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1. Le contact visuel

La plupart des soignants a encouragé les mères dans le choix de voir leur enfant. Malgré le bon vécu exprimé par la majorité d’entre elles, l’impact de cette action sur la santé psychique n’a pas été intégré aux statistiques, réalisées par les auteurs. Une étude de Rådestad (2011), évaluant les soins donnés après une mortinaissance, montre que les mères étaient reconnaissantes d’avoir été encouragées à voir leur enfant ainsi que de passer du temps avec ce dernier. Cependant, il serait nécessaire de faire des recherches supplémentaires pour confirmer ces résultats.

De manière générale, les effets du contact visuel semblent positifs, mais ils peuvent s’inverser lors d’une grossesse ultérieure ainsi qu’à une année post-partum.

Un « état de transparence psychique » est décrit par Bydlowski (2001) chez la femme enceinte. Cet état particulier fait apparaître « des souvenirs habituellement refoulés » notamment ceux du deuil, ce qui pourrait expliquer l’inversion des effets lors d’une grossesse ultérieure, sans que cela soit pathologique.

Quant à l’impact à une année post-partum, George (2005) relève les facteurs de risque d’un accouchement traumatique tels qu’un antécédent d’accouchement traumatique, le sentiment

d’avoir été seule et la peur pour la survie de l’enfant. L’accouchement lors de la

mortinaissance est potentiellement traumatique et pourrait donc influencer négativement le vécu de la rencontre de la mère avec son enfant mort-né. De plus, un accouchement traumatique peut influencer le vécu d’une prochaine naissance en augmentant les risques de répétition du traumatisme. Selon Creedy et al. (2000), Murphy et al. (2003), 25 à 33 % des femmes présentent des symptômes de traumatisme suite à leur accouchement.

Il serait alors percutant d’investir ces deux variables.

Les préoccupations quant à l’aspect physique de l’enfant ont été décrites mais l’évaluation de leur impact n’est pas évidente. Il est probable que la présence de malformations ou le terme de la grossesse auquel la mortinaissance a eu lieu puisse influencer le vécu de la mère. Une étude d’Oulai (2007) énonce que « les malformations congénitales majeures [chez les nouveau-nés vivants] provoquent un traumatisme psychique douloureusement vécu par les mères ». Des moyens devraient être mis en place afin d’améliorer cette rencontre lors de malformations ou de dommages corporels.

Une variable qui semble ne pas avoir d’impact sur le vécu mais qui serait néanmoins intéressante à investiguer de façon plus approfondie est l’intervalle de temps entre la

49 mortinaissance et la rencontre de la mère avec son enfant. En effet, le cadavre de l’enfant subit de nombreux changements (Rådestad et al., 2009). Il est alors possible d’imaginer que les changements de son aspect physique puissent influencer le vécu maternel.

2. Le contact tactile

Alors que plusieurs façons de présenter l’enfant aux mères sont exposées dans les articles, leur impact n’a pas pu être démontré. Il semble important de discuter avec les mères pour mieux comprendre leurs besoins quant à l’accompagnement de cette rencontre avec l’enfant.

En général, il semble que le portage de l’enfant mort-né ait une influence positive sur le vécu ainsi que sur la santé psychique des mères. De même, une recherche de Cacciatore et al. (2008) démontre les bénéfices du contact mère-enfant après une mortinaissance alors qu’une femme ayant refusé de voir/tenir son nouveau-né a des issues moins favorables au niveau de sa santé psychique. Corrélativement, plusieurs études rapportent des récits de la part des mères regrettant de ne pas avoir eu de contact avec leur enfant et souffrant ainsi de problèmes psychiques à long terme dont un processus de deuil prolongé (Bourne, 1984; Kennell & al, 1982; Lewis, 1978; Lovell, 1983).

Néanmoins, les effets positifs du contact avec l’enfant semblent s’inverser lors d’une grossesse ultérieure et à une année post-partum. Des résultats similaires sont relevés par Cacciatore en 2012. En effet, l’auteur démontre que voir et tenir le bébé mort-né semblent être associés à moins de symptômes d’anxiété et de dépression bien que cet effet bénéfique puisse être temporairement inversé au cours d’une grossesse ultérieure. A nouveau, ce phénomène pourrait s’expliquer par l’état de transparence psychique traversé par les mères, relevé auparavant. Quant à l’impact à une année post-partum, il serait, de nouveau, intéressant d’investiguer comment ces mères ont vécu leur accouchement afin de mieux comprendre ces effets négatifs.

3. Le temps passé avec l’enfant

Les résultats des articles de cette revue de littérature indiquent que le temps passé avec l’enfant est non seulement considéré comme important par les mères, mais a aussi un impact bénéfique sur la santé psychologique maternelle.

Malheureusement, la recherche est pauvre sur ce thème, peu d’études analysent cette variable. Au vu des résultats obtenus, il serait intéressant d’approfondir la relation du temps et du vécu de la mère lors de nouvelles recherches.

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4. L’accompagnement

La plupart des mères a apprécié la prise en charge des soignants. Cependant, les impacts des modalités de présentation de l’enfant mort à la mère de la part des soignants n’ont pas été prouvés. En tenant compte des différentes approches (demander ou non aux mères de voir/tenir leur enfant), il serait intéressant de mieux identifier les facteurs qui ont permis aux mères d’avoir des vécus positifs, mais aussi d’évaluer leurs impacts à long terme. Il peut être supposé que l’accompagnement des soignants lors de cette rencontre ait un impact sur le vécu de la mère. En effet, Raphael, Minkov et Dobson (2001) démontrent que le soutien de la part du personnel soignant et de la famille après une mortinaissance est associé à un taux d’anxiété et de dépression plus bas chez les mères.

Un meilleur pronostic est relevé lorsqu’un suivi au post-partum précoce et tardif est mis en place. De même, selon Sisay, Yirgu, Gobezayehu et Sibley (2014), une psychothérapie spécialisée ainsi que des groupes de parole de parents peuvent améliorer les issues psychologiques parentales suite au deuil périnatal, mais peu de données sont disponibles à ce sujet. Il serait donc intéressant d’étudier d’autres types d’accompagnement pouvant être proposés aux parents suite à la mortinaissance afin d’améliorer la prise en charge du deuil périnatal.

5. Les variables démographiques et les facteurs de risque

Plusieurs variables ont été mises en lien avec des répercussions sur la santé psychique des mères notamment la gestité, la parité et le temps entre la mortinaissance et la grossesse suivante.

Il est peut être supposé qu’un sentiment de culpabilité, voir un sentiment de punissement, peut être ressenti par les femmes suite à la réalisation d’une IVG dans le passé.

L’impact de l’ordre de naissance sur le vécu maternel pourrait être mis en lien avec le temps à disposition de la mère. En effet, il est possible qu’une femme n’ayant pas encore connu de maternité ait plus de temps à consacrer à l’enfant décédé. A l’inverse, nous pouvons également supposer qu’une mère ayant des enfants puisse avoir des moments plus restreints pour se consacrer à sa peine et faire son deuil. Elle peut également avoir de la difficulté à parler ou à expliquer ce douloureux évènement à ses enfants, ce qui peut amplifier sa détresse.

51 Quant à la temporalité, nous pouvons émettre l'hypothèse qu’une grossesse survenant dans les mois suivant la mortinaissance a moins d’impact au niveau de la santé psychique en raison d’un travail de deuil terminé chez la mère. La perte subie est devenue une perte acceptée. Ainsi, la femme est prête à s'investir dans une nouvelle grossesse. Inversement, nous pouvons aussi supposer que la grossesse peut survenir pour combler la perte. Il serait alors judicieux d’investiguer les conséquences de « l’enfant réparateur » sur la santé psychique de la mère, sur l’enfant à naître ainsi que sur le couple à plus long terme.

Des auteurs se sont intéressés au moment opportun d’une nouvelle grossesse après une mortinaissance. Il semble qu’une temporalité idéale n’existe pas mais elle est propre au processus de deuil de chaque femme et de chaque couple. C’est pourquoi, certains chercheurs conseillent aux parents « d’attendre jusqu’à ce qu’ils jugent eux-mêmes se sentir prêts à s’engager dans une nouvelle grossesse » (Rådestad et al., 2010 cité par Institut National de Santé Publique Québec, 2015).

De manière générale, la difficulté d’évaluer l’impact d’une seule variable lors d’un évènement aussi complexe qu’est la mortinaissance pourrait expliquer pourquoi ces différents facteurs sont, en général, peu développés dans la littérature. Néanmoins, il serait intéressant de s’y pencher afin d’avoir des résultats plus probants.

6. Le père, le couple, la famille

Dans cette revue de la littérature, il n’y a aucune référence ni au couple ni au père.

Cependant, dans la littérature, il est décrit que les couples ayant vécu une mortinaissance ont plus de risques de se séparer (Shreffler, Hill & Cacciatore, 2012). De plus, selon Geberowicz et Barroux (2005), le chamboulement provoqué par l’arrivée d’un enfant vivant est complexe. Il s’exerce à plusieurs niveaux : non seulement à l’intérieur du couple, mais aussi dans la relation au sein de la famille proche. Il est probable que ces chamboulements soient autant présents lors d’une mortinaissance.

L’expérience difficile des pères lors de la mortinaissance est aussi décrite dans la littérature. Selon Cacciatore (2012), leur douleur est négligée en raison de la pression sociale les obligeant à être forts et protecteurs. De plus, un besoin de reconnaître leur vulnérabilité et leur détresse psychologique, lors d’une grossesse qui suit une mortinaissance, est démontré par Turton, Badenhorst, Hughes, Ward, Riches et White (2006).

Il vaudrait donc la peine d’investiguer l’impact de la mortinaissance sur le père, le couple ainsi que sur la famille proche (grands-parents, frères et sœurs) dans le but de mieux comprendre ce phénomène au sein de la famille et de pouvoir mettre en place des accompagnements adaptés.

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FORCES ET LIMITES DE LA REVUE DE LITTERATURE

1. Les limites et faiblesses

Nous avons conscience que notre expérience est novice dans le domaine de la recherche. Ce travail peut donc comporter certaines imprécisions.

Une grande part de la littérature faisant référence à la mortinaissance est en anglais. N’étant pas anglophones, des possibles biais de traduction et d’interprétation peuvent être présents au cours de la revue.

Le nombre d’articles imposés dans cette revue de la littérature limite les résultats obtenus. La mortinaissance étant un évènement complexe, il est difficile de répondre à notre question de recherche avec les 5 articles analysés. Par ailleurs, bien qu’étant complexe, la littérature est abondante sur le sujet de la mortinaissance.

La complexité de la mortinaissance associée à la diversité des facteurs influençant le vécu, rend les résultats de cette revue de la littérature difficiles à généraliser. La prise en charge de la naissance peut varier d’un pays à l’autre. Les études analysées dans la revue ont été réalisées dans les pays d’Europe du Nord. Ainsi les pratiques de soin ou de prise en charge peuvent différer de ce qui est proposé en Suisse. Un autre élément rend également une généralisation des résultats compliquée. En effet, l’ensemble des études a sélectionné un échantillon de femmes maitrisant la langue du pays. Qu’en est-il des populations migrantes ou étrangères faisant partie intégrante de la population suisse?

Un biais de sélection des articles peut être cité. Ingela Rådestad est l’auteur de trois recherches sélectionnées (2, 3 et 4). Cela peut être justifié par sa grande expérience et connaissance de la thématique de la mortinaissance. En effet, infirmière, sage-femme et docteur en sciences médicales, elle s'investit, depuis plus de 20 ans, dans la recherche visant à réduire le taux de mortinaissances ainsi qu’à améliorer sa prise en charge par les soignants (Sophiahemmet Högskola, 2013). Il peut être mis en avant que les trois études dont fait partie Rådestad diffèrent dans leurs buts, à savoir le vécu des mères, l’évaluation du niveau de SSPT à long terme et l’impact des actions des soignants sur l’apparition de symptômes dépressifs. Le choix de l’article 2 peut être un second biais de sélection. Les données utilisées proviennent d’une autre recherche, datant de 1996. Nous pouvons nous interroger quant à la pertinence des résultats étant donné que les informations ont été recueillies pour un objet d’étude différent.

53 Il est probable, qu’à ce jour, la sélection des articles pour cette revue serait faite différemment.

Nous pouvons également discuter de l'hétérogénéité des échantillons. Les critères d’inclusion du terme de la grossesse à partir duquel la mortinaissance a eu lieu, le temps passé entre l’évènement et la réalisation de l’étude ainsi que l’état de la femme au moment de l’étude empêchent une confrontation directe des résultats de la revue. En effet, nous pouvons imaginer que de tenir un enfant de 18 SA dans les bras peut être vécu différemment, en relation à l’apparence physique, si l’enfant naît proche du terme. De plus, la temporalité plus ou moins grande entre la mortinaissance et l’étude peut amener à des souvenirs erronés ou des changements de prise en soin non transposables à la société actuelle. Pour terminer, une des études se concentre sur les femmes enceintes, deux autres ne les concernent pas. Les deux dernières ne spécifient pas si les femmes sont gravides ou non. Or, nous avons spécifié dans les résultats de la revue que le bien-être et le vécu psychique peuvent être modifiés pendant une grossesse pouvant ainsi fausser certains résultats.

Une autre limite à mettre en avant est le manque de référence au père, qui est pourtant lui aussi confronté à la perte d’un enfant et aux émotions que cet évènement implique. Au fil de nos recherches, nous avons constaté l’absence du père dans les études consultées. De ce fait, nous aurions pu modifier notre question de recherche en la ciblant non pas sur le couple mais sur la mère uniquement.

Divers résultats énoncés par les auteurs ne sont pas significatifs ou sont à considérer avec attention en raison des biais. Les résultats mêmes de la revue de littérature sont ainsi à étudier avec précaution. En effet, la volonté de comprendre l’impact d’une action spécifique, comme voir et toucher, peut être réductrice face à la complexité du thème étudié. Le facteur humain présent dans l’accompagnement, l’histoire de vie de chaque personne ayant vécu la mortinaissance ou l’ayant accompagnée ainsi que les variables temporelles et géographiques peuvent avoir des conséquences. Étudier une action sans le contexte dans lequel elle est amenée peut rendre son évaluation difficile, surtout lorsqu’elle touche au vécu subjectif et psychologique de la personne.

Après l’analyse des différents articles, une question éthique peut être abordée. En effet, en répondant au questionnaire, les mères se remémorent l’expérience douloureuse de la mortinaissance et pourraient être à nouveau éprouvées psychologiquement. A l’exception de l’étude 5, aucune étude n’évoque la proposition d’un soutien psychique aux mères ayant

54 participé à la recherche alors que l’impact psychologique de participer à une étude de ce type n’est pas connu.

2. Les forces

Bien qu’Ingela Rådestad ait participé à la rédaction de trois articles de la revue, l’ensemble des auteurs sont reconnus dans le domaine de la mortinaissance. Infirmiers, sages-femmes, docteurs, psychologues spécialisés font partie de l’équipe de chercheurs permettant la validité des résultats ainsi qu’une possible application dans la pratique. De plus, l’ensemble des articles est publié au sein de revues scientifiques pertinentes dans le domaine médical et reconnues internationalement par la communauté scientifique.

Ce travail nous a permis de prendre conscience de la complexité de la mortinaissance. Des débats ont jailli au sein du groupe et de nouvelles pistes de réflexions ont émergé de ce travail. Nous avons hâte de les explorer dans notre avenir professionnel.

Cette recherche nous a permis également de mieux comprendre le vécu des parents. Leurs témoignages ainsi que certains résultats inattendus nous ont permis de nous questionner sur les représentations que nous avons de la mortinaissance. La mort, et plus particulièrement celle d’un nouveau-né, est une thématique que nous appréhendions. Ce travail nous a, entre autre, aidé à nous projeter dans une prise en charge de la mortinaissance, en nous donnant des clés qui nous permettrons d’aller à la rencontre de ces familles avec un peu plus d’aisance.

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