• Aucun résultat trouvé

Dans ce chapitre, nous avons montr´e, par deux m´ethodes de petit-mondisation diff´erentes, qu’il existe une grande classe de graphes qui peuvent ˆetre transform´es en petits mondes navigables via l’ajout d’un nombre constant de liens al´eatoires. Le premier processus (section 5.2) montre que ces liens peuvent ˆetre distribu´es en fonction de la croissance des boules du graphe et le second (section 5.6) donne une caract´erisation li´ee `a l’existence d’un plongement de faible distorsion dans un espace euclidien de faible dimension.

D’autres r´esultats concernant la compr´ehension des propri´et´es structurelles de la navigabilit´e sont parus simultan´ement et d´emontrent ´egalement la possibilit´e d’augmenter des graphes sp´ecifiques en petits mondes navigables. Slivinks [Sli05] a ainsi d´emontr´e ind´ependamment que toutes les m´etriques de dimension dou-blante born´ee, qui contiennent les m´etriques de croissance born´ee, ´etaient

petit-mondisables via l’ajout d’un nombre polylogarithmique de liens par noeud. La

dimension doublante d’un graphe est l’exposant α tel que toute boule de rayon r peut ˆetre couverte par 2α boules de rayon r/2. Il s’agit d’une probl´ematique l´eg`erement diff´erente dans le sens o`u l’on suppose la donn´ee d’une m´etrique de d´epart et non d’un graphe de d´epart, il n’y a donc aucune arˆete entre les noeuds avant la petit-mondisation. On doit alors tenir compte de deux param`etres : le nombre de noeuds n et le diam`etre de la m´etrique ∆ qui est le ratio de la plus grande distance sur la plus petite distance. L’auteur utilise le fait qu’il existe une mesure doublante4 pour toute m´etrique de dimension doublante born´ee, cela si-gnifie grossi`erement qu’il existe une assignation de poids aux noeuds qui donne `a la m´etrique l’apparence d’une m´etrique de croissance born´ee (on pourra se re-porter au chapitre 13 de [Hei01]). Le processus de petit-mondisation ajoute alors O(2αlog n log ∆) liens al´eatoires par noeud (soit O(2αlog2n) en partant d’un graphe `a croissance born´ee) et produit un graphe dans lequel un algorithme de routage d´ecentralis´e calcule des chemins de longueur O(2αlog n) en esp´erance.

4

une mesure doublante pour un espace m´etrique est une mesure µ telle qu’il existe une constantec > 0 telle que, pour tout noeud u et tout rayon r > 0, on a µ(bu(2r)) 6 c· µ(bu(r)).

5.7 : Discussion 133

Ce r´esultat ´elargit donc la classe des graphes petit-mondisables. Slivkins ne donne pas d’impl´ementation de cette petit-mondisation, mais on remarquera qu’elle re-quiert le calcul d’une mesure de dimension doublante pour la m´etrique (le meilleur algorithme est actuellement enO(n log n) [HM05]), puis le parcours de toutes les boules du graphe (selon une impl´ementation na¨ıve).

D’autre part, Fraigniaud [Fra05] a d´emontr´e que tout graphe fini de largeur

ar-borescenteborn´ee ou de cordalit´e born´ee, pouvait ˆetre augment´e en petit monde via l’ajout d’un lien par noeud. La largeur arborescente d’un grapheG repr´esente grossi`erement l’entier minimal k tel que le graphe peut ˆetre d´ecompos´e en un arbre dont les noeuds sont des sous-graphes de G de diam`etre au plus k. La cordalit´e est la taille maximum d’un cycle sans corde dans G. Le processus de petit-mondisation propos´e commence par faire une d´ecomposition arbores-cente du graphe sur laquelle est calcul´ee la distribution des liens-longue-distance. Cette petit-mondisation permet d’obtenir une esp´erance de longueur de chemin O(log2n) pour l’algorithme glouton.

Toutes les petit-mondisations propos´ees distribuent les liens longue-distance selon une loi monotone en la distance sous-jacente. Flammini et al. [FMNP05] ont r´ecemment montr´e une borne inf´erieureΩ(log2n) pour l’esp´erance de la lon-gueur de chemin de l’algorithme glouton pour toutes les distributions monotones. Si les nouveaux mod`eles de petit monde permettent de mieux comprendre les propri´et´es structurelles des petits mondes et ´eventuellement d’en tirer parti pour construire des r´eseaux informatiques o`u le routage est efficace, on ne peut donc pas esp´erer construire de mod`ele o`u l’algorithme glouton serait plus efficace que dans le mod`ele de Kleinberg original en ajoutant des liens selon une distribution monotone.

Les processus de petit-mondisation que nous avons pr´esent´es dans ce cha-pitre et ceux de [Fra05, Sli05] ne donnent pas de caract´erisation exhaustive et la question de l’existence de graphes non petit-mondisables reste ouverte. Le pro-cessus de petit-mondisation par plongement nous laisse n´eanmoins suspecter que tout graphe peut ˆetre petit-mondis´e. En effet, un r´esultat r´ecent de Abraham et

al.[ABC+05] montre qu’il est possible de plonger, avec une distorsion constante, toute m´etrique dans Rd, o`u la dimensiond est une constante, si l’on autorise une fraction constante des arˆetes `a avoir une distorsion arbitraire. Ce r´esultat, combin´e `a notre ´etude d’un processus de petit-mondisation par plongement, nous laisse suspecter que tout graphe pourrait ˆetre augment´e en un petit monde navigable. N´eanmoins, pour d´epasser l’erreur induite par les plongements laissant une frac-tion des distances arbitrairement distordues, un degr´e sortant polylogarithmique semble n´ecessaire afin de garantir une couverture de toutes les ´echelles de dis-tances du graphe par les liens al´eatoires ajout´es.

Sous l’hypoth`ese de la validit´e de cette conjecture, la caract´eristique essen-tielle de l’existence de la navigabilit´e dans un graphe serait donc davantage due

`a la relation existante entre la distribution des raccourcis et la m´etrique des dis-tances sous-jacente, qu’`a une propri´et´e sp´ecifique de cette m´etrique, ce qui expli-querait l’omnipr´esence de cette propri´et´e. Par ailleurs, nous devrions alors recher-cher l’origine de l’´emergence de l’effet petit monde dans un processus naturel de construction des raccourcis. Dans cette perspective, le chapitre suivant pr´esente une impl´ementation distribu´ee de petit-mondisation, o`u chaque noeud choisit son contact longue-distance sans connaˆıtre le reste du graphe.

Chapitre 6

Petit-mondisation distribu´ee

Introduction

Dans ce chapitre, nous nous int´eressons `a l’´emergence de l’effet petit monde dans un r´eseau via un processus naturel d’ajout de raccourcis.

Si les petit-mondisations propos´ees dans le chapitre 5 et celles de Frai-gniaud [Fra05] et Slivkins [Sli05] permettent bien d’augmenter un r´eseau en un petit monde navigable, elles requi`erent n´eanmoins la connaissance de la quasi-totalit´e du r´eseau pour le calcul des liens longue-distance. [Fra05] n´ecessite no-tamment de calculer une d´ecomposition arborescente du r´eseau, [Sli05] n´ecessite de calculer une mesure doublanteainsi que la taille de toutes les boules de la m´etrique, enfin le processus de petit-mondisation des graphes `a croissance mod´er´ee que nous avons pr´esent´e dans le chapitre 5 n´ecessite ´egalement le calcul de toutes les tailles de boules. Ces processus requi`erent donc un pr´ecalcul cen-tralis´e sur le r´eseau qui n’est pas envisageable dans le cadre d’un grand r´eseau informatique d´ecentralis´e, ou d’un r´eseau social. Dans ce chapitre, nous propo-sons un sch´ema enti`erement distribu´e pour augmenter les graphes `a croissance born´ee en petits mondes navigables par l’ajout d’un unique lien par noeud. Nous utilisons pour cela une m´ethode d’´echantillonnage multi-niveaux qui nous per-met d’´eviter les calculs centralis´es des distributions des liens longue-distance al´eatoires. En d´ecrivant un sch´ema distribu´e pour la petit-mondisation, nous don-nons un exemple de processus o`u, via un ensemble d’op´erations locales, l’effet petit monde ´emerge dans un r´eseau. Pour d´ecrire le fonctionnement de l’algo-rithme de routage glouton, nous supposons que les noeuds du r´eseau sous-jacent (avant augmentation) peuvent ´evaluer leur distance les uns par rapport aux autres, on suppose donc qu’il existe un oracle de comparaison des distances. Formelle-ment, nous nous int´eressons au probl`eme suivant :

Probl`eme 6.1

´

Etant donn´e un r´eseau, d´ecrire un algorithme distribu´e efficace qui ajoute un lien par noeud tel que l’algorithme glouton, en utilisant un oracle r´epondant `a la

ques-tion ”δ(u, w) > δ(v, w) ?” en temps constant, calcule des chemins de longueur

polylogarithmique en esp´erance entre toute paire de noeuds du graphe augment´e.