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Dans notre population de patient aux urgences suspects de bactériémie, les scores de SHAPIRO, de SHAPIRO modifié, le qSOFA et un nouveau score de bactériémie ont présentés les performances suivantes : des taux de faux négatifs respectifs de 3,4% 3,2%, 13,4% et 1,8% et des valeurs prédictives positives respectives de 17,5%, 15,2%, 26% et 15,1%.

Selon l'objectif du clinicien (se passer d'un prélèvement d'hémoculture inutile ou identifier les patients à haut risque de bactériémie), le choix du score à privilégier semble différer.

Le score de SHAPIRO

Un score de SHAPIRO négatif pourrait permettre de ne pas réaliser d’hémocultures avec une VPN de 97% (IC 95% : 94,1-98,3) et un taux de FN de 3.3% (IC 95% : 1,7-6,1). L’application rétrospective du score de SHAPIRO aurait permis de ne pas prélever d’hémocultures chez 35

% (IC 95% : 32-38,5) des patients de l’étude (n = 276) et d’éviter le prélèvement de 33% de flacons d’hémocultures.

Dans notre population, la prévalence de bactériémie est de 12% (IC 95% : 10,2-14,7). Cette prévalence était plus élevée lorsque qu’une infection urinaire était suspectée (26% IC 95% : 19,6-35,2). Les prévalences de bactériémie retrouvées dans les études sont d’environ 10%

(Shapiro et al. 8% (IC 95% : 6,6-9,6) (14); Hodgson et al. 15% (IC 95% : 13,1-18,8) (15);

Laukeman et al. 9,6% (IC 95% : 8-11,5) (17); Jessen et al. 6,9% (IC 95% : 5,7-8,3) (16)).

Cette différence de prévalence entre notre étude et l’étude princeps de Shapiro et al. peut s’expliquer par le fait que notre population soit plus âgée (71 ans versus 59,9 ans) et qu’elle ait des comorbidités plus importantes (antécédents cardiovasculaires 32% versus 13,8%), le nombre d’hospitalisation étant identique dans les deux études.

Le nombre de patients ayant une hémoculture contaminée est de 1,5% dans notre cohorte

Cette différence de prévalence peut être expliquée par une meilleure éducation des soignants quant aux règles d’hygiène des prélèvements d’hémocultures sur les 10 dernières années.

L’application du score de SHAPIRO permettrait une réduction du nombre de contaminations (54% des hémocultures contaminées n’auraient pas été prélevées si le score SHAPIRO avait été appliqué (6/11)).

Les performances du score de SHAPIRO dans notre cohorte sont semblables à celles de l’étude princeps et celles des validations externes. Dans l’étude de Shapiro et al. la VPN était de 99.1%

(IC 95% : 98 –100%) avec un taux de FN de 0,9% (IC 95% : 0,3-2,6). Dans l’étude de Laukeman et al., la VPN était de 98% (IC 95% : 96-99) avec un taux de FN de 1,7% (IC 95% : 0,7-4). Dans l’étude de Jessen et al. la VPN était de 62,5% (IC 95% : 56,5-68,1) avec un taux de FN de 3,8% (IC 95% 1,8-8,1). Dans l’étude de Hodgson et al. la VPN était de 92,5% (IC 95% : 80,1-97,4) avec un taux de FN de 7,5% (IC 95% : 2,6-19,9). Cette différence en terme de faux négatifs peut être expliquée par un manque de puissance dans notre étude et dans les autres cohortes de validation externe.

L’analyse des patients « faux négatifs » dans notre cohorte nous autorise à conclure que les hémocultures prélevées sur cinq patients au lieu de neuf patients « SHAPIRO négatifs » avaient un intérêt thérapeutique. Le taux de faux négatifs pourrait être diminué à 1,8% (IC 95% : 0,8-4,2). Les quatre patients dont les hémocultures n’ont pas eu d’impact thérapeutique, ont eu un diagnostic d’infections urinaires. Les recommandations insistent sur l’absence d’intérêt de réaliser des hémocultures lors de pyélonéphrite aigue simple si la présentation est typique (10). Parmi les cinq faux négatifs, une relecture des dossiers permet de discuter la classification du score de SHAPIRO. Le patient n°4 souffrant d’une endocardite sur bioprothèse mitrale aurait dû être classé comme suspect d’endocardite lors de l’épisode de fièvre à J1 de

son arrivée aux urgences. La patiente n°5 ayant une angiocholite sur prothèse biliaire semble être une situation particulière de matériel externe et doit bénéficier de prélèvement d’hémocultures même si le score de SHAPIRO était négatif. La patiente n°8 aurait pu avoir une coproculture positive à Salmonella. Il s’agit dans ces trois situations d’analyse rétrospective ayant de nombreux biais.

L’application rétrospective du score de SHAPIRO dans la population étudiée permettrait la réduction du prélèvement d’hémocultures chez 35 % (IC 95% : 32-38,5) des patients de l’étude (n = 276) et d’éviter le prélèvement de 33% de flacons d’hémocultures.

Cette réduction est plus élevée que celle obtenue par Shapiro et al. (27%) (14) et que celle obtenue par Laukeman et al. (29.6%) (17). Notre taux de faux négatifs est cependant plus élevé.

Le score de SHAPIRO modifié

Il nous paraissait essentiel de développer un score uniquement clinique : le score de SHAPIRO modifié. Ce score consiste à ne prendre en compte que les critères cliniques du score de SHAPIRO et de leur attribuer chacun un point en s’affranchissant des critères majeurs ou mineurs. Les performances du score sont semblables : VPN 96,8% (IC 95% : 93,1-98,5) ; FN 3,2% (IC 95% : 1,5-6,9). Il nous semble beaucoup plus facile d’appliquer ce score en pratique clinique sans perte de sécurité. Nous avons fait le choix de retirer la variable « température entre 38,3°C et 39,4°C » car peu spécifique. En attribuant un point à cette variable et un point à la variable > 39,4°C, 90% des patients de notre cohorte auraient été SHAPIRO modifié positif.

Le score de prédiction de bactériémie

L’application du troisième score prenant en compte les critères suivants : suspicion d’endocardite infectieuse, présence d’un cathéter à demeure, température > 39,4°C, frissons, antécédent de cancer actif ou en rémission depuis moins de un an, immunodépression, diabète et insuffisance hépatique chronique (chaque variable rapportant un point), présente une meilleure performance diagnostique avec une VPN de 98,2% (IC 95% : 94,8-99,4) et un taux de FN de 1,8% (IC 95% : 0,6-5,2). Les trois patients considérés comme faux négatifs sont les patients n°6 (pyélonéphrite aigue à Escherichia coli multi sensible - aucun impact thérapeutique du résultat des hémocultures), n°8 (diarrhées bactériennes à Salmonella enterica -impact thérapeutique) et un patient de 57 ans présentant une sigmoïdite diverticulaire abcédée non perforée (Hinchey IB), sans signe de gravité clinique, traité par Augmentin et Gentamicine. Une hémoculture positive à Parvominas micra non prise en compte (pas d’impact thérapeutique). Ainsi le taux de FN pourrait être diminué à 1 FN /164 soit 0,6%

(IC 95% : 0,1-3,4).

Ce score testé pour la première fois dans cette étude prend en compte le patient de manière plus globale en intégrant des comorbidités. Notre score s’intègre dans la réflexion de SHAPIRO qui indique que son score ne doit pas être appliqué aux situations particulières (immunodépression, cancer, patient porteur de bactérie multi résistance)(14). Les scores de manière générale doivent être associés au jugement clinique du praticien (20). Notre troisième score est composé de dix variables pouvant limiter son utilisation en pratique clinique. Un logiciel d’aide à la décision de prélèvement d’hémocultures serait utile si notre score devait s’appliquer.

Concernant le score de qSOFA, nous constatons un manque de données importantes permettant son calcul. Le qSOFA n’a pas pu être calculé chez 62,5% des patients. Le calcul du

qSOFA est indiqué pour identifier les patients à risque de sepsis nécessitant une prise en charge plus intensive. Notre étude ne montre pas d’intérêt du qSOFA pour prédire le résultat des hémocultures.

Notre étude présente des limites. Elle a été menée dans un seul centre hospitalier (CHU d’Angers). Le recueil des données a été menée de façon rétrospective avec des données manquantes limitant l’application des différents scores étudiés (fréquence respiratoire, fièvre, suspicion d’endocardite, frissons, etc.). L’appréciation subjective du critère « endocardite suspectée » par le responsable de l’étude a pu être source d’un mauvais classement. Nous avons considéré qu’une endocardite était suspectée quand le clinicien avait spécifiquement noté sa suspicion ou la présence d’un nouveau souffle cardiaque. Les paramètres recueillis étaient ceux à l’admission. Nous avons probablement manqué des épisodes d’hypotension qui auraient modifié le calcul des scores. Nous avons fait le choix de regrouper dans un même item « la température décrite à domicile » et « la température à l’admission aux urgences » afin de ne pas considérer comme apyrétique un patient ayant été fébrile à domicile. La bactériémie est souvent diminuée en l’absence de fièvre ou frissons au moment du prélèvement et diminue la chance de prélever un micro-organisme. Nous n’avons pas pu analyser la variable « neutrophile segmenté » car non disponible au CHU d’Angers. Dans notre étude, la validation externe du score SHAPIRO n’est pas le score décrit dans l’étude princeps.

Il est possible que certains patients admis pour une suspicion d’infection n’aient pas bénéficié de prélèvements d’hémocultures lors de leur passage aux urgences et donc n’ont pas été inclus dans notre étude, la décision de prélever des hémocultures revenant au jugement du clinicien.

Quatre patients ayant eu une hémoculture positive (dans l’ensemble de la cohorte) n’ont pas été recontactés, dont deux patients qui auraient pu avoir une modification de l’antibiothérapie,

mettre en place une stratégie codifiée pour permettre aux patients d’être recontactés quand la prise en charge thérapeutique doit être modifiée.

La notion d’impact thérapeutique des hémocultures peut être source de confusion. Un comité d’adjudication semble être nécessaire afin de statuer sur le réel impact thérapeutique des hémocultures prélevées.

Nous n’avons pas décrit l’impact thérapeutique des patients ayant eu une hémoculture stérile, par manque de temps, cela aurait pu être intéressant afin de préciser nos résultats.

Pour confirmer les résultats de notre étude il serait intéressant d’appliquer le score de SHAPIRO, celui de SHAPIRO modifié et notre troisième score de prédiction de bactériémie de façon multicentrique et prospective.

Conclusion

Chez le patient suspect de bactériémie au SAU, l'utilisation d'un score purement clinique adapté du score de SHAPIRO permettrait d'éviter de prélever 20% des patients avec un taux de faux négatifs inférieur à 2%. Aucun des scores existants ou testés dans notre étude n'a de valeur prédictive positive suffisante à ce jour pour prédire l'existence d'une bactériémie.

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