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DISCUSSION ET CONCLUSIONS 169 Cependant, l’approche décrite dans ce chapitre a plusieurs limites et aspects qui sont sujet

Réglage fin des énoncés en génération : contrôle du degré de force illocutoire

7.5. DISCUSSION ET CONCLUSIONS 169 Cependant, l’approche décrite dans ce chapitre a plusieurs limites et aspects qui sont sujet

de débat : (i) des six composantes d’une force illocutoire (en tant que définies par Vanderveken [185]), nous ne prenons en compte de manière explicite que trois : le contenu propositionnel (utile tout d’abord pour calculer les relations rhétoriques entre les actes de langage), le degré de force (dont le calcul, pour la génération, fait l’objet de ce chapitre), et le point illocutoire (c’est-à-dire, le type de l’acte de langage) ; (ii) les conditions préparatoires de la force illocutoire sont prises en compte par le contrôleur de dialogue, lorsque celui-ci décide quel type d’acte de langage attribuer à une intention communicationnelle, le mode d’accomplissement est quantifié, au niveau du contrôle de dialogue, par plusieurs stratégies de dialogue (voir notamment les travaux de Caelen [35]), tandis que les conditions de sincérité sont embarquées dans la logique épistémique utilisée par le contrôleur de dialogue [35] ; donc, aucun de ces derniers aspects n’est géré au niveau de la génération. Les six composantes de la force illocutoire sont distribuées, pour la génération, entre le contrôleur du dialogue et la couche de « génération pragmatique » qui fait l’objet de cette thèse ; (iii) un autre point discutable, bien qu’en accord avec Vanderveken ([185], p. 120) est le domaine de valeurs pour le degré de force illocutoire (voir aussi la discussion antérieure sur ce point) : {−2, −1, 0, 1, 2} ; Vanderveken ne limite pas le nombre des degrés de force possibles, mais nous le faisons, pour des raisons méthodologiques (reliés à la possibilité d’annoter de manière convenable un ensemble de structures linguistiques figées, utilisables en génération de surface).

Ces limites générales mises à part, le cadre que nous avons proposé dans ce chapitre a aussi d’autres limites, concernant la flexibilité des règles pour la mise à jour des listes d’engagements par exemple. Ainsi, ces règles, quoiqu’implémentables et formulées de manière précise, ne mo-délisent pas toutes les situations de dialogue imaginables (possibles). Ainsi, par exemple, la règle 1 (dans le paragraphe 7.2.1) pour la mise à jour de la liste d’engagements d’un locuteur Len situation de monologue sous-génère les engagements de L. Pour voir cela, considérons le dialogue suivant, entre deux locuteurs U et L :

U1: Jean est entré dans la chambreπ1. L1: Il s’est allongé dans son litπ2. U2: Il s’est mis à feuilleter un livreπ3.

A la fin de ce dialogue, U s’est engagé non seulement au fait que Jean s’est allongé dans son lit, mais au fait que Jean a fait cela dans la chambre, juste après être entré dans la chambre. Ce contenu, écrit en italiques, est une conséquence du fait qu’après avoir produit L1, L s’est engagé à ΣNarration(π1,π2). Mais la règle 1 dans le paragraphe 7.2.1 prédit que, juste après que π3est pro-duit, U ne s’engage qu’à ΣNarration(π23). En réalité, U a besoin de s’engager à ΣNarration(π12)∧ ΣNarration(π23). Cependant, ce type de phénomène (de narration co-construite par les interlocu-teurs) n’est pas, pour l’instant, modélisé de manière suffisante dans notre approche. Il n’en est pas moins vrai que pour les situations typiques de dialogues orientés service entre un client et un système (par exemple, bibliothécaire virtuel) ce type de conversation n’est pas particulièrement représentatif ou pertinent. Autrement dit, si la place de U avait été prise par une machine, elle n’aurait pas produit des tours de parole comme U2, parce que, dans ce cas-là, la machine n’aurait pas eu l’information que L s’était engagé à K(π1), par conséquent, elle n’aurait pas autorisé une ellipse dans π3, en préférant de produire un énoncé plus explicite, du type ‘Ensuite, il s’est mis

à feuilleter un livre dans la chambre’. Il est vrai que cet énoncé est moins naturel que π3, mais cela ne nuit tout de même pas au succès du dialogue.

Une autre règle pas assez généralisable à toutes les situations de dialogue imaginables est la partie (a) de la règle 2 dans le paragraphe 7.2.1. En effet, considérons le dialogue suivant, entre deux locuteurs U et L :

U1 : Je voudrais qu’on se rencontre dans les deux prochaines semainesπ1. Est-ce qu’un vendredi, ça t’ira ?π2

L1: Je ne suis pas disponible le 15π3.

Suite à L1, L ne s’engage pas seulement à ΣIQAP(π2,π3), mais aussi à la contribution illocu-toire de la question π2, déterminée par la relation Q − Elab(π1, π2) (parce que c’est cet acte qui établit le fait que la question de U concerne les vendredis dans les deux prochaines semaines, en opposition avec les vendredis en général). En fait, cette règle permet à L de s’engager justement à K(π2), concernant un vendredi dans les deux prochaines semaines, car l’analyse sémantique et l’interprétation pragmatique du tour U1auraient ancré ce vendredi de manière appropriée. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que L s’engage à ΣQ−Elab(π1,π2); cette relation ne sert qu’à ancrer le référent ‘vendredi’ ; ainsi, le manque de généralité de la règle 2.(a) ne nuit pas, lui non plus, au succès du dialogue. Cela parce qu’il faut le rappeler, le but du cadre proposé ici n’est pas d’assurer une interprétation du dialogue aussi complète et fidèle que possible aux représenta-tions humaines, mais juste d’offrir un mécanisme calculable pour gérer avec succès un ensemble limité de dialogues, orientés service.

Une autre critique concerne la manière dont nous définissons la négation d’une question ; on pourrait mettre en avant l’objection comme quoi un énoncé interrogatif est du mauvais type sémantique pour l’opération de négation. C’est pourquoi nous avons besoin de clarifier ce point. Considérons par exemple une question du type ‘Est-ce que ce livre vous convient ?’π. Au niveau sémantique, un tel énoncé se représenterait au niveau logique (par la fonction K(π)) par un prédicat qui contiendrait une variable non-initialisée :

∃Y, Z :object(’book’)∧feature(’book’, Y)∧title(Y)∧equals(Y,’<book_title>’)∧ want(¬emitter(π),’book’, Z)∧equals(Z,’ ?’).

Ici, la variable non-initialisée est le booléen Z qui contient la valeur de vérité du prédicat want/3, qui est vrai si l’entité désignée par son premier argument (dans notre cas, le destina-taire de π, ¬emitter(π)) désire l’entité désignée par le deuxième argument (dans notre cas, le livre ’book’, dont le titre est donné par la valeur de la variable Y). Cela est cohérent avec notre définition des questions (cf. chapitre 3). La négation d’une telle question ne consiste pas à nier, de manière classique, chaque prédicat dans la conjonction et ensuite remplacer la conjonction par une disjonction, mais à attribuer la valeur 0 au booléen Z ; donc, dans notre cas, ¬K(π) a la même forme que K(π), à part le dernier prédicat, qui a la forme ...equals(Z,0).

Enfin, une autre limite (réelle cette fois-ci) de notre cadre concerne l’incapacité de traiter de manière satisfaisante des dialogues où un interlocuteur met en cause non pas la vérité des énoncés, mais le lien rhétorique (et éventuellement causal) entre eux. Le problème avec notre cadre est qu’il a tendance à enlever trop de choses des listes d’engagements, en n’arrivant ainsi pas à saisir la différence subtile entre la conteste du contenu d’un énoncé et la conteste d’une relation rhétorique entre deux énoncés. Pour mieux comprendre le problème, nous considérons un dialogue entre deux locuteurs M et U (M pourrait être modélisé par un ordinateur) :

7.5. DISCUSSION ET CONCLUSIONS 171 M1: Ce livre vient d’être interditπ1. On y dévoilait des secrets d’étatπ2.

U1: Non ! Il y avait trop de choses obscènesπ3. M2: Ah, d’accordπ4.

Après le tour de parole M2, le locuteur M devrait être engagé à ΣConsequence(π31)9. Mais U réalise par la suite un mouvement correctif qui ne met pas que π2 en question, mais aussi π : Consequence(π2, π1) du premier tour de M (c’est-à-dire, à la fin de U1, U s’engage à ΣP−Corr(π,π3)∧ ΣP−Corr(π23), où π ≡ Consequence(π2, π1)). Par conséquent, nos règles enlèvent π(et par conséquent π1 et π2) de la liste d’engagements de M et, par la suite, les engagements à ΣP−Corr(π,π3)et à ΣP−Corr(π23) sont perdus. M ne reste plus engagé qu’à K(π3) et, éventuelle-ment, à K(π1), si nous supposons que M s’est aperçu du mouvement de P − Corr(π2, π3) dans U1. Donc, au meilleur des cas, nous perdons l’engagement de M à ΣP−Corr(Consequence(π21),π3).

En dépit de toutes ces critiques, il n’en reste pas moins que le contrôle du degré de force illocutoire en dialogues à plusieurs locuteurs est particulièrement utile dans des applications qui vont même au delà des dialogues orientés service ; nous pouvons considérer par exemple la narration interactive [171], ou les jeux sur ordinateur où des interactions linguistiques sont nécessaires. Cependant, pour pouvoir déployer ce cadre dans une application réelle, il faudrait y avoir un moyen de mettre en correspondance, de manière rigoureuse et programmatique, les différents degrés de force illocutoire et les formes de surface des énoncés. Ce sujet reste ou-vert à des recherches futures, mais nous présentons cependant dans l’annexe A un ensemble de démarches préliminaires dans ce sens.

9Pour ne pas compliquer inutilement le traitement, nous supposons que tout le tour de parole U1constitue un seul énoncé, π3.

Chapitre 8

Vers la génération de surface : choix