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Partie 1 Etude des gènes candidats et des régions identifiées par les études GWAS dans les

1.4. Discussion et conclusion

Dans cette première partie, l’objectif était d’analyser, dans les populations européenne

et mélanésienne, les polymorphismes précédemment associés au risque de CDT dans les

études gènes candidats et les études GWAS; d’explorer plus en détail les loci GWAS 9q22 et

14q13 ; et de tester les interactions avec les facteurs de risque environnementaux ou liés au

mode de vie.

Au final, notre étude ne confirme pas les associations avec les polymorphismes

précédemment associés au CDT dans les études gènes candidats. En revanche, nos résultats

suggèrent que les gènes GSTM1 et GSTT1 modulent l’association entre le CDT et l’obésité ou

la consommation d’alcool. Nous avons confirmé, dans la population européenne, les

associations avec les SNP GWAS rs966423 (2q35), rs1867277 et rs965513 (9q22), rs944289 et

rs116909374 (14q13). Chez les mélanésiens, les associations pour ces SNP étaient à la limite

de la significativité sauf rs966423 qui n’était pas associé au risque de CDT. Dans les loci 9q22

et 14q13, nous avons mis en évidence de nouveaux variants associés au risque de CDT dans

les deux populations étudiées ; ces résultats doivent être confirmés dans d’autres études.

Forces et limites de l’étude

Nos résultats sont basés sur les données de deux études cas-témoins en population

générale disposant d’un questionnaire détaillé sur les caractéristiques socio-économiques des

sujets, les expositions environnementales ainsi que leur mode de vie, nous permettant

d’explorer l’existence d’interactions gène-environnement dans les CDT.

Ces données détaillées sont d’autant plus importantes que les deux populations sont

contrastées tant au niveau génétique qu’au niveau de l’environnement ou du mode de vie. De

plus, la Nouvelle-Calédonie se caractérise par une incidence du cancer de la thyroïde parmi

les plus élevées au monde, en particulier dans l’ethnie mélanésienne. L’étude NC avait déjà

permis de mettre en évidence plusieurs caractéristiques individuelles associées au risque de

cancer de la thyroïde, notamment la forte prévalence de l’obésité et la parité élevée (Truong

et al. 2005; Guignard et al. 2007). Nos résultats montrent que l’obésité serait plus fortement

associée au risque de DTC chez les sujets GSTM1/GSTT1 nuls. Si ces résultats sont confirmés

par d’autres études, la prévalence plus élevée de génotypes nuls des gènes GSTM1 et GSTT1

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combinée à une plus forte prévalence de l’obésité chez les mélanésiens pourrait ainsi

contribuer à expliquer en partie la différence d’incidence observée entre européens et

mélanésiens.

L’une des principales limites de notre étude est le manque de puissance statistique, en

particulier dans la population mélanésienne. Pour laquelle nous avions un plus faible nombre

de sujets inclus et de plus faibles fréquences alléliques pour les polymorphismes d’intérêt

notamment les SNP du locus 9q22 et des SNP GWAS rs966423 (locus 2q35) et rs116909374

(locus 14q13). Nos effectifs ont aussi limité la possibilité d’analyses stratifiées sur certaines

classes d’exposition ou sur le type histologique des CDT.

Nous ne pouvons également pas exclure un possible biais de stratification sur les

populations dans notre étude du fait de l’utilisation de l’ethnie auto-déclaré pour classer les

individus selon les origines mélanésiennes ou européennes. L’utilisation des données

génétiques aurait pût permettre d’identifier les clusters plus homogènes de sujets

appartenant à chaque groupe ethnique, toutefois nous ne disposions pas d’assez de données

pour effectuer de telles analyses.

La possibilité d’un biais de détection ne peut pas être écartée pour le cancer de la

thyroïde. Ce biais de classement sur la maladie est rendu possible par la prévalence élevée de

cancers micro papillaires existant à l’état latent et l’existence d’une surveillance médicale

rapprochée de certains groupes d’individus amenant à la découverte fortuite de

micro-cancers. Les conséquences possibles du biais de détection sont l’existence d’une incidence

artificiellement élevée de cancers chez les individus possédant les caractéristiques à l’origine

d’un surdiagnostic, et la mise en évidence de fausses associations. Un biais de détection ne

peut toutefois pas être évoqué pour expliquer les associations avec les facteurs génétiques

étudiés.

Comme dans toutes études cas-témoins, le recueil d’informations par questionnaire

peut être à l’origine d’un biais de mémoire à l’origine d’une distorsion de l’information entre

les cas et les témoins. Ce biais est peu vraisemblable pour les facteurs comme la parité, l'âge

aux premières règles ou le statut ménopausique, mais a pu survenir lors du recueil

d’informations sur les caractéristiques anthropométriques, la consommation d’alcool ou de

tabac. Des biais de classement non différentiels sont également possibles. Plusieurs études

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ont ainsi évalué la fiabilité du poids et de la taille déclarée par les individus en les comparants

aux valeurs mesurées. Les résultats montrent une tendance des individus à surestimer leur

taille et à sous-estimer leur poids, en particulier chez les sujets en surpoids (Engstrom,

Paterson et al. 2003). Toutefois, la consistance des informations d’une étude à l’autre ou d’une

population à l’autre pour les facteurs comme le poids, la consommation d’alcool ou de tabac

permettent de minimiser l’importance de tels biais dans les résultats observés.

Conclusion

Comme pour la plupart des cancers, le modèle le plus plausible et le plus communément

admis pour expliquer la composante génétique totale des CDT est un modèle polygénique

impliquant un grand nombre de gènes, chacun d’entre eux conférant individuellement un

risque faible ou modéré. Globalement, les études gènes candidats ont été décevantes pour

identifier des gènes de susceptibilité dans les CDT, alors que les études GWAS ont permis de

mettre en évidence quelques polymorphismes de susceptibilité. Toutefois, on estime que

l’ensemble des polymorphismes identifiés à ce jour ne permettent d’expliquer qu’environ 4%

de l’héritabilité génétique dans les CDT (Figlioli et al. 2015).

Les principales raisons avancées pour expliquer la faible héritabilité expliquée par les

études GWAS dans les maladies complexes comme les cancers incluent le manque de

puissance statistique pour mettre en évidence des variants rares, ou l’absence de prise en

compte des interactions gène-environnement ou gène-gène (Manolio et al. 2009). La stratégie

d’analyse couramment utilisée dans les GWAS consistant à tester chaque SNP

individuellement pourrait également ne pas convenir pour détecter des associations avec de

multiples variants ayant des effets faibles ou les interactions gène-environnement. Des

approches complémentaires sont donc nécessaires pour identifier de nouveaux facteurs de

risque génétiques des CDT.

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Partie 2 : Etude des facteurs de risque génétique