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3. Aperçu de l’intégration des immigrants dans le marché du travail au Québec

3.6 Discussion

Un fait important qu’il convient de mettre en relief se rapporte au faible taux d’emploi des femmes immigrantes appartenant à certains groupes de minorités visibles au Québec.

Il s’agit, pour l’essentiel, de femmes arabes et musulmanes. La scolarité favorise cette

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participation, mais on n’atteint pas le niveau des autres groupes pour autant. Ce phénomène n’est pas propre au Québec et au Canada. Foroutan (2008) est arrivé aux mêmes conclusions dans le contexte australien : là-bas, les femmes non musulmanes sont deux fois plus susceptibles de trouver un emploi que les femmes musulmanes. De son côté, Read (2004) note qu’aux États-Unis, les femmes immigrantes d’origine arabe affichent le taux d’emploi le moins élevé parmi les groupes d’immigrantes. Selon l’auteure, cette situation est due aux normes culturelles traditionnelles – en vertu desquelles l’homme joue le rôle de soutien de famille – et aux réseaux sociaux ethniques et religieux, qui encouragent le maintien des rôles traditionnels des sexes. Dans cette même logique, Antecol (1999) suggère que les facteurs qui déterminent la participation des immigrants au marché du travail dans le pays d’origine sont également importants pour préciser leur comportement sur le marché du travail dans leur pays d’accueil. La culture et les préférences à l’égard de la famille et du travail entreraient en jeu : « There must be a permanent, portable factor, i.e. culture, that is not captured by observed human capital measures and not related to labor market institutions, that affects outcomes » (Antecol, 1999, p. 17).

De manière générale, la promotion de la participation des femmes immigrantes au marché du travail doit être une priorité dans les programmes du gouvernement. L’effet du facteur culturel pourrait être atténué en favorisant davantage l’immigration des femmes qui étaient dans le marché du travail avant d’immigrer ou qui sont susceptibles de l’être après l’immigration. Il s’agit, par exemple, de faire en sorte que la grille de sélection insiste davantage sur la scolarité ou sur l’expérience professionnelle de la conjointe lorsque celle-ci n’est pas la requérante principale. Pour le moment, force nous est de constater que l’économie québécoise se voit privée de compétences élevées dont elle a besoin pour se développer.

Sur un autre point, on note une nette amélioration des perspectives d’emploi pour les immigrants entre 1996 et 2006. Il est difficile d’attribuer ce changement aux politiques de sélection et d’intégration, puisqu’on a observé la même chose chez les non-immigrants.

Cette situation est due en partie à l’amélioration de la conjoncture économique, le

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Recensement de 1996 ayant été réalisé à la fin d’une importante période de récession économique. Peut-être aussi que l’amélioration du niveau de scolarité des deux groupes y est pour quelque chose. Toutefois, même s’il baisse dans le temps, le taux de chômage chez les nouveaux arrivants demeure plus élevé au Québec, comparativement aux autres provinces de comparaison. Ainsi, un autre grand défi pour le Québec consiste à faciliter l’accès à l’emploi dès les premières années d’immigration.

Sur le plan des politiques de sélection pratiquées par la province, il s’avère que des qualités recherchées chez les nouveaux immigrants – comme la maîtrise du français – sont présentes chez des immigrants qui sont fortement exposés au chômage (les Maghrébins, par exemple). Les grilles de sélection peuvent être ajustées au besoin, mais le Québec devra s’attaquer en premier lieu aux problèmes propres au marché du travail québécois, qui font en sorte qu’à leur arrivée dans cette province, les immigrants doivent faire face à un taux de chômage plus élevé que dans les autres provinces, toutes choses égales par ailleurs (Boulet, 2013). Ces difficultés pourraient, par exemple, découler d’une moins grande ouverture des employeurs à l’égard des travailleurs immigrants ou de leur plus forte tendance à exercer de la discrimination à l’embauche. Pourtant, le Québec obtient de meilleurs résultats que d’autres provinces au chapitre de l’emploi des non-immigrants. Il y a donc lieu de se demander pourquoi les immigrants y sont traités différemment. Si on n’apporte pas de solutions à ces problèmes, l’ajustement des grilles de sélection n’aura qu’une portée limitée, à moins de changements draconiens qui favorisent clairement les candidats pour lesquels la littérature prévoit une intégration réussie (les jeunes et les diplômés de certaines régions du monde). Un débat constructif devrait être mené avec les employeurs. Ces derniers voient dans l’immigration un élément essentiel à la croissance de leurs entreprises et militent pour qu’elle augmente 5, mais, sur le terrain, le taux de chômage chez les immigrants est structurellement plus

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Un autre facteur qui pourrait expliquer la situation des immigrants au Québec par rapport à l’Ontario et à la Colombie-Britannique tient au fait que la province compte relativement moins d’immigrants, et que l’immigration y est relativement plus hétérogène sur le plan des régions d’origine. La présence d’une masse critique d’immigrants dans une province est censée offrir un soutien important aux nouveaux arrivants au chapitre de l’information, des contacts et des réseaux qui facilitent l’accès à l’emploi. De l’avis des immigrants eux-mêmes, l’absence de contacts dans le marché de l’emploi figure parmi les obstacles les plus importants à l’obtention d’un emploi (Boudarbat, 2011). À ce propos, Boudarbat et Connolly (2013) ont noté que les immigrants de la Colombie-Britannique étaient relativement plus nombreux à faire appel à des réseaux de parents et d’amis lors de leur recherche d’emploi6. Par ailleurs, la promotion de l’esprit d’entreprise chez les immigrants (qui sont, à la base plus susceptibles d’opter pour le travail autonome que les natifs) pourrait aider à atténuer ce désavantage, tout en permettant à ces immigrants de mieux contribuer au développement du Québec.

6 Borjas (2013) avance des arguments à l’effet que la croissance dans la taille d’un groupe ethnique aurait plutôt un effet négatif sur l’intégration économique des immigrants issus de ce groupe. En effet, plus le groupe ethnique est grand, plus l’immigrant peut se débrouiller avec sa langue maternelle, ce qui réduit la nécessité d’apprendre une nouvelle langue – une langue officielle dans notre cas. Or, les immigrants qui ne maîtrisent aucune langue officielle sont moins susceptibles de s’intégrer dans le marché du travail que les autres immigrants.

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