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CHAPITRE III : RÉSULTATS ET DISCUSSION

3.1. CARACTÉRISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES ET HYDROMORPHOLOGIQUES

3.1.2. Discussion

Les travaux réalisés sur les milieux aquatiques de la Réserve de Faune et de Flore du Haut-Bandama entre janvier 2018 et février 2019, comprennent une description générale des stations d’échantillonnage et la mesure des paramètres physico-chimiques et hydromorphologiques des milieux humides. L’analyse des paramètres physico-chimiques et hydromorphologiques des milieux aquatiques de la Réserve du Haut-Bandama révèle que les paramètres abiotiques mesurés présentent une très grande variabilité saisonnière.

Au niveau spatial, à l’exception de la conductivité, de la largeur du lit mouillée et de la vitesse du courant qui variés significativement entre les stations, les autres paramètres physico-chimiques et hydromorphologiques mesurés ne présentent pas de variations significatives d’une station à l’autre. Ce résultat pourrait s’expliquer par un échange entre les eaux des différentes stations des milieux aquatiques de la Réserve. En effet, l’influence de l’écoulement du fleuve Bandama et de la rivière Nambyon du cours supérieur vers le cours inférieur entraîne une importante circulation de masses d’eaux entre les différentes stations des milieux aquatiques considerés. Ce mouvement serait à la base d’une certaine homogénéité de l’eau à une période donnée. Ainsi, après plusieurs études réalisées sur une cinquantaine de sites en Côte d’Ivoire, Quillévére (1979) conclut que dans les zones de savane, toutes les eaux ont des caractéristiques voisines. Par ailleurs, la variation spatiale significative de la vitesse du courant entre les stations prospectées pourrait être liée à l’activité d’orpaillage. En effet, l’intense activité d’orpaillage observée dans le cours moyen du fleuve Bandama à l’intérieur de la Réserve conduit à l’obstruction du lit principal du fleuve Bandama par une importante quantité de terre issue du lessivage de l’or. Cette situation expliquerait les faibles valeurs de la vitesse du courant enregistrées aux stations BSA et BSB. Cette observation a déjà été faite par Edia (2008), sur les cours supérieurs des rivières Ehania et Noé, dans le Sud-est de la Côte d’Ivoire, où certaines modifications naturelles ou anthropiques influenceraient la vitesse du courant.

Les variations spatiales inter-habitats des paramètres physico-chimiques et hydromorphologiques revélent qu’à l’exception du pH et de la turbidité, les autres paramètres mesurés diffèrent significativement d’un milieu aquatique à un autre. Les valeurs de la température comprises entre 23 et 27,8 °C enregistrées dans le fleuve Bandama indiquent que les eaux du fleuve Bandama sont relativement chaudes. En effet, les stations d’échantillonnage situées dans le fleuve Bandama ont une canopée bien ouvertes. Elles reçoivent de ce fait la lumière solaire qui réchauffe les eaux. Quant à la valeur élevée de l’oxygène dissous (26,97 ppm) obtenue sur le fleuve Bandama, elle pourrait être en rapport avec les importantes vitesses du courant mesurées dans ce cours d’eau. Selon Barendregt & Bio (2003), la vitesse du courant

82 de l’eau favorise l’oxygénation. La valeur élevée de la conductivité (952,37 µS/cm) notée sur la rivière Nambyon serait due à un faible renouvellement de l’eau de cette rivière. Cette situation favoriserait une forte concentration d’éléments nutritifs issus du lessivage du substrat rocheux dans les eaux de la rivière Nambyon (Galdean & Staicu, 1997 ; Koumba et al., 2017). Selon Sandin (2003), la minéralisation entraîne une baisse du taux d’oxygène dissous. D’où les faibles valeurs de l’oxygène dissous enregistrées sur la rivière Nambyon.

Quant aux variations saisonnières des paramètres physico-chimiques et hydromorphologiques, l'on a noté qu’à l’exception de la teneur en oxygène dissous les autres paramètres varient significativement entre les deux saisons climatiques dans le fleuve Bandama. Dans la rivière Nambyon, située au Sud de la Réserve, ce sont la température et la vitesse du courant de l’eau qui ne varient pas significativement d’une saison à l’autre. Par ailleurs, aucun des paramètres mesurés ne varie significativement entre les deux saisons climatiques dans les mares, situées au Centre de la Réserve.

Les variations inter-saisonnières significatives de la conductivité et du pH ont été notées dans le fleuve Bandama et dans la rivière Nambyon. Cette saisonnalité des paramètres liés à la minéralisation serait imputable aux apports saisonniers en nutriments et en particules solides provenant du bassin versant sous l’action des eaux de ruissellement en saison des pluies. Ces résultats viennent nuancer ceux d’Iltis & Lévêque (1982) et Mathuriau (2002) qui affirment que les milieux tropicaux sont caractérisés au cours de l’année par une faible amplitude de variations des paramètres physico-chimiques entre les différentes saisons. En outre, les faibles valeurs de la conductivité et du pH des eaux enregistrées dans le fleuve Bandama et la rivière Nambyon durant la saison des pluies seraient attribuables au phénomène de dilution des eaux du fait de l'augmentation considérable des débits (Bengen et al., 1992).

Une variation inter-saisonnière significative de la température a été enregistrée dans le fleuve Bandama. La valeur la plus élevée de ce paramètre a été enregistrée durant la saison sèche. Ce résultat serait lié aux températures ambiantes relativement importantes de l'ordre de 32,55 °C dans cette région du pays. Ces observations corroborent ceux de Tamungang et al. (2016) qui ont remarqué, au cours de leurs travaux sur la qualité des eaux domestiques du village de Babiesi au Nord-ouest du Cameroun, que la variation de la température reflète l'influence de la saison. Au cours de cette étude, les valeurs de la température comprises entre 23 et 27,8 °C dans le fleuve Bandama sont inférieures à celles obtenues par Yao (2006) dans le fleuve Comoé, où les valeurs de la température oscillent entre 20,6 et 32,65 °C. Pour Lemoalle (1999), en Afrique intertropicale les températures sont élevées et le plus souvent supérieures à 20 °C. Par ailleurs,

83 les faibles valeurs de la température obtenues durant la saison des pluies dans le fleuve Bandama au niveau de la Réserve seraient liées à un ensoleillement moindre durant la saison des pluies.

La variation saisonnière significative de la vitesse du courant des eaux enregistrée dans le fleuve Bandama serait imputable à la construction de plusieurs petits barrages hydroagricoles sur le lit principal du fleuve Bandama en amont de la Réserve. Ces infrastructures contribueraient durant la période des pluies à l’augmentation du débit du fleuve Bandama à l’intérieur de la Réserve (Kouassi, 1979 ; Lévêque et al., 1983).

La turbidité est un paramètre abiotique qui intervient dans la production primaire et permet d’apprécier l’importance des matières en suspension dans l’eau (N’Douba, 2000). Les variations saisonnières significatives de la turbidité ont été enregistrées dans le fleuve Bandama et la rivière Nambyon. Cette observation résulterait d’une importante accumulation de particules (sable, limon et détritus) dans le fleuve Bandama et la rivière Nambyon par le lessivage des sols nus (Wipfli et al., 2007 ; Berté, 2009). Au cours de cette étude, les valeurs élevées de la turbidité (325,33 NTU) et (202 NTU) ont été enregistrées pendant la saison des pluies respectivement dans le fleuve Bandama et la rivière Nambyon. En effet, durant cette période, les sources de matières particulaires seraient d’origine naturelle (particules provenant de la dégradation des végétaux ou de l’érosion des sols nus) et anthropique (rejets industriels, activités agricoles et d’orpaillages) (Edia, 2008). En effet, le bassin versant et le lit principal du fleuve Bandama sont les lieux d’une importante activité d’orpaillage qui favorise l’ouverture de puits, le grattage et le retournement des sols. Cette activité déstabilise les berges et favorise durant la saison des pluies un important transport de terre et d’effluents miniers dans le fleuve Bandama et la rivière Nambyon. Cette situation expliquerait les valeurs élevées de la turbidité de ces eaux à cette période. Bamba et al. (2013), lors de leurs travaux au Burkina Faso sur l’impact de l’artisanat minier sur les sols d’environnement agricole, rapportent que l’activité d’orpaillage prédispose les sols à des processus d’érosion souvent intenses. Ces apports en matières organiques seraient à l’origine de la coloration brune des eaux de la Réserve durant la saison pluvieuse.

Une variation saisonnière significative de la teneur en oxygène dissous a été observée dans la rivière Nambyon. En effet, les faibles valeurs de la teneur en oxygène dissous mesurées sur la rivière Nambyon durant la saison sèche (novembre à février) seraient la conséquence de la dégradation de la matière organique. En effet, la présence de macrophytes sur cette rivière apparait comme une source potentielle élevée d’azote organique du fait de leur décomposition. Pour Galvez-Cloutier et al. (2002), la croissance excessive de macrophytes entraîne les baisses très importantes d’oxygène dissous. Durant ce processus de décomposition, les acides

84 organiques de types acides humiques, foliques et aminés sont relégués dans le milieu (Champiat & Larpet, 1988 ; Nakai et al., 1996). En revanche, les valeurs élevées de la teneur en oxygène dissous enregistrées dans la rivière Nambyon pendant la saison des pluies seraient le fait de la vitesse du courant de l’eau. En effet, selon Barendregt & Bio (2003) et Gonçalves et al. (2006), les forts courants favorisent l’oxygénation des cours d’eaux.

L’Analyse en Composante Principale (ACP) réalisée sur la base de l’ensemble des échantillons des différentes stations montre que dans le cours supérieur du fleuve Bandama les stations BTA, BTB et BN, dans le cours moyen la station BSA et les stations MS et MVS, situées dans les mares, au Centre de la Réserve présentent les valeurs plus élevées de la conductivité. Ce résultat serait lié à une forte concentration en nutriments et en particules solides provenant du bassin versant sous l’action des eaux de ruissellement dans ces stations. Troeh et al. (2004) ont montré que sous l’action de la pluie qui draine les terres cultivées les eaux de surface reçoivent des apports accrus de nutriments. Par ailleurs, les stations BTA, BTB et BN sont sous l’influence directe des rejets urbains, agricoles et industriels. Quant à la station BSA, elle est le lieu d’une intense activité d’orpaillage. En outre, les valeurs élevées de la conductivité enregistée sur ces stations pourraient s’expliquées par la présence d’activité de pêche et de déchets de bovins. Konan et al. (2015) ont trouvé que ces pratiques favorisent une élévation de la conductivité des eaux due à l’entrée de la matière organique pendant la saison pluvieuse. Par ailleurs, pour Freeman et al. (2007), l’accumulation de sels nutritifs serait favorisée par les pressions anthropiques sur le paysage environnant. Pour Goloma & Symoens (1990), une eau dont la conductivité est supérieure à 100 μS/cm est fortement minéralisée.

L’Analyse en Composante Principale (ACP) a également montrée dans le groupe II des similarités physico-chimiques et hydromorphologiques entre la station NYB, située dans le cours inférieur de la rivière Nambyon et les stations BYA, BYB et BB, situées dans le cours inférieur du fleuve Bandama, mais aussi avec la station BSB, située dans le cours moyen du fleuve Bandama. Ce résultat serait du au fait que la station NYB soit située à l’embouchure avec le fleuve Bandama. Par contre, la station NYA qui constitue à elle seule le groupe III est située dans le cours supérieur de la rivière Nambyon.

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3.2. COMPOSITION ET STRUCTURE DES COMMUNAUTÉS DE MACROINVER-