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Les objectifs principaux de ce travail étaient d’étudier la distribution du tissu adipeux et l’atténuation du tissus musculaire des patients atteints d’une MPOC et de vérifier si cela est associé à des évènements cliniques en lien avec l’état de santé du patient et/ou la progression de la maladie telle que le déclin de la fonction pulmonaire, le taux annuel d’exacerbation, la distance marchée en 6 minutes, la qualité de vie, les comorbidités et la mortalité.

Les résultats discutés dans l’article du chapitre 4 mettent en évidence la valeur ajoutée d’une analyse approfondie de la composition corporelle qui va au-delà de l’IMC dans l’élaboration du tableau clinique du patient atteint d’une MPOC. Afin de bien en établir les perspectives, il sera question dans ce chapitre des points clés de l’étude et des limites dont il faut tenir compte pour son interprétation.

5.1 Analyse de la composition corporelle

À la lumière des résultats présentés dans l’article, nous sommes en mesure de confirmer que les patients atteints de MPOC présentent une composition corporelle altérée. Ceux-ci possèdent une plus grande surface de tissus adipeux viscérale et une plus grande infiltration graisseuse au niveau musculaire, lorsque mesuré par TACO. En ce sens, nos hypothèses de départ se sont avérées justes puisque pour un même IMC, le patient atteint d’une maladie pulmonaire présente une plus grande proportion de tissus adipeux abdominal et ce tissu est principalement localisé au niveau intra- abdominal. Ces altérations semblent s’accentuer avec la sévérité de la maladie, ce qui remet en doute l’utilisation de l’IMC comme seul critère évaluatif du surplus de tissu adipeux dans cette population.

Dans la même optique, en se basant que sur l’IMC, il existe un risque pour les professionnels de la santé de sous-estimer l’excédant de tissu adipeux chez un grand nombre de patients ayant un poids «normal». Il serait donc utile d’utiliser les TACO prescrits de routine dans le cadre du suivi ou du diagnostic de la maladie pour faire une analyse approfondie de la distribution du tissu adipeux. Tel que présenté précédemment dans l’article, il a aussi été possible dans cette étude de mesurer le score de calcification coronarienne (CAC) à partir de ces mêmes images. Toujours dans un contexte clinique, il serait alors possible et pertinent, d’obtenir une évaluation de la maladie cardiovasculaire, pulmonaire et de l’obésité à partir d’un seul examen d’imagerie de routine. Sachant que chacune de ces pathologies interagissent entre elles, l’implantation d’une telle stratégie permettrait de mettre en place une approche multidisciplinaire et multi systémique qui pourrait optimiser les interventions et favoriser le maintien de la qualité de vie.

5.2 Conséquences d’une composition corporelle altérée

Bien que l’excès de tissu adipeux viscéral est associé à une augmentation de la proportion de patient MPOC atteint de diabète et de reflux gastroesophagien, il semblerait que ce soit davantage la quantité et la qualité du tissu musculaire qui influencent le tableau clinique du patient. Indépendamment du niveau de sévérité de la maladie et de l’IMC, les patients qui possèdent une plus grande surface musculaire et une plus grande densité de ce tissu (faible infiltration graisseuse) présentent une meilleure capacité fonctionnelle évaluée par le TDM6, une meilleure qualité de vie évaluée par le questionnaire de St. Georges en plus d’une plus faible proportion de maladies cardiovasculaires. En ce sens, il est possible que le principe de «Fat and fit» pourrait s’appliquer dans la MPOC. Ceci signifie que pour ces patients il vaudrait mieux présenter un surpoids, mais avoir une masse musculaire préservée que d’avoir un poids idéal avec un tissu

musculaire largement documentée dans la MPOC est une des cibles d’intervention clés des programmes de réadaptation.40 Nos résultats

confirment donc l’importance du réentrainement non seulement en endurance, mais aussi en résistance afin de contrer la dysfonction musculaire qui est caractéristique et déterminante dans la MPOC. Toutefois, nos résultats suggèrent que du point de vue des comorbidités, il demeure bénéfique de réduire le tissu adipeux viscéral progressivement avec un objectif de maintien du poids corporel à long terme qui pourrait être adressés lors des programmes de réadaptation.

5.3 Limites de l’étude

L’étude présentée comporte plusieurs forces notamment la taille de l’échantillon avec un bon suivi longitudinal sur 3 ans, la présence de patients atteints d’une MPOC plus sévère en grand nombre et le caractère multicentrique et international qui nous permettent une généralisation des résultats à l’ensemble de la population des pays industrialisés. Néanmoins, il y a plusieurs limites dont il faut tenir compte.

Premièrement, à la base, la cohorte ECLIPSE ne présente pas d’appariement entre les sujets MPOC et les sujets témoins en ce qui a trait aux données démographiques. Sachant que le phénotype de composition corporelle varie grandement selon le sexe et l’âge, il est important d’en tenir compte lors d’une comparaison intergroupe. De plus, même si nous ne pensons pas que cela ait pus affecter nos conclusions, puisque le protocole d’imagerie n’a pas été conçu au départ pour une évaluation de la distribution du tissu adipeux, nous n’avons pu obtenir des images au niveau anatomique désiré que chez 25-30% de la cohorte. Par contre, malgré de grandes différences pour le nombre de sujet, le sexe et l’âge dont nous avons dû tenir compte lors des

analyses statistiques, l’IMC, seule variable de composition corporelle, ne diffère pas entre nos groupes.

Même si un suivi sur trois ans est une des forces de cette étude pour évaluer la progression de la maladie pulmonaire, cela n’est pas suffisant pour déterminer les impacts réels de l’obésité et de la distribution du tissu adipeux. Par exemple, le taux de décès à 3 ans d’environ 10% soit 50 personnes, ne permet pas d’obtenir une puissance statistique suffisante pour mettre en lumière l’impact des modifications de la composition corporelle sur la mortalité dans cette cohorte. Un suivi sur une plus longue période serait nécessaire puisque les conséquences néfastes de l’obésité apparaissent souvent après plusieurs années.

Finalement, aucune évaluation du niveau d’activité physique ni de bilan alimentaire n’a été effectuée pour l’ensemble de la cohorte. Puisque la balance énergétique influence grandement la prise pondérale, tant l’activité physique que les habitudes alimentaires deviennent des variables confondantes majeures. Il devient donc difficile de distinguer si la présence accrue de graisse viscérale dans les stades plus avancés de la maladie est attribuable à la maladie elle-même ou à l’augmentation de la sédentarité induite par une plus grande limitation ventilatoire ou à des habitudes alimentaires spécifiques. De la même façon, bien qu’on observe une relation significative entre la distance parcourue lors du TDM6 et le tissu adipeux viscéral, celle-ci pourrait s’expliquer seulement par un niveau de sédentarité plus élevé.

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