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Nous nous sommes tout d’abord intéressée à la cible « patient » du CEPIAD puis aux services proposés par ce centre médico-social dédié à l’addiction. Nous avons également pris en compte l’avis de ses usagers. Enfin nous avons évalué la réduction des risques en faveur des consommateurs de drogues injectables de Dakar.

I.

Pertinence

En six mois, le CEPIAD a ouvert 180 dossiers pour des consommateurs de drogues injectables, soit 14 % de sa cible, ce qui paraît très prometteur pour la suite. Parmi eux, 74 % avaient déjà été sensibilisés à la réduction des risques par l’équipe de terrain. Nous retiendrons que l’accès des femmes au CEPIAD est encore faible, seulement 5,6 % des patients.

Nous pouvons émettre l’hypothèse que l’existence de soins gratuits spécifiques tels que la consultation gynécologique pourrait faciliter leur venue. De plus, l’équipe de terrain explique qu’elle a plus de difficultés à les approcher.

Pratiquement tous les patients consomment de l’héroïne, à savoir 97,8 %. Le programme méthadone recense 36 % des consommateurs dépendants aux opiacés du CEPIAD Nous pouvons émettre l’hypothèse selon laquelle les usagers dépendants aux opiacés viennent plus facilement au CEPIAD car il offre un traitement de substitution, la méthadone. Ce traitement n’est pas adéquat pour les autres consommateurs (cocaïne, crack).

Les patients semblent mobiles puisque des incarcérations et des prises en charge pour addictions sont relatées en Europe. Les patients sont peu à être dans une situation de logement précaire, ce qui peut s’expliquer par la solidarité communautaire.

Une part importante de dépistages n’avaient pas été réalisés au moment de l’enquête, ce qui d’une part ne permet pas d’interpréter correctement les données et d’autre part, cela met en cause l’offre de réduction des risques proposée aux patients. Les associations entre « être infecté par l’hépatite C ou le VIH » et « être injecteur » soulignent le travail qu’il reste à fournir auprès de cette population dans la prévention de ces infections. De plus, les données dites non renseignées révèlent que les patients n’ont pas pu voir tous les professionnels (addictologie, médical, assistant social) ou que ces derniers n’ont pas pu remplir entièrement le volet concerné.

II.

Cohérence

L’objectif du CEPIAD et sa vocation sont respectés notamment pour la gratuité, les tests VIH et hépatite C, l’offre de seringues et de préservatifs, ou encore la mise sous méthadone des patients éligibles et sélectionnés. Néanmoins, le CEPIAD doit poursuivre ses efforts concernant les tests hépatite B, les soins psychiatriques, les activités de réinsertion socio- professionnelle et la prise en charge des IST. Nous discutons de ces faits en fonction des critères d’évaluation des programmes et systèmes de santé.

Accessibilité

Comme le montre le pourcentage élevé de patients venus, par rapport à ceux ciblés, les usagers ont un accès facilité aux services du CEPIAD, grâce en particulier à sa gratuité et probablement à la proximité géographique du centre par rapport aux lieux de consommation. Le CEPIAD par le biais de son équipe mobile, se déplace directement auprès des usagers pour certains services, comme sensibilisation sur la réduction des risques, mais il ne permet pas encore le dépistage mobile. La communication externe constitue une faiblesse pour la structure, car aucun affichage ni site internet ne lui est dédié.

La prévention, les soins, les traitements et le soutien socio-psychologique font partie des services proposés par le CEPIAD. Ils peuvent s’effectuer grâce notamment aux activités de réduction des risques, aux consultations médico-sociales, à l’accès à la méthadone et aux tests de dépistage au VIH et à l’hépatite C.

Bien que les femmes aient plus difficilement accès aux services (5,6 %), elles sont en proportion plus nombreuses dans le programme méthadone (9,7 %). Nous pouvons émettre l’hypothèse que c’est parce qu’elles sont plus vulnérables face aux infections et aux problèmes sociaux.

Qualité et couverture

En arrivant au CEPIAD, les usagers reçoivent un accueil de qualité et des informations sur leur prise en charge. Ils ont alors une évaluation globale et un suivi médico-social. Par contre, le suivi régulier n’est pas effectif pour tous les patients, puisqu’il privilégie les patients sous méthadone ou dépistés positifs au VIH. L’accompagnement psychologique, quant à lui, a été très peu sollicité. Enfin, les conditions d’attente, l’intimité, la sécurité et la continuité des soins ne sont pas optimales.

La prévention des risques de contamination virales VIH et hépatites passe par les groupes de parole de réduction des risques et la connaissance de son statut sérologique. La monotonie d’animation de ces groupes ainsi que le résultat pas toujours communiqué au patient sont des faiblesses pour le CEPIAD. De plus, la connaissance des droits et devoirs et l’expression des usagers pourraient être mieux développées. Bien que le CEPIAD offre une

activité de convivialité ou d’autonomisation par jour, les usagers souhaitent plus de diversité avec notamment des cours d’informatique et de français.

L’amélioration de la situation sanitaire et sociale des usagers et la réduction de la consommation de drogues n’a pas été étudiée car les évaluations ont eu lieu après notre étude. Toutefois, l’enquête de satisfaction révèle qu’une partie des usagers a arrêté la consommation de drogues injectables (au moins cinq). De plus, le programme méthadone qui compte 57 patients à son actif, est un outil efficace pour réduire cette consommation. Le programme méthadone est un sujet particulièrement débattu entre usagers que ce soit au sujet de la date d’inclusion ou encore de la liste d’attente. Les patients qui le suivent demandent plus de souplesse, notamment dans les horaires ainsi que dans la possibilité d’emport à domicile.

Le CEPIAD a touché 512 usagers en dehors de sa structure sur une année, mais les injecteurs (48) régulièrement touchés sont peu nombreux (huit). Le centre a entrepris des actions pour approcher les consommateurs en prison et pour continuer le suivi des usagers incarcérés.

Acceptabilité

L’enquête de satisfaction a permis de révéler ce dont les usagers sont satisfaits et les services pour lesquels, ils le sont moins. L’amélioration de la situation familiale est mise en avant tandis que la réinsertion professionnelle reste un sujet qui préoccupe les patients. En effet, les activités d’autonomisation démarrent doucement et les actions entreprises avec des partenaires extérieurs n’ont pas encore abouti. De plus, des consommateurs de drogues non patients se rendent au CEPIAD pour participer aux activités de convivialité ; le CEPIAD n’est donc pas qu’une porte d’entrée pour patients. Lors du partage de l’analyse de l’enquête avec les usagers, ils ont exprimé leur envie de participer plus au fonctionnement du centre et se demandent quand aura lieu la prochaine enquête de satisfaction. Ils aimeraient que le CEPIAD encourage davantage les patients non actifs à participer aux activités de convivialité.

Faisabilité

Le projet du CEPIAD est faisable grâce à des partenaires financiers et institutionnels et grâce au travail de l’équipe de terrain mené depuis 2011. En effet, les usagers révèlent, pour la grande majorité, qu’ils connaissent l’équipe de terrain et qu’ils viennent au CEPIAD en partie grâce à elle.

L’indisponibilité des traitements anti-tuberculeux et antirétroviral au centre ne permet pas un suivi optimal des patients. De plus, l’exploitation des sources de données passe

principalement par l’identifiant de l’usager. Or celui-ci n’est actuellement pas assez harmonisé entre l’identifiant patient et celui que possède l’équipe de terrain.

La formation de ses professionnels médico-sociaux est un facteur de réussite du centre. La formation en réduction des risques et en addictologie n’est pas encore effective pour tous. Le CEPIAD est également un lieu de recherche, ce dont cette étude d’évaluation peut témoigner, ayant pour but d’améliorer la prise en charge des personnes présentant des addictions.

Durabilité

La notion de durabilité pour le CEPIAD passe par deux critères : la disponibilité des financements et ressources humaines et les besoins de la cible. Les financements du CEPIAD, qui permettent notamment la gratuité des services, sont assurés jusqu’en 2017. Quant aux besoins, presque un septième de la population ciblée a été touchée, les futurs patients sont donc aux portes du CEPIAD.