. Tout d’abord, le caractère prospectif sur 3 ans a permis un recueil exhaustif des données d’inclusion et de suivi des patients. Par ailleurs, comme expliqué précédemment, la réalisation préalable d’hémocultures bactériennes et la TDM TAP limitaient l’inclusion des patients aux véritables FUO/IUO de diagnostic difficile.

Cependant, certains biais sont à souligner. L’effectif réduit de patients restreint le panel de pathologies responsables de FUO/IUO et entraine un manque de puissance de l’étude. Ce manque de puissance ne nous permet qu’une description globale de la population, sans mettre en évidence de différence statistique. Il est également difficile de conclure sur l’apport diagnostique de certains examens paracliniques ou sur les performances diagnostiques extrinsèques de la TEP-18FFDG (valeurs prédictives positives et négatives). Quatre patients ont été perdus de vue au cours de l’étude (10%), dont trois sans diagnostic final, ce qui représente une proportion importante compte tenu du faible effectif de notre cohorte. Aucun de ces patients ne présentait de critère de gravité clinique. Seul le patient pour lequel un diagnostic de Dengue a été posé présentait un PDCs, à savoir des diarrhées sanglantes au retour de Thaïlande. Par ailleurs, ces 4 patients ont eu une TEP-18FFDG, mais jamais celle-ci n’a été contributive. Ainsi, au vu de l’état clinique rassurant de ces patients, de l’apport diagnostic des

PDCs et de la bonne valeur prédictive négative de la TEP-18FFDG en l’absence de PDCs, l’impact de ces PDV sur les résultats de notre étude pourrait être négligeable.

En conclusion, au vu des résultats de notre étude, nous suggérons deux modifications dans la prise en charge des FUO et IUO. Tout d’abord, la définition des FUO et IUO nécessiterait d’être modifiée pour s’adapter aux pratiques médicales actuelles. En effet, la réalisation d’un bilan initial minimum (hémocultures, ECBU, TDM TAP) permettrait d’écarter certaines étiologies de diagnostic simple.

Ensuite, nous proposons une stratégie diagnostique basée sur la présentation de la FUO ou de l’IUO (figure 8) : 1) Si le patient présente des signes fonctionnels ou symptômes cliniques permettant au médecin de formuler une ou plusieurs hypothèses diagnostiques, la réalisation d’examens paracliniques adaptés est justifiée (sérologies, bilan auto-immun, etc.). 2) En cas de négativité de ces examens ou d’absence de signe d’orientation, et en l’absence d’élément de gravité clinico-biologique, la réalisation d’une TEP-18FFDG doit-être discutée en première intention. Si l’examen est normal, une pathologie grave peut raisonnablement être écartée et une surveillance clinique et biologique simple peut-être proposée au patient. La mise en route d’un traitement d’épreuve ne parait alors pas recommandée. Dans le cas contraire, le médecin réalisera les explorations complémentaires orientées par les résultats de la TEP-18FFDG ; 3) Des signes de gravité clinico-biologiques ou une dégradation de l’état général du patient justifient la réalisation d’examens complémentaires multiples, incluant une nouvelle fois la TEP-18FFDG. En cas d’absence de diagnostic, un traitement d’épreuve doit-être discuté selon le degré d’urgence. Dans tous les cas, le recours aux examens paracliniques ne doit pas se faire au détriment d’un interrogatoire et d’un examen clinique rigoureux et répétés, qui seuls peuvent

aider le médecin dans son cheminement diagnostic. Ce protocole s’apparente à celui proposé par Knockaert et al., mais est davantage basé sur la

présentation initiale du patient (PDCs, signes de gravité) et l’intérêt précoce de la TEP-

18FFDG. Celui-ci devra faire l’objet d’une étude prospective à plus grande échelle afin d’en

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