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Chapitre 3 Établissement d’un modèle numérique

4.5 Discussion

Dans ce paragraphe, on se propose d’analyser les variations de coefficients de frottement mobilisé en fonction des valeurs de contraintes de compression et de cisaillement à l’interface, en proposant une explication théorique de la faible va- riabilité de ces dernières, puis de discuter de l’influence de ses variations dyna- miques sur la stabilité de l’interface.

4.5.1

Variations des contraintes et des coefficients de

frottement

4.5.1.1

Variations spatiales

Pour les tractions, comme on l’a noté en 4.4.1.1, l’amplitude des surtractions dynamiques est très inférieure à la traction totale et l’effet dynamique du char- gement sur les contraintes de cisaillement à l’interface est quasiment insigni- fiant, excepté à 40 Hz. Nous proposerons une explication à cet effet dans la par- tie 4.5.2. Par ailleurs, l’influence de la seule surcharge statique de 55 kN est également très minoritaire sur la valeur des tractions totales (cf. [BOU12], [SOY09]).

Ainsi, la variation spatiale de la contrainte de cisaillement est pratique- ment donnée par la répartition des tractions dans les armatures à la fin de la construction.

A contrario, la variation spatiale des contraintes de compression verti- cales provient à la fois des contraintes statiques et des incréments de contrainte dynamique. Les amplitudes des contraintes verticales sont maximales sous la traverse, c'est-à-dire en extrémité d’armature (x ~ 3 m).

La variation spatiale du coefficient de frottement dynamique mobilisé, constaté dans la partie 4.4.1.3, s’explique alors par ces deux effets : pour un pas de temps fixé, plus le point de l’interface est éloigné du parement, plus le coef- ficient de frottement mobilisé est important. Ce résultat n’est pas le fait du ca- ractère dynamique du chargement, mais provient davantage de la répartition spa- tiale des tractions statiques et des contraintes totales.

4.5.1.2

Variations temporelles

La variation temporelle du coefficient de frottement dynamique s’explique uni- quement par celle des contraintes verticales, c'est-à-dire par les vibrations verti- cales du remblai autour des armatures, puisque les tractions et donc les con- traintes de cisaillement ne dépendent pas du temps (cf. Figure 4-18).

L’amplitude de ces vibrations étant maximale en extrémité d’armature (x ~ 3 m), c’est à ce niveau que les variations temporelles sont le plus marquées.

Cependant, dans le cas d’un chargement ferroviaire modélisé de façon plus réaliste et pour des armatures plus proches de la traverse, comme dans [FRE14] par exemple, ces déphasages rendent nécessaires d’appliquer un facteur 1,2 au coefficient de frottement mobilisé calculé.

Nous allons dans un premier temps proposer une explication de la faible dépendance des tractions à la surcharge dynamique, puis nous considérerons les phénomènes de rupture locale à l’interface dans le cas où ces augmentations de traction sont plus sensibles.

4.5.1.3

Influence de la profondeur

En moyenne, le coefficient de frottement dans l’armature A46 est plus grand que dans l’armature A36. Ceci s’explique par le fait que les contraintes dynamiques s’atténuent avec la profondeur (cf. Figure 3-22), alors que les contraintes sta- tiques ont des valeurs similaires pour les deux lits d’armatures (Figure 4-17).

4.5.2

Analogie avec la propagation d’ondes planes en milieu

infini

La Figure 4-27 illustre le cas d’une onde plane harmonique se propageant trans- versalement à la direction des renforcements dans un milieu infini, tandis que la Figure 4-28 illustre le cas où les ondes se propagent dans la direction des renfor- cements. Le tenseur Г associé à chacun des deux schémas est le tenseur de Christoffel (cf. [NGU14], [NAV06]) qui représente le tenseur d’élasticité dans la direction de polarisation de l’onde. µs et λs sont les coefficients de Lamé du mi- lieu infini (ici le sol) et α représente la fraction volumique du renforcement dans le sol multiplié par le module élastique de l’armature (pour un massif en Terre Armée on a α≈80 MPa, c'est-à-dire de l’ordre de µs et λs).

Figure 4-27 : Onde se propageant transversalement à la direction de renforcement [NGU14]

Figure 4-28 : Onde se propageant parallèlement à la direction de renforcement [NGU14]

La Figure 4-27 indique alors que les ondes se propageant transversale- ment à la direction du renforcement d’un milieu renforcé infini ne « voient » pas les armatures puisque le terme α associé au renforcement disparaît de la matrice du tenseur Г.

Ainsi dans notre massif de sol renforcé sollicité verticalement, les arma- tures ne sont pas « vues » par l’onde incidente, mais uniquement par les ondes réfléchies sur le parement. En effet, le chargement de la traverse est initialement un chargement vertical de compression, tandis que les ondes réfléchies sont des ondes de compression et de cisaillement dont la direction de propagation n’est plus perpendiculaire aux armatures et qui sont donc sensibles à ces dernières. De ce fait, les incréments de traction sont dues uniquement aux ondes générées par les réflexions sur le parement et sont donc d’amplitude très inférieure aux con- traintes de compression verticales qui proviennent, elles, à la fois des ondes ré- fléchies, mais surtout de l’onde incidente générée par l’effort du vérin sur la tra- verse.

Ainsi, les contraintes de cisaillement dynamique au voisinage de l’interface sol/armature sont souvent négligeables devant les contraintes sta-

tiques, sauf dans les cas de résonance, où on a une amplification de l’amplitude du cisaillement, comme illustré à 35 et 40 Hz sur la Figure 4-18.

4.5.3

Comparaison avec le chargement statique

La Figure 4-24 donne le rapport local du coefficient de frottement dynamique mobilisé sur le coefficient de frottement statique sur chaque facette de l’armature. On a vu que les valeurs de ce rapport local pouvaient être élevées, mais seulement pour des petites portions d’armatures, ce qui ne permet pas de conclure sur la stabilité globale de l’ensemble de l’armature. Ainsi, il peut être intéressant de regarder le rapport moyen sur toute la longueur de l’armature et de donner la valeur minimale de ce rapport moyen au cours d’un cycle, comme on le présente Figure 4-29 en reprenant les données de la Figure 4-24. Ce rap- port de coefficients de frottement est présenté pour l’armature A46 (située à 13 cm sous la surface du remblai) et l’armature A36 (située à 88 cm de la surface).

Figure 4-29 : Rapport de fdynamique sur fstatique à 90 kN. Valeur moyenne sur la zone résis- tante de l’armature ; valeur minimale au cours d’un cycle.

On constate alors sur la figure précédente que le rapport des coefficients de frottement est presque toujours inférieur à 160 %, sauf à 35 Hz. De plus, ce rapport diminue fortement pour l’armature A36.

Il faut rappeler que la force de 90 kN correspond au poids appliqué par le bogie à la traverse centrale en statique (cf. Figure 1-40) c’est pour cela que nous avons pris cette valeur pour valeur statique de référence. Cependant, comme le chargement est harmonique et l’amplitude de la force appliquée par le vérin va- rie entre 35 kN et 90 kN, cette force statique de référence correspond au char-

gement quasi statique maximum équivalent, mais ne correspond pas à la valeur moyenne sur une période.

Ces valeurs élevées de coefficient de frottement dynamique mobilisé peuvent dépasser une valeur critique normative, indiquant une mise en plasticité possible (Figure 4-25 et Figure 4-26); cependant, le critère n’est dépassé que sur une petite portion de la partie active de l’interface, et sur des courts laps de temps au cours d’un cycle. On peut donc supposer que la stabilité de l’ouvrage n’est pas remise en cause, même si le modèle utilisé n’a pas permis de donner une estimation des déplacements irréversibles de l’interface causés par l’apparition de cette plasticité.

4.6

Conclusion

Ce chapitre porte sur le comportement instantané des interfaces arma- tures/remblai des deux rangées supérieures de renforcement de l’ouvrage expé- rimental du CER ([FRO08], [SOY09]) pour un chargement correspondant au passage d’un TGV.

La modélisation a permis de calculer la contrainte de compression et la contrainte de cisaillement locale au niveau des armatures. Les contraintes de ci- saillement à l’interface ne sont quasiment pas affectées par le chargement dyna- mique. En revanche on constate des variations de contrainte de compression pour les lits d’armature supérieurs, qui sont amplifiées quand la fréquence aug- mente jusqu’à 35 Hz.

A partir de ces grandeurs, nous avons calculé le coefficient de frottement dynamique mobilisé, mettant en évidence d’assez fortes variations du frottement sol-armature mobilisé au cours du chargement surtout pour les points situés au droit de la traverse. Les valeurs de ce coefficient ont été comparées au critère normatif de mise en plasticité. Le critère de rupture local est atteint à certains endroits de la zone résistante de l’interface et à certains moments au cours d’un cycle, pour les valeurs des paramètres retenues pour nos calculs.

Les difficultés sont donc liées à la perte d’adhérence dans les lits supé- rieurs, ce qui est analogue à ce qui est observé sous sollicitation sismique (voir 1.3.3.1).

Cependant, le modèle est fortement influencé par le caractère harmo- nique de la charge, la géométrie du remblai, et la comparaison avec un charge- ment statique équivalent au maximum de la charge quasi-statique est discutable. De plus, le fait de considérer un modèle uniquement élastique ne permet pas d’estimer l’amplitude des déplacements plastiques qui devraient être obtenus.

Ces résultats mériteraient donc d’être confirmés par des études approfon- dies de l’interface. Il serait pertinent de garder un modèle tridimensionnel qui permet une bonne estimation des contraintes et des phénomènes de résonance, mais de lui adjoindre une prise en compte de la plasticité de l’interaction sol- barre au cours du temps. Il faudrait également envisager l’étude des phénomènes transitoires (début ou fin du passage du train) qui n’ont pour l’instant pas été pris en compte dans le modèle.

Une autre limite importante du modèle réside dans le fait que la charge est immobile : on se propose donc dans le chapitre suivant de prendre en compte une charge mobile, sur un massif infini dans la direction du passage du train, afin de proposer un modèle plus représentatif du passage d’un TGV sur un rem- blai en Terre Armée.