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Discussion Clinique : Nouveaux résultats et comparaison avec essais directs

5.5 D ISCUSSION ET PERSPECTIVES

5.5.1 Discussion Clinique : Nouveaux résultats et comparaison avec essais directs

Les résultats des comparaisons d’intérêt clinique novatrices méritent d’être discutés à la lumière de la littérature récente. La différence 6-2 (CTRT-FM contre CTRT à fractionnement conventionnel) est en faveur du traitement n°6, mais n’est significative que pour le modèle à effets fixes. Ceci peut être expliqué de deux manières. Tout d’abord ces comparaisons dites

« novatrices » ne comportent quasiment pas d’information directe (aucun essai direct pour 6-2 au moment de la présente analyse). Or comme nous l’avons rappelé précédemment, il faut 4 essais indirects pour apporter autant de précision qu’un essai direct. Les intervalles de crédibilité auront donc naturellement tendance à être grands pour des comparaisons indirectes. Ensuite, plus on complexifie le modèle, plus on prend en compte la variabilité dans l’estimation de l’effet.

Or on sait que les modèles à effets aléatoires ont tendance à être plus conservateurs que les modèles à effets fixes. Ceci est cohérent avec les probabilités a posteriori d’être le meilleur traitement. Elles sont nettement en faveur du traitement 6 pour le modèle à effets fixes (p = 0,98), à la limite de la significativité pour les modèles 2, 3 et 5 (p = 0,94 ou 0,95) et non significative pour le modèle avec incohérence (p = 0,84). Quand on ne considère que les essais utilisant une chimiothérapie à base de sels de platine, même le modèle à effets aléatoires ne donne pas de différence significative en faveur de la CTRT-FM (probabilité d’être le meilleur traitement : 81,5%).

Depuis la réalisation de cette méta-analyse, deux essais directs évaluant la comparaison entre CTRT à fractionnement modifié et conventionnel ont été publiés. Leur comparaison par rapport à la prévision du réseau est intéressante dans l’optique de valider l’approche en réseau comme génératrice d’hypothèses. Le premier essai, le RTOG H0129, a été publié par Ang et collègues en 2010. 41 Il a inclus 721 patients avec un cancer des VADS localement avancé (en majorité des oropharynx : 60,1%) qui ont été randomisés entre :

- un bras avec CTRT à fractionnement conventionnel : 70 Gy en 35 fractions et 7 semaines, 3 cycles de chimiothérapie concomitante par cisplatine 100 mg/m2 à J1, J22 et J43 (correspond au traitement n°2 de notre méta-analyse en réseau)

- un bras avec CTRT à fractionnement modifié : 72 Gy en 42 fractions et 6 semaines, 2 cycles de chimiothérapie concomitante par cisplatine 100 mg/m2 à J1 et J22 (correspond au traitement n°6 de notre méta-analyse en réseau).

Après un suivi médian de 4,8 ans, il n’y avait pas de différence significative entre les deux bras de traitement concernant la survie globale (HR : 0,90 [0,72 ; 1,13], p=0,18), la survie sans progression (HR : 1,00 [0,81 ; 1,23], p=0,50) ou le contrôle locorégional (HR : 1,11 [0,85 ; 1,44], p = 0,80). La toxicité n’était pas différente entre les deux bras. Dans le sous-groupe de patients avec cancers de l’oropharynx pour lequel le statut HPV était disponible (75% des tumeurs de l’oropharynx, 323 patients), il n’y avait pas d’interaction entre le statut HPV et l’effet des traitements.

Le deuxième essai a été publié en 2012 par Bourhis et collègues42. Il s’agit de l’essai GORTEC 99-02 qui a randomisé 840 patients atteints de cancers des VADS localement avancés (en majorité des cancers de l’oropharynx : 66%) entre trois bras de traitement :

- un bras avec CTRT à fractionnement conventionnel : 70 Gy en 35 fractions et 7 semaines, 3 cycles de chimiothérapie concomitante par carboplatine et 5FU (correspond au traitement n°2 de notre méta-analyse en réseau)

- un bras avec CTRT à fractionnement modifié : 70 Gy en 40 fractions et 6 semaines, 2 cycles de chimiothérapie concomitante par carboplatine et 5FU (correspond au traitement n°6 de notre méta-analyse en réseau)

- un bras de RT à fractionnement modifié, sans chimiothérapie : 64,8 Gy en 36 fractions de 1,8 Gy et 3 semaines ½, au rythme de 2 fractions par jour (correspond au traitement n°5 de notre méta-analyse en réseau).

Après un suivi médian de 5,2 ans, il n’y avait pas de différence significative entre les deux bras de CTRT concernant la survie globale (HR[CTRT-FM vs CTRT] : 1,05 [0,86 ; 1,29], p = 0,6), la survie sans progression (HR[CTRT-FM vs CTRT] : 1,02 [0,84 ; 1,23], p = 0,88) ou le contrôle locorégional (HR[CTRT-FM vs CTRT] : 0,97 [0,74 ; 1,26], p = 0,81). La toxicité n’était pas différente entre les deux bras de chimioradiothérapie. Le troisième bras de traitement était en revanche inférieur aux deux autres et ce concernant tous les critères de jugement (en dehors de la survie sans métastases). Cette différence était significative pour la survie globale, la survie sans progression et le contrôle locorégional en comparaison à la CTRT et uniquement pour le contrôle locorégional pour la CTRT-FM (avec une tendance forte pour la survie sans progression). Ce bras

de traitement très accéléré présentait également plus de toxicité aiguë (mucite, sonde naso-œsophagienne ou gastrostomie) et chronique (nutrition entérale au long cours) que les deux bras de CTRT.

Ces deux essais directs ont donc évalué, sur des effectifs conséquents, la comparaison la plus intéressante de notre analyse en réseau. Les deux montrent l’absence de différence significative entre les deux modalités de CTRT concomitante. Ces résultats sont en accord avec notre analyse sur le réseau restreint, ce qui confirme a posteriori la validité clinique de cette analyse. L’essai américain a par ailleurs un HR parfaitement superposable à celui de notre analyse sur réseau restreint, tandis que le HR de l’essai français est dans le sens opposé. La dernière prédiction de notre analyse évaluait à 3 000 par bras le nombre de malades nécessaires pour avoir une puissance de 90% pour montrer la supériorité de la CTRT-FM sur la CTRT. L’absence de différence significative dans ces deux essais peut donc être expliquée par un manque de puissance, lié à une surestimation du bénéfice apporté par la CTRT-FM. En effet l’hypothèse statistique de l’essai GORTEC 99-02 était un HR de 0,66 en faveur de la CTRT-FM, ce qui est très surestimé par rapport à notre analyse en réseau. La dose plus faible de chimiothérapie dans le bras CTRT-FM par rapport à CTRT pourrait également contribuer à l’absence de différence entre ces deux bras.

L’essai français évalue également deux autres comparaisons de notre réseau, à savoir celle entre la RT-FM et les deux types de CTRT. Cette analyse est parfaitement en accord avec notre réseau et souligne l’infériorité de la RT-FM par rapport à la CTRT, et ce quel que soit le fractionnement de la radiothérapie (au moins sur le plan qualitatif, la différence de puissance ne permettant pas des conclusions significatives pour tous les critères de jugement).

Enfin l’actualisation de la méta-analyse sur le fractionnement de la radiothérapie (présentée dans les perspectives de la thèse) comporte également une analyse des essais ayant comparé RT-FM à CTRT. Cette analyse est également en faveur de la supériorité de la CTRT sur la

« simple » modification de fractionnement de la radiothérapie.

5.5.2 DISCUSSION MÉTHODOLOGIQUE : INTÉRÊT DES MÉTA-ANALYSES EN RÉSEAU ET COMPARAISON