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4.2 Les bandes J ef f =1/2 et 3/2

4.2.4 Discussion d’un éventuel ordre caché en X

Sur la figure 4.4(b), nous avons remarqué que les dispersions dans les deux directions ΓX et ΓY ne semblent pas les mêmes. Mise à part les différences d’intensité due à la polarisation, la bande semble plus plate au sommet selon ΓY et plus large en k. Ce comportement est assez général et la figure 4.10(b-d) présente un autre exemple dans le composé pur, avec deux coupes, ΓX (b) et ΓY (c). Pour quantifier une éventuelle différence, la dispersion a été extraite par des ajustements des coupes MDC par des lorentziennes (croix vertes pour le point X en (π/a, 0) et bleues pour le

4.2. LES BANDES JEF F=1/2 ET 3/2 85

(b) (c)

(a)

Figure 4.9: (a) Schéma de la surface de Fermi attendue dans un calcul LDA. Les bandes épaisses sont celles obtenues en considérant une maille non distordue (bande directe) et en traits fins, celles obtenus en appliquant un décalage de (π/a, π/a) correspondant au vecteur antiferromagnétique (bande repliée). Aussi bien l’ordre AF que la distorsion structurale implique ce repliement. (b) Coupe en (π/a, 0) selon ΓX et Γ’X de la bande J1/2. En haut, le cas sans interaction, les bandes dxz directe et dyz repliée sont dégénérées en X. En bas, leur interaction provoque l’ouverture d’un gap avec une bande de caractère dxz en bas et dyz en haut selon ΓX et inversement selon Γ’X sauf en X où les deux caractères sont mélangés. Les bandes ont une variation brutale d’intensité au sommet, elle augmente ou diminue selon la bande et la direction regardée. (c) En pointillés, les bandes décalées de plus ou moins le vecteur de "nesting" ~qx visible figure (a). Le vecteur de "nesting" n’existe que quand le niveau de Fermi est dans la bande inférieure. En haut, le cas sans interaction entre les bandes et en bas avec interaction. Il y a ouverture d’un gap au croisement des bandes, ce qui arrive au niveau de Fermi par définition de ~qx. Cette ouverture de gap ne se fait que selon kx dans le cas d’une instabilité selon ~qx.

point Y en (2π/a, π/a)). Quand nous superposons les deux dispersions (voir figure 4.10(f)), elles ne coïncident pas. La figure 4.10(g) présente une MDC de chacun des points X pour une énergie de liaison de 300 meV. Il semble évident que la distance entre pics n’est pas la même, dans ces conditions, la différence d’écartement est d’environ 0.17 π/a. Nous allons discuter s’il s’agit d’une réelle différence, et donc d’une brisure de symétrie, ou d’un effet parasite, dû aux fortes variations d’intensité.

Considérons d’abord le cas d’une réelle brisure de symétrie. Bien que nous observions une différence entre kx et ky, il est évident qu’elle dépend surtout des conditions de polarisation, comme pour les surfaces de Fermi du Rh (figure 4.6). Toute brisure de symétrie qui dédoublerait la raie en X pour aboutir à la situation de la figure 4.9(c), pourrait donner des résultats différents dans les deux directions si la polarisation "sélectionne" des poids différents de ces deux bandes dans les deux directions. Nous allons donc considérer toutes les levées de dégénérescence possibles. Après l’ouverture du gap, il reste une quadruple dégénérescence au point X : 2 pour le pseudospin et 2 pour les deux plans inéquivalents.

— L’existence de 2 plans inéquivalents donne lieu à une petite levée de dégénérescence des dispersions, qui reste dégénérées en X. Dans le calcul (annexe 6.1), la levée de dégénérescence reste faible par rapport à celle constatée ici avec une valeur de 0.02 π/a, à kz=0, 200 meV

sous le sommet de la bande. Cette explication n’est donc pas la plus probable, bien que nous ne puissions pas exclure que ce dédoublement soit plus fort dans la réalité que dans le calcul.

— Une levée de dégénérescence du pseudo-spin n’est pas attendue dans une phase antiferro-magnétique. Dans le cas de Sr2IrO4, il y a une petite composante ferromagnétique dans le plan ab qui pourrait donner une levée de dégénérescence résiduelle, en particulier en surface. Nous pouvons noter toutefois que cet effet est très générique et persiste dans les composés fortement dopés en Rh, où il n’y a plus de transition magnétique, donc cette explication n’est pas la plus probable. Des levées de dégénérescence plus compliquées ont été proposées pour cette dégénérescence, comme par exemple un ordre d’onde de densité de spin-orbite avec une symétrie d -wave [Zhou2017]. Cette explication nous intéresse particulièrement puisqu’elle suppose des boucles de courant donnant lieu à un ordre caché, qui présentent des analogies avec celui observé par nos collaborateurs aux neutrons [Jeong2017]. Il semble toutefois que l’ordre envisagé par [Zhou2017] ne soit pas compatible avec celui observé en neutrons. De plus, ces auteurs se sont basés sur des mesures d’ARPES de [De La Torre2015] prédisant un grand splitting au point X. Une levée de dégénérescence de 0.2 eV y est annoncé avec une bande vers -0.1 eV et l’autre vers -0.3 eV. qui est totalement incompatible avec nos données (voir EDCs de la figure 4.10(e)), comme avec celles de la plupart de la littérature. Nous pensons que ce splitting, qui n’apparaît pas clairement dans les données brutes est un artefact du traitement par dérivée seconde. L’explication de [Zhou2017] pourrait néanmoins expliquer une levée de dégénérescence dans notre cas, avec une amplitude beaucoup plus faible.

— La dernière possibilité serait une brisure de symétrie entre x et y, bien qu’elle n’ait ja-mais été observée directement à notre connaissance. Vraisemblablement, nous observerions la superposition des deux domaines en ARPES, mais comme la polarisation sélectionne essentiellement dxz ou dyz, elle pourrait mettre cette différence en valeur.

Il y a donc deux explications compatibles avec nos données (le pseudospin et une différenciation x/y), même si elles imposent toutes les deux une levée de dégénérescence assez faible, bien plus que celle envisagée initialement par [Zhou2017].

Nous hésitons néanmoins à conclure à une réelle levée de dégénérescence, parce que la différence des distributions d’intensité pourrait aussi expliquer assez naturellement ces différences. Il y a une variation assez brutale d’intensité au centre de la bande pour ky, qui est moins grande ou même inverse pour kx. Nous pouvons facilement comprendre une variation assez brutale au centre de la bande à cause de l’ouverture du gap qui module les intensités aussi bien à travers le mélange des caractères orbitaux que le mélange entre bandes directes et repliées (voir figure 4.9(b)).

Si l’on suppose une variation assez forte d’intensité le long de la dispersion, nous nous attendons à une distorsion des spectres. La figure 4.11(a-c) représente une simulation de trois variations d’intensité différentes pour une même bande, les paramètres utilisés sont notés dans la légende. La dispersion apparente est différente dans les trois cas, une manière de la mettre en évidence est de prendre une coupe MDC. La figure 4.11(e) montre que pour une même dispersion réelle, selon les variations d’intensité le long de la bande, la position des pics en MDC va être modifiée. Les données de la simulation vont dans le même sens que les données expérimentales, plus l’intensité relative du centre par rapport aux "branches" de la dispersion est importante, plus la dispersion semble "serrée" au sommet et inversement. C’est donc une hypothèse probable pour expliquer nos résultats.