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II.3 Conjugaison de phase par holographie num´ erique dans une fibre multimode

II.4.5 Discussion sur l’auto-organisation

Les exp´eriences pr´esent´ees pr´ec´edemment ont montr´e que l’holographie dynamique permet la correction du front d’onde dans une fibre multi-cœurs amplificatrice. Les hologrammes pr´esent´es en figure II.56 tendent `a montrer qu’un contrˆole de la phase du faiseau inject´e est n´ecessaire. En effet, le fait que la d´ecomposition modale ne change pas en pr´esence de gain montre qu’il n’y a pas d’auto-organisation de la lumi`ere dans la fibre dans nos conditions exp´erimentales. Cependant, nous avons vu dans la partie I.3.2 pr´esentant que l’´etat de l’art que la combinaison coh´erente des cœurs d’une fibre multi-cœurs identique `a la nˆotre sans contrˆole de la phase a ´et´e r´ealis´ee [Huo 04] grˆace `a un processus d’auto-organisation dans la fibre, qui privil´egie un fonctionnement dans le supermode fondamental. Il peut alors ˆetre int´eressant `a ce stade de l’´etude de comprendre pourquoi aucune auto-organisation n’a ´et´e observ´ee dans notre cas. Pour cela, nous allons ´etudier dans cette partie les m´ecanismes res- ponsables de ce processus dans les fibres multi-cœurs et essayer d’en d´egager des conditions exp´erimentales propices `a leur apparition. Nous tenterons ainsi de comprendre pourquoi nous n’avons pas observ´e ce ph´enom`ene.

L’auto-organisation dans les fibres multi-cœurs est un sujet qui est toujours en cours d’´etude et les conclusions et les effets mis en jeu divergent selon les mod`eles math´ematiques utilis´es pour simuler le comportement de ce type de fibres en pr´esence de gain. Une premi`ere explica- tion a ´et´e donn´ee dans la r´ef´erence [Bochove 03]. Une fibre multi-cœurs compos´ee de 7 cœurs dop´es Yb est mod´elis´ee et sa structure de modes est calcul´ee en utilisant la th´eorie des modes coupl´es [Hardy 86]. Le changement de l’indice de r´efraction et de l’indice non-lin´eaire (ou in- dice Kerr) du fait de l’inversion de population due au pompage est calcul´e via les relations de Kramers-Kronig. Le principal r´esultat d´emontr´e par les auteurs est que l’indice de r´efraction non-lin´eaire n2 change de signe au-del`a d’une certaine intensit´e de pompe. Ce changement de

signe provoque le fonctionnement de l’amplificateur dans le supermode fondamental, ce qui n’est pas le cas `a puissance de pompe faible. Une mani`ere simple de comprendre ceci est de dire que l’influence premi`ere de l’indice non-lin´eaire est la cr´eation d’une lentille au sein de la fibre. Lorsque n2 est n´egatif, la lentille est divergente et favorise le couplage de la lumi`ere dans

les cœurs p´eriph´eriques, et donc le fonctionnement dans un supermode d’ordre sup´erieur. Au contraire, lorsque n2 est positif, la lentille est convergente et tend `a favoriser le couplage vers

les cœurs centraux et donc le fonctionnement dans le supermode fondamental. Une analyse ult´erieure dans la r´ef´erence [Bochove 05] bas´ee sur les r´esultats exp´erimentaux obtenus dans la r´ef´erence [Digonnet 97] a tendance `a minimiser l’effet de l’indice non-lin´eaire. L’impact du

Partie II.4 - Correction par holographie dynamique dans une fibre multi-cœurs `a cœurs coupl´es 91

changement de signe de l’indice non-lin´eaire sur l’auto-organisation reste donc encore sujet `a controverse. Par ailleurs, les auteurs pr´ecisent que des perturbations al´eatoires au sein du guide (position, indices des cœurs) n’ont que tr`es peu d’influence sur l’auto-organisation. Ainsi, les ´eventuels d´efauts de fabrication lors du tirage de la fibre ne jouent pas sur l’auto-organisation.

Plus r´ecemment, une autre explication du processus d’auto-organisation dans les fibres multi- cœurs a ´et´e avanc´ee. Deux fibres multi-cœurs dop´ees `a l’Yb compos´ees respectivement de 7 et 19 cœurs ont ´et´e mod´elis´ees en utilisant une m´ethode de propagation de faisceau 3D [Elkin 07a]. Pour chacune de ces fibres, deux cas ont ´et´e ´etudi´es : celui d’un couplage faible o`u la diff´erence d’indice cœur/gaine vaut 2,57.10−3 (ce qui correspond `a une ouverture num´erique de 0,09) et celui d’un couplage plus fort, avec une diff´erence d’indice de 1,27.10−3 (correspondant `a une ouverture num´erique de 0,05). Le premier r´esultat remarquable est que le nombre de modes support´es par les structures diff`ere dans les deux cas. Ainsi, pour une fibre `a 19 cœurs en maille hexagonale similaire `a la nˆotre, le nombre de modes est de 19 dans le cas du couplage faible et de 10 dans le cas du couplage fort. Les gains petit-signal des modes en phase (supermode fondamental) et du mode hors-phase (supermode dont le profil d’intensit´e est nul selon un axe passant par le cœur central et dont les deux r´egions de part et d’autre de cet axe sont s´epar´ees par un saut de phase de π, similaire au mode LP11 des fibres `a saut d’indice classiques) ont

´egalement ´et´e calcul´es. Ici encore, les conclusions diff`erent selon le couplage. Lorsque le cou- plage est le plus faible, le gain petit-signal est maximal pour le mode hors-phase et minimal pour le mode en-phase et la diff´erence entre les deux valeurs de gain est de 0,024 cm−1. Dans le cas du couplage fort, le mode en-phase a cette fois-ci un gain petit signal maximal mais la diff´erence est r´eduite `a 0,007 cm−1. En r´egime de saturation de gain, l’influence du faisceau inject´e a ´et´e ´etudi´ee sur la fibre compos´ee de 7 cœurs. Les auteurs montrent ainsi que dans le cas du couplage fort (qui assure donc un gain petit signal maximal pour le mode en phase), le mode devenant pr´edominant d´epend des puissances inject´ees dans les diff´erents modes et du ratio de puissance dans les diff´erents modes. Ainsi, les auteurs montrent que pour une puissance de 87 mW pour le mode en phase et de 24 mW pour le mode hors-phase, c’est le mode en phase qui est majoritairement amplifi´e. Au contraire, pour une puissance de 4,3 mW pour le mode en-phase et de 1,1 mW pour le mode hors-phase, ce dernier est majoritaire- ment amplifi´e. Une r´epartition al´eatoire des indices des cœurs est ´egalement ´etudi´ee et a pour principal effet de diminuer la diff´erence entre les gains petits signaux des modes en-phase et hors-phase. Enfin, dans la r´ef´erence [Elkin 07b], les mˆemes auteurs montrent que la phase spatiale du faisceau inject´e dans l’amplificateur a ´egalement un rˆole d´eterminant dans l’ampli- fication du mode en-phase ou hors-phase. Contrairement aux articles cit´es dans le paragraphe pr´ec´edent, les auteurs semblent donc privil´egier la diff´erence du gain modal pour expliquer l’auto-organisation, qui d´epend de la g´eom´etrie de la fibre, des niveaux de puissances et des d´ecompositions modales lors de l’excitation. Enfin, les d´efauts de fabrication de la fibre ont selon eux une influence d´eterminante sur la pr´esence ou non d’auto-organisation.

A la lumi`ere de ces explications, on peut r´esumer les principaux facteurs n´ecessaires `a une mise en phase par auto-organisation dans une fibre multi-cœurs :

– une puissance de pompe ´elev´ee. – une puissance de signal inject´e ´elev´ee.

– un design de la fibre adapt´e (ouverture num´erique permettant un couplage plus ou moins fort, indices des cœurs connus, r´epartition spatiale non al´eatoire des cœurs).

Nous pouvons `a pr´esent tenter de comparer notre cas exp´erimental `a ces donn´ees. Les princi- pales observations sont les suivantes :

– l’ouverture num´erique des cœurs de notre fibre est de 0,065. Nous sommes donc dans un r´egime de couplage interm´ediaire aux deux cas pr´esent´es ci-dessus. Par ailleurs, cette valeur est mesur´ee sur la pr´eforme et non directement sur la fibre, d’o`u une diff´erence

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Chapitre II - Contrˆole du front d’onde dans les fibres multimodes et multi-cœurs par

holographie num´erique

possible avec la valeur r´eelle.

– la puissance de pompe maximale avec laquelle nous avons travaill´e est de 25 W. La mesure de la puissance de pompe r´esiduelle montre que nous ne sommes pas en r´egime de saturation de la pompe et qu’il est donc probable que l’inversion de population soit trop faible pour voir un quelconque effet de saturation du gain par la pompe.

– la puissance du signal inject´e est tr`es faible (700 µW environ) compar´ee aux puissances simul´ees dans la r´ef´erence [Elkin 07a], ce qui tend `a montrer que nous sommes loin de la situation o`u le mode en-phase pr´edomine.

– la sonde coupl´ee `a la fibre dans nos exp´eriences se d´ecompose sur plusieurs supermodes, comme le montre le front d’onde complexe obtenu en sortie ainsi que la rotation de la polarisation dans la fibre. Notre exp´erience diff`ere donc d’une injection s´elective comme cela est pr´esent´e dans la r´ef´erence [Huo 04] et ne se limite pas qu’`a l’excitation de deux modes dont les puissances diff`erent fortement comme dans la r´ef´erence [Elkin 07a]. Cette excitation n’est pas propice `a une mise en phase par auto-organisation dans la fibre, mais elle garantit une propagation sur un plus grand nombre de modes et donc un “volume” effectif (une aire effective int´egr´ee sur toute la longueur de la fibre) plus important. On comprend donc mieux `a pr´esent pourquoi aucune auto-organisation n’a ´et´e observ´ee dans les exp´eriences de mises en phase par holographie dynamique que nous avons men´ees. Les incertitudes quant aux param`etres opto-g´eom´etriques de la fibre ne permettent pas en l’´etat d’affirmer qu’une auto-organisation est ou n’est pas possible. Une mani`ere simple de le voir serait de simplement augmenter la puissance de pompe. Ceci a ´et´e fait dans le chapitre suivant au cours de l’´etude de techniques de correction alternatives.

II.5

Contrˆole du front d’onde par holographie dynamique : bi-